Cette étude de la Loyola University met en lumière la prévalence de la détresse morale chez les infirmières des services de soins intensifs prenant en charge les grands brûlés, un trouble composé de sentiments douloureux et d’une angoisse émotionnelle et mentale. Un sentiment qui naît parfois de la conviction de devoir mettre en œuvre un protocole mais de ne le pouvoir en raison d’obstacles internes ou institutionnels. Un « cas d’école » qui peut également illustrer et expliquer le développement d’un sentiment similaire dans d’autres types de services infirmiers et qui va donner lieu au développement d’interventions permettant de mieux y faire face.
L’auteur, Jeanie M. Leggett de la Loyola, explique que la détresse morale, un concept documenté chez les professionnels de santé depuis les années 80, peut conduire à la dépression, à l’anxiété, aux troubles émotionnels, à la frustration, la colère, à l’épuisement professionnel, mais aussi à toute une série de symptômes physiques. Bref, des symptômes handicapants pour les professionnels de santé, pour leur qualité de vie propre, comme pour leur exercice. Des études ont été menées sur la détresse morale en particulier dans les unités de soins intensifs néonatals et pédiatriques, mais jamais en unité de soins intensifs des brûlures. Des situations favorisent le développement de cette détresse, par exemple chez une infirmière devant exécuter les ordres d’un médecin alors qu’elle considère que les soins demandés sont inutiles ou qui assiste, comme témoin, à l’intervention d’un autre professionnel de santé qui donne de faux espoirs au patient ou à sa famille. Les services de soin des grands brûlés constituent à l’évidence un milieu de travail tendu, où de nombreux patients souffrent de douleurs intenses, sont défigurés et vont rester dans l’unité durant des semaines, où ils subiront de nombreuses interventions. L’auteur avait donc fait l’hypothèse que les infirmières de ces unités vont présenter certain niveau de détresse morale.
L’étude a été menée auprès de 13 infirmières en soins intensifs des brûlures participant à une formation de 4 semaines visant à diminuer la détresse morale. Le programme comportait 4 séances hebdomadaires d’une heure consacrées aux objectifs de la formation, la définition du concept de détresse morale, ses signes et ses symptômes, les obstacles à sa prise en charge et la définition de stratégies pour y faire face. Les infirmières participantes ont renseigné par questionnaire (Moral Distress Scale-Revised ou MDS-R) l’intensité et la fréquence de leur détresse morale, le 1er groupe avant l’intervention, le second après.
Prendre conscience accroît la détresse dans un premier temps : Contrairement à toute attente, le groupe ayant évalué sa détresse morale après la formation, présente des scores de détresse morale bien supérieurs (92 points en moyenne) à ceux qui l’ont évaluée avant (40 points, en moyenne sur un score variant de 0 à 336).
Les chercheurs interprètent ces résultats par la capacité des infirmières, après la formation, à prendre conscience, identifier et diagnostiquer la détresse morale éprouvée. Cependant, l’étude montre aussi que les participantes ont apprécié cet apprentissage ainsi que la découverte que d’autres professionnels, dans des environnements de travail difficiles sont confrontés à la même détresse morale. Une étude plus vaste, impliquant un plus grand nombre d’infirmières de plusieurs unités de soins de brûlés doit être lancée pour développer des interventions efficaces pour faire face à la détresse morale des personnels soignants.
Source: Journal of Burn Care and Research September/October 2013 A Pilot Study Examining Moral Distress in Nurses Working in One United States Burn Center
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