Une Contribution de Philippe Gabilliet
Pour ceux qui doivent faire tenir le cap au navire, fabriquer de l'optimisme
responsable et entretenir les acteurs dans l'espérance de lendemains meilleurs
demeure au cœur de tout processus de mobilisation collective.
Oui, l’optimisme du leader représente pour toute organisation humaine un
vrai capital d’enthousiasme, de motivation et d’énergie ; un capital à protéger
certes, mais aussi à faire fructifier. Ce que l'on recherche en période de
changement, ce sont non seulement des hommes et des femmes optimistes par
tempérament, mais surtout des hommes et des femmes capables d’instaurer avec
les autres un mode de relation orienté sur une dynamique optimiste et positive.
Le savoir-être rejoint ici le savoir-faire, à travers la mise en application de
principes de comportements générateurs d’inspiration, d'énergie et
d’enthousiasme.
La situation politique, économique et sociale actuelle génère beaucoup
d’anxiété dans la vie d’un grand nombre de personnes. Accélération du monde et
changements divers, perte des repères anciens et de la visibilité sur le futur,
crainte de l’obsolescence des compétences et de la disqualification
professionnelle, peur de l’imprévisible sous toutes ses formes, tels sont les
ingrédients du doute et de la perte de confiance en soi et en la société,
terrain d’élection du pessimisme collectif.
Face à cela, insérés dans un monde qui exige d’eux toujours plus de
performance, qu’attendons-nous de ceux qui nous dirigent ? Sans doute trois
choses assez simples en fait, mais dont le point commun sera toujours de
nourrir la dynamique optimiste, que ce soit celle des individus ou des équipes.
Trois attentes vis-à-vis de
nos dirigeants
1 - En période d’incertitude, la première attente
des acteurs sociaux concerne probablement la fourniture régulière par leurs
dirigeants de preuves de sens, à savoir une émulsion subtile mêlant le rappel
de la direction du changement (objectif, but, ligne de mire), l’utilité de ce
qui leur est demandé (contribution) et la place occupée par eux, en tant que
personnes, dans ce processus (reconnaissance).
2 - La deuxième attente est aussi celle de marques
de réassurance, que cette dernière porte sur la compétence du dirigeant
lui-même ou sur la confiance qu’il ou elle met dans sa propre action et celle
de ses troupes ainsi que dans leur capacité à affronter les ruptures et remises
en question du moment.
3 - La troisième attente enfin, est celle d’un
climat réellement adapté aux périodes de mutation et de réforme, climat que
l’on pourrait qualifier d’optimisme convivial et tonique. Face aux tensions
nées des enjeux du changement et d’une conjoncture souvent marquée par la
raréfaction des moyens et des ressources (financières, matérielles,
humaines...), l’atmosphère entretenue par le dirigeant doit en effet permettre
à son équipe d’affronter les difficultés sans risquer le doute ou le désespoir.
À quoi reconnaît-on un dirigeant optimiste ?
Tout d’abord au fait que c’est… un dirigeant comme
les autres, c’est-à-dire un responsable qui tente d’atteindre des objectifs -
politiques, économiques, sportifs, entrepreneuriaux - à travers la mobilisation
d’autres personnes. Le dirigeant optimiste, comme tout dirigeant, doit donc
faire réussir une collectivité humaine, c'est-à-dire aider ses membres à
atteindre les objectifs fixés, les rendre plus autonomes et leur permettre, à
terme, d’évoluer dans un monde renouvelé et enrichi par leur action.
Ce n’est donc pas sur la finalité de son action que
le dirigeant optimiste va faire la différence mais sur ses principes et
méthodes d’action. On peut globalement reconnaître un dirigeant optimiste à
travers quatre attitudes fondamentales.
