Long week-end – Joyce Maynard

Par Theoma

« Je croyais que vous nous reteniez prisonniers. Qu'est-ce qu'il se passera si ma mère ou moi on file pendant que vous aurez le dos tourné ?

Et bien, ce sera votre vraie punition. Vous devrez retourner dans le monde. »

Henry, 13 ans, vit seul avec Adele, sa mère. Lors de l'une de leur rare sortie, ils croisent la route de Frank qui s'est évadé de prison.

Ce qui est vraiment épatant avec Joyce Maynard, c'est l'ambiance qu'elle réussit à créer dans ses romans. A l'instar des filles de l'ouragan, il ne se passe pas grand chose dans Long week-end mais l'atmosphère, lancinante et langoureuse, nous ferre dès les premières pages. L'auteure possède l'art de dire beaucoup avec peu.

Les trois personnages principaux sont creusés avec finesse et psychologie. J'ai vu danser Adele et Frank. J'ai écouté la voix d'Henry et j'ai redouté la fin, sentence irrémédiable. Offrir le rôle de narrateur à un garçon de treize ans était un pari risqué. Certaines scènes auraient pu être indécentes ou déplacées. L'érotisme des regards, des repas, des silences, des soupirs est omniprésent. Maynard a non seulement osé parlé de la sexualité d'une mère mais également l'éveil de celle de son fils. Et comme c'est beau ! Cette écriture sur la relation mère-fils, ce moment où les vies basculent vers l'inconnu, le différent, l'autre.

La plume est teintée de mélancolie et d'une belle puissance émotionnelle. Joyce Maynard possède une force narrative dans la simplicité. Les failles, la fin d'une époque, les petits riens qui font la vie, les existences cabossées, fracassées par le temps ou les événements. Gracieux, subtilement écrit, sans artifices, une écrivaine, si ce n'est pas déjà fait, à découvrir d'urgence.

10-18, 251 pages, 2011, traduit de l'anglais par Françoise Adelstain

Extrait

« Parfois je me demandais si le problème n’était pas qu’elle avait trop aimé mon père. J’avais entendu parler de cas de personnes qui ne se remettaient jamais de la mort ou du départ de quelqu’un qu’ils avaient trop aimé. On disait qu’ils avaient le cœur brisé. Un soir, pendant notre dîner de surgelés, au moment du troisième verre de vin, je faillis lui poser la question. Est-ce que pour haïr quelqu’un comme elle semblait haïr mon père, il ne fallait pas d’abord l’avoir beaucoup aimé ? Comme dans le jeu de bascule: plus bas descend l’un, plus haute monte l’autre. J’ai fini par conclure que ce n’était pas d’avoir perdu mon père qui avait brisé le cœur de ma mère – si c’est bien ce qui lui était arrivé -, c’était d’avoir perdu l’amour tout court – voyager en vendant du pop-corn et des hot-dogs, traverser l’Amérique en dansant, vêtue d’une robe scintillante et d’une petite culotte rouge. Avoir quelqu’un qui vous dit tous les jours que vous êtes belle, ce que faisait mon père, racontait-elle. »

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