On y campe en un cercle d’expectative sans autre feu que l’anxiété. Une gravure au mur, des revues sur la table invitent les consultants à l’oubli de la cinquième molaire ou du rein gauche. On sait feindre la somnolence ou la passion du sudoku ; pour un mot d’enfant on peut même sourire à une mère : quoi qu’on fasse, le point vif lancine jusqu’au moment de voir la porte capitonnée -« Personne suivante !»- s’entrouvrir pour vous sur l’antre du Minotaure ou le temple d’Esculape.
Bienvenue salle du qui perd gagne. Pour une mise de deux ou trois quarts d’heure poignants, possible gain d’années analgésiques -dix ? trente ? « vous nous enterrerez tous !». Double appréhension : que le praticien trouve, qu’il ne trouve pas. Sur un mot du sorcier, sortirez-vous de la case réchauffé ou transi ? jovial ou ténébreux ? sain comme le Pont neuf ou vieux comme Hérode ?
Soudain la salle d’attente prend un air de caveau de famille. Vous brûlez de reposer le magazine, fausser compagnie, retrouver dehors le bon soleil, plus content qu’un voisin du mort sorti fumer sur le parvis pendant l’office. Mais la pesanteur vous colle à la chaise -à l’astre, au temps - sous l’oeil des compagnons de patience tous résignés à ne sortir du cercle qu’à leur tour, et par la porte capitonnée qui s’entrebâille : « Personne suivante ! »
Arion