Courrier international, la revue d’actualité qui publie en français des articles de journaux du monde entier, consacre un numéro hors-série au jeu. Le jeu de société, d’argent et évidemment vidéo.
Le jeu vidéo est souvent malmené dans la presse. Il s’en prend plein la tronche en raison de sa réputation violente et addictive. La presse lui impute généralement certains maux de la société moderne, et non des moindres comme celui de la triste mode des tueries massives. À ce titre, ce hors-série « La vie est un jeu » évite les raccourcis faciles en sélectionnant des articles réfléchis. Leurs auteurs savent manifestement de quoi ils parlent et ça fait toute la différence.
Le contenu proposé provient de journaux réputés. Leurs articles posent des questions pertinentes sur la place du jeu en général, et celle du jeu vidéo en particulier. Par exemple, la « gamification » (la pratique consistant à appliquer des codes du jeu à la vie réelle) y est parfaitement traitée avec humour et pertinence. En piochant dans des journaux des quatre coins du globe, Courrier international apporte aussi un éclairage international particulièrement intéressant. La parole est ainsi donnée à des développeurs arabes ou à des manifestants russes lassés de passer pour des méchants dans nos scénarios occidentaux.Une autre partie du numéro aborde des thèmes connus (la mode du poker, la mafia des paris) en la mettant dans une perspective peu commune. J’ignorais notamment qu’au Cambodge, on pariait sur le moment où la pluie allait tomber ! On en apprend donc plus sur les pratiques de jeu dans les sociétés orientales ou africaines (le mahjong au Japon, les dominos en Algérie, etc.). Le jeu de rôle grandeur nature est également un sujet savoureux qu’un journal danois présente au coeur d’une bataille entre Vikings passionnés et courtois.
Interpellant aussi, cet article sur une école américaine qui fonctionne autour du thème du jeu vidéo. Une créatrice de jeux a inventé ce concept et l’applique concrètement dans son école, où les devoirs des élèves sont des mini-jeux à développer. Les professeurs de cette école atypique croient en leurs méthodes pour enseigner toutes sortes de matières. Mais n’est-ce pas attribuer trop de vertus au jeu vidéo ?
Une autre professionnelle du jeu vidéo nous explique comment son métier peut résoudre les plus gros problèmes mondiaux pour, en somme, sauver le monde. Cet avis est directement critiqué pour sa naïveté dans le texte suivant. Néanmoins, il montre l’approche de Courrier International pour embrasser son sujet. Le jeu, vidéo essentiellement, n’est jamais reconnu pour ses qualités ludiques. Il n’est qu’un moyen pour tromper l’ennui, comprendre des questions difficiles, appliquer des théories ou extérioriser des douleurs. Des internautes sont parvenus, par la force de leur nombre, à identifier une structure moléculaire inconnue jusqu’alors en participant à un mini-jeu : très bien ! Le père d’un enfant cancéreux crée un jeu pour faire comprendre sa peine et l’inégalité du combat contre la maladie : bravo à lui ! Mais est-ce que le jeu vidéo doit absolument « servir » à quelque chose pour avoir une valeur ?Moi, joueur, je me suis senti exclu par ce propos. Avant, la pratique du jeu vidéo était considérée comme une activité d’ado attardé. Aujourd’hui, on demande au joueur « pur » d’exploiter sa passion pour en sortir autre chose de plus noble, voire pour gagner sa vie comme le font les stars de l’e-sport. Bref, nous sommes encore et toujours privés du droit à l’amusement, à la détente, au jeu tout simplement. Il m’arrive bien sûr de réfléchir à mes actes dans un jeu, mais telle n’est pas ma principale motivation quand je prends ma manette en main. Sommes-nous condamnés à jouer « sérieusement » pour être mieux considérés ?
Cette réflexion personnelle mise à part, je vous recommande chaudement la lecture de ce numéro captivant.
Courrier international, Hors-série « La vie est un jeu », disponible actuellement en librairie au prix de 8,50 euros.