Si vous êtes amateurs de technologie, vous avez peut-être entendu parler du capteur de mouvements Leap Motion. Cela faisait des mois que le petit boitier nous promettait de révolutionner notre rapport aux ordinateurs en permettant de façon ultra simple et ultra précise de capter nos mouvements de mains.
Pour rappel, voici la vidéo qui faisait saliver le monde entier il y a quelques mois encore :
Le boitier : découverte et installation.
Il faut savoir que ce petit boitier cache en fait ni plus ni moins qu’une webcam de 1,3 million de pixels, c’est certainement ce qui explique le prix d’achat finalement assez modéré de ce petit objet révolutionnaire. Avec la vulgarisation de ce type d’interface comme la Kinect de Microsoft pour sa Xbox, on ne s’étonne pas tant des capacités de ce boitier. Le contenu est finalement assez sommaire mais suffisant avec le Leap lui-même 2 câbles USB avec deux câbles de longueur différente (court ou long).
Après avoir téléchargé les drivers du boitier (aucun CD n’étant fourni), on se retrouve donc sur le AirSpace Home, un écran d’accueil regroupant toutes vos applications, récupérables sur le AirSpace. Le store dédié aux applications Leap Motion. À noter que le clivage PC/Mac fait son grand retour avec des applications développées pour l’une ou l’autre plate-forme, voire les eux dans le meilleurs des cas pour les deux. Bien évidemment, comme tout store, celui-ci propose aussi bien des applications gratuites mais aussi des payantes, la plus chère observée étant celle qui l’intéressait le plus, à savoir Ethereal, vendue 30$ (au lieu de 60$ au moment où je rédige ces lignes).
L’usage : premiers essais d’applications et déjà quelques constats.
Pourquoi une société comme la nôtre s’est procurée le boitier Leap Motion déjà (hormis pour le côté fun et geek) ? Souvent lors de nos prestations de formations, difficile de rester sur place, nous nous retrouvons donc souvent à déambuler entre l’écran de projection pour indiquer où trouver telle ou telle option des logiciels ou directement sur nos ordinateurs à zoomer, dézoomer (tête baissée dans l’écran). Convaincus que le Leap Motion pourrait amener un véritable plus de par sa capacité à reconnaitre les gestes et vu les vidéos proposées auparavant dans cet article, nous nous imaginions déjà zoomant sur des zones d’écran tels Tom Cruise dans « Minority Report » ou encore à faire défiler des pages web d’un simple geste de la main, nous permettant ainsi de conserver la tête levée lors de nos explications.
Hélas, la réalité est bien moins idyllique.
- Premier constat, le Leap ne s’utilise pas en natif. Cela veut dire que si vous vous imaginiez utiliser ce boitier sur votre ordinateur dès installation des drivers, ce n’est pas le cas. Vous souhaitez faire défiler une page internet, le Leap ne sait pas le faire. En tout cas, pas tant que vous n’aurez pas installé une application développée pour prendre en charge ce genre de demandes. Argh ! Première déception. Il faut donc explorer le store qui est, lui aussi, peu fourni en l’état. Pour sa défense, rappelons que celui-ci n’est sorti que fin juillet 2013.
- Second constat, pour attribuer des gestes sur votre boitier, il vous faudra donc tester différentes applications avant de trouver la bonne. Problème, avec le peu d’app dispo, peu de chances que vous soyez totalement contenté. Admettons, vous souhaitez attribuer ces gestuelles de base, faire défiler une page web, vous pouvez vous tourner vers « Handwave » (gratuit pour PC et Mac).
L’application fonctionne plutôt bien en reconnaissance de gestes malheureusement, la liste des commandes dispo est assez vite limitée.
Vous testez alors une autre app, « Better Touch Tool ». Plus complète, on pense accéder au Saint Graal, chaque logiciel sur votre machine pouvant être intégré et configuré pour fonctionner avec le Leap Motion.
Désillusion car une fois quelques configurations gestuelles effectuées, le contrôle se révèle chaotique voire impossible. Non pas la faute au boitier mais bien à l’application, il m’était ainsi difficile de faire reconnaitre certains mouvements que je sois près ou que je me tienne debout au dessus du Leap Motion pour une perception plus ample. En fouinant un peu, on s’aperçoit que l’application en est encore au stade de bêta (v. 0.9871 au moment de la rédaction), ce qui peut expliquer l’énorme sentiment de frustration à son usage, vouloir faire défiler la page vers le bas et ne pas être détecté, remonter machinalement la main pour effectuer à nouveau un geste vers le bas quand le boitier se met à détecter ce moment où vous avez levé la main, le scroll s’est donc fait en haut et pas en bas, l’expression « deux pas en avant, un en arrière » n’a jamais semblé aussi appropriée. J’ai abandonné après 10 bonnes minutes de ratages répétés.
