Je l'ai déjà affirmé plusieurs fois sur ce blog, mon humoriste préféré du moment est incontestablement Fabrice Eboué. J'ai ainsi déjà dit tout le bien que je pensais de cet humoriste, qui physiquement, a certes de faux airs de Dieudonné, mais un Dieudonné qui aurait bien évidemment continué à nous faire rire. Pour moi, Eboué posède ce talent incroyable de dire avec un ton totalement pince sans rire le pire des petites saloperies, avec toujours au fond des yeux la petite pointe de malice et d'humanité qui permet de faire passer la pilule.
Mais si le type est génial en stand up (et j'ai trop hate de voir, lorsqu'il viendra le défendre sur Lyon en mars prochain, son nouveau spectacle qu'il joue actuellement à la Comédie Caumartin), le cinéma ne lui pas encore, à mon sens, offert le rôle qui lui permettrait de mettre en valeur tout son potentiel comique.
Sa prestation dans l'étonnament drôle Fatal de Michael Youn,(un film de 2009) était assez impayable, tant ce rôle de manager faux derche était taillé pour lui, mais hélas, on ne le voyait pas assez à mon gout. Il a fallu qu'il se mette lui même en scène dans la comédie explosive sur l'esclavage, un film qu'il a coréalisé avec son comparse Thomas Ngigol en 2011 dans "Case Départ" (que j'ai enfin rattrapé cet été en DVD) pour qu'il puisse enfin démontrer sur grand écran son talent à composer ces rôles de type veule, lache et assez repoussant, et cette autodérision qu'il cultive en permanence avec une grande jubilation donnait lieu à des scènes assez tordantes, même si sur la fin, la charge avait tendance à s'émousser quelque peu.
Surfant sur ce très beau succès en salles, j'attendais qu'Eboué explose enfin au cinéma, et je fus surpris lorsque son film suivant fut passé totalement inapercu en salles. Ce film, c'est Denis, qui a fait une sortie trés trés rapide en mai dernier ( une petite semaine et puis s'en va, du moins sur Lyon), et dont le DVD, édité par M6-SND, sorti le 9 octobre dernier, est peut-être l'occasion de lui redonner une nouvelle chance. Grâce à Cinétrafic, et son opération "un DVD contre une chronique" ( pas de Blu Ray pour celui ci, contrairement à à La Merveille, en même temps, pas sur que cela s'impose vu l'image du terne du film en question :o), j'ai pu voir ce Denis et me faire une idée précise sur ce nouvel écrin pour Eboué.
Le metteur en scène de cette comédie mi acide mi potache n'est autre que Lionel Bailliu, un cinéaste surtout connu pour avoir réalisé "Fair Play" en 2006, un film d'auteur avec Benoit Magimel et Marion Cotillard que j'avais vu à sa sortie, et qui possédait un sujet plutôt original au départ (les relations perverses dans une entreprise, vues sous le prisme des compétitions sportives) mais assez mal exploité au final. Bailliu a mis 6 ans pour tourner un second long métrage, et on imagine bien que cette comédie, potentiellement plus grand public que son précédent, avec des acteurs plutot "bankables", et à l'univers a priori éloigné du sien, répond plus à une oeuvre de commande qu'à un projet personnel.
Et d'ailleurs, niveau mise en scène, on est vraiment dans le purement fonctionnel, ce qui déçoit vu le premier film de Baillu quand même plus audacieux formellement: ici, on a droit à aucune inventivité particulière, l'image est terne, en fait, le seul but du cinéaste visiblement est de désservir au mieux les dialogues et les acteurs afin que la sauce prenne pour amener le rire.
D'ailleurs, le film a été écrit en collaboration étroite avec Fabrice Eboué et Jean Paul Rouve, l'autre acteur principal du film. Et en grand connaisseur de l'humour d'Eboué ( moins celui de Rouve, j'avoue, même si j'avais adoré son précédent film de cinéaste), j'ai pu reconnaitre sur plusieurs dialogues la patte de l'humoriste. Et évidemment, ce sont ces dialogues là qui m'ont fait le plus marrer, lorsqu'Eboué accentue le coté veule et méprisable de son personnage, ce type coincé qui s'aperçoit que deux de ses ex copines l'ont quitté pour le même mec, un certain Denis, qui n'a a priori rien pour lui : beauf, laid, pas bien malin et qui va bientôt fasciné Vincent, le personnage joué par Fabrice Eboué, qui voudra tout connaitre de son secret caché pour séduire à ce point ces filles, d'autant plus que Vincent a une copine actuelle (Audrey Dana, plutot à l'aise dans un genre auquel elle est peu habituée), qu'il ne voudrait surtout pas se voir voler par le Denis en question.
Le pitch du film lorgne donc vers la comédie sentimentale grand public... sauf qu'avec Rouve et Eboué dans l'aventure, forcément on va plutôt vers une autre direction, et accesoirement un autre genre d'humour, plus décalé et sarcastique.
Hélas, entre ces deux pôles a priori divergents, la sauce a du mal à prendre, et l'ensemble laisse une impression mitigée, et donne surtout un côté bancal ,pas bien maitrisé. Les scènes les plus drôles sont incontestablement celles où les acteurs se lachent et trois scènes en particulier m'ont fait hurler de rire (celle du catch avec l'octogénaire, celle du dîner avec les perroquets, et celle de la signature du contrat de vente chez le notaire). Hélas, elles sont dilulées avec d'autres scènes, bien plus fades et plus anodines, dans lesquels le potentiel des deux acteurs, et notamment celui de Fabrice Eboué, est loin d'être exploité au maximum. On aurait aimé plus de vice, plus de fiel, plus de soin dans l'écriture pour que la comédie tire le bénéfice de la fantaisie de ces acteurs et coscénaristes.
En résumé, ce "Denis est loin d'être une comédie honteuse et déshonorante ( contrairement à pas mal de comédies françaises sorties récemment) mais elle est également loin d'être inoubliable....Et ce n'est donc pas pour cette fois ci encore que Fabrice Eboué va trouver le rôle de sa vie sur grand écran!! Courage, Fabrice, on y j'y crois, et on est, je suis à fond derrière toi!!