Elisabeth Chailloux, directrice du Théâtre des Quartiers d'Ivry Antoine Vitez, transpose dans une atemporalité contemporaine le chef d'oeuvre poétique et politique de Sénèque. Peu aidée par une distribution souvent gauche qui ploie sous l'ampleur du texte, Elle ne parvient à nous convaincre de la pertinence de son entreprise, semblant chercher deux heures durant le souffle de cette tragédie. Et ce malgré la traduction réussie, à la fois fidèle et revigorante de Florence Dupont. Dommage...
Comme décor à la folie incestueuse de Phèdre, au rejet par Hippolyte d'une société meurtrière, au système et au pouvoir corrompus, détraqués, à la colère de Thésée de retour des enfers, la metteur en scène a choisi les ruines à peine déblayées d'une cité romaine. Superbe scénographie. De ces vestiges surgissent des protagonistes aux allures actuelles. L'idée séduit. Hélas "actuelles" se traduit ici par un jeu ordinaire, banal, maladroit... Dans la gestuelle, le phrasé, la diction, le lyrisme, les déplacements. En vain on guette l'exceptionnel. L'exceptionnelle douleur, l'exceptionnelle horreur (elle fait ici sourire, voire rire le public !), l'exceptionnelle rébellion, l'exceptionnelle beauté.
Bien sûr, tout n'est pas à jeter. Ici et là quelques fulgurances, quelques envolées poignantes. Mais cela ne suffit pas. Aussi consciencieux soit-il, ce travail passe véritablement à côté de la puissance éternelle de Sénèque. A trop vouloir nous en rapprocher, on finit par passer devant sans la remarquer.
Dispensable, donc.
Photo : Bellamy