Et là, on comprend alors une petite chose, c’est que les concepteurs ont créé un boitier mais surtout un environnement financier avec leur store à la manière d’Apple qui a su faire prospérer un écosystème financier qui en fait saliver plus d’un (ils touchent 30% de chacune des ventes effectuées sur l’Apple Store). Cependant, si l’on continue la comparaison avec Apple (les premiers utilisateurs d’iPhone peuvent encore vous parler du peu d’applications disponibles au démarrage du premier iPhone), les créateurs du boitier ont clairement oublié que la firme à la pomme s’appuie aussi sur un environnement matériel/système d’exploitation maitrisé, c’est-à-dire fonctionnel sans même l’apport d’applications tierces. Alors qu’ici, on nous livre une coquille vide dont il faut savoir combler le vide nous-mêmes. Un peu comme si votre téléphone était vendu sans la fonction d’appel téléphonique. Certes, il y a une app pour tout mais le « basique » d’un appareil technologique me semble évident. Car si les applications proposées ne remplissent pas totalement leur rôle, il eût été judicieux d’offrir aux utilisateurs une base fonctionnelle ! Permettre au démarrage du boitier par exemple, et sans installation d’applications quelconques, la capacité à se servir du Leap pour surfer sur le web ou arrêter son player musical aurait été un vrai plus.
Dans le cas présent, les concepteurs ne sont pas allés jusqu’au bout de leur réflexion et ont délaissé peut-être le plus important, ce « wow effect » qui permet de faire d’un matériel un élément non plus super mais carrément indispensable. Et ça, c’était possible sans forcément avoir à développer pendant des années. Prenez donc « Flutter » sur Mac et PC qui, se basant sur votre webcam lambda, vous permet de le faire très simplement et très efficacement en reconnaissant quelques gestes de base pour avancer ou stopper un morceau sur votre player audio ou vidéo (personnellement, même si c’est gadget, j’aime beaucoup).
Et si j’en viens à réclamer une application utilisable de base c’est aussi car certaines sont clairement faites par de petits développeurs indépendants, ce qui peut amener une expérience loin des standards d’une société dont c’est le business principal. On aura donc parfois des app d’un niveau relativement amateur (mais aussi d’autres plus pro), le hic, c’est qu’en plus, chaque application en vient à proposer sa propre interface gestuelle, ce qui ne facilitera pas l’apprentissage des gestes comme a su le faire Apple.
Je n’ai donc pas plus testé Ethereal pour Photoshop car il m’est apparu évident que les quelques mouvements aperçus dans la vidéo, visible au dessus, résument les seules possibilités offertes par l’app dans le logiciel d’Adobe. Oubliez donc l’idée de configurer certaines fonctionnalités qui vous intéresseraient, je pense que l’application ne se limite qu’au dessin et les outils afférents par le biais d’une palette dédiée. C’était peut-être évident pour certains mais dans mon cas, j’espérais qu’on pourrait aller un peu plus loin et faire du Leap un compagnon de travail quotidien, l’idée n’étant pas de substituer ma souris ou ma palette par des gestes dans les airs (je suis graphiste, pas batteur pour un groupe de métal, rappelons-le). Donc si vous souhaitez le faire, c’est possible mais il vous faudra développer vous-mêmes cet outil via le SDK du boitier. On a déjà vu plus pratique. Sachez qu’il y a aussi une app développée par Autodesk mais comme ce n’est pas mon domaine de compétences, je n’ai pas testé non plus.
Conclusion.
À mon sens, le produit souffre de sa jeunesse et d’un manque de base fonctionnelle qui aurait permis à tout à chacun de prendre le produit en main (dans les airs) et donc le contrôle de son ordinateur très rapidement. Se retrouver à configurer chaque application devient vite lourd, entre les applications qui ne sont pas assez abouties, le peu de choix disponible pour un environnement plus professionnel et vos éventuelles attentes, on a vite l’impression d’avoir fait le tour du propriétaire et difficile de ne pas être frustré par l’expérience. J’avais d’ailleurs téléchargé d’autres applications pour faire défiler des fichiers Keynote ou Powerpoint, d’y créer des annotations mais devant le peu de satisfaction que m’avait procuré mes différents tests, j’ai décidé de passer mon chemin. Ou plutôt de retrouver celui de la FNAC pour me faire rembourser et acheter en lieu et place le BluRay de « Minority Report » et continuer à rêver. Si prochaine version du boitier il y a, ce que j’espère un peu au fond, le Leap Motion pourrait bien faire face à une concurrence plus importante avec le temps, Google ayant racheté Flutter. On imagine aisément ce que cela pourrait donner si le moteur de recherches démocratisait l’usage de la webcam en reconnaissances de mouvements à partir des millions de webcams qui équipent déjà tous les portables du monde et ce, allié à sa puissance de frappe financière. Il suffit de voir à quelle vitesse leur navigateur web Chrome a su s’imposer ou encore Android dans le domaine du mobile.