Quatre comportements fondamentaux
1 - Le dirigeant optimiste concentre l’essentiel de son action sur les
forces, c’est-à-dire sur les qualités des structures et des personnes ainsi que
sur leur potentiel d'évolution et de changement. Pour un dirigeant positif, les
hommes et les femmes qui l'entourent disposent de deux types de ressources
d’action face au changement : des points forts à cultiver et renforcer et éventuellement
des points d’efforts, sur lesquels existe une marge de manœuvre et où il est
possible de s’améliorer et de progresser. Concernant les points faibles, à
savoir les gros défauts, les carences structurelles, etc. ils sont une réalité
objective mais ne peuvent être utilisés durablement pour produire une
performance, qu’elle soit industrielle, sportive, sociétale ou autre. On ne
peut donc que les ignorer, « faire avec » voire les
neutraliser en les compensant, par exemple à travers un développement extrême
de certains autres points forts.
2 - Le dirigeant optimiste sait privilégier les solutions efficaces,
même partielles et temporaires. Les grands pessimistes, en particulier
lorsqu'ils sont au sommet, aiment à se nourrir de l’analyse méticuleuse des
causes des échecs et des raisons de la défaite. Ce faisant, ils produisent
presque toujours à terme de la rancœur et des regrets, débouchant
immanquablement sur la justification et la recherche de coupables. Les
dirigeants pessimistes apprécient aussi de mettre à l’épreuve le
perfectionnisme qui les habite, à travers la recherche - souvent vaine - de
solutions idéales, en tous points parfaites, et qui règleraient en une seule
fois la totalité des problèmes. Ils en finissent même par admettre, plus ou
moins ouvertement, l'impossibilité de tout changement ou de toute réforme.
Le dirigeant optimiste quant à lui, voit les choses différemment. Savoir
« pourquoi » on en est arrivé là, surtout en cas de difficulté
majeure, est certes intéressant ; mais la recherche des causes – surtout dans
le cadre de situations complexes - constitue souvent une perte de temps.
Confronté au « pourquoi » du pessimiste, le dirigeant
optimiste privilégie toujours dans un premier temps le «comment faire
pour », c’est-à-dire la recherche immédiate de voies alternatives ou d’opportunités
nouvelles nées de la difficulté rencontrée. Les grands leaders optimistes n’ont
pas besoin de connaître l’origine ou le responsable de l’obstacle dressé devant
eux et leurs troupes pour commencer à explorer des chemins destinés à le
contourner.
3 - Le dirigeant optimiste traque les « petites victoires ».
Chacun aime à être félicité après avoir gagné. Mais chaque jour étant un
nouveau jour, ce n’est pas parce que l’on est félicité aujourd’hui que l’on
sera davantage motivé demain, ni que l’on gagnera à coup sûr. En revanche,
c’est bien le fait d’être encouragé pendant qu’on est en train de faire un
effort, d’apporter sa pierre au défi collectif, qui contribue à entretenir
notre confiance en nous-mêmes, notre désir de poursuivre l’effort et notre
optimisme quant à la réussite à venir.
Le dirigeant optimiste garde certes l’œil rivé sur la ligne de mire du
changement à atteindre. Mais pour autant, il ne perd jamais une occasion de
célébrer avec ses troupes une victoire d’étape, un match remporté, un obstacle
franchi avec brio, un effort qui a payé, une avancée technique ou un nouveau
contrat. Bref, le dirigeant optimiste aime prendre ceux qu'il conduit en
« flagrant délit de réussite », aussi modeste soit-elle. C’est
d’ailleurs dans ces occasions que le dirigeant peut entraîner ses troupes à la
pratique du « style optimiste », en analysant avec eux en quoi
ce succès est dû à leur action propre, en quoi il illustre des compétences
durables possédées par la communauté et en quoi il a vocation à se reproduire
dès que possible…
4 - Le dirigeant optimiste pousse à la persévérance et à la prise de
risque. « Le succès », disait Winston Churchill,
« c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ».
Si les dirigeants pessimistes anticipent et redoutent systématiquement l’échec,
que ce soit pour eux ou leurs équipes, les optimistes savent quant à eux que
l’échec – aussi désagréable soit-il - fait partie de la vie et qu’il n’est, à
ce titre, qu’un ingrédient du succès comme les autres. Peut-être un peu plus
amer, et encore.... Etre préparé aux revers de fortune et à l’échec, pour un
dirigeant optimiste c’est à la fois savoir ce que l’on fera si les choses
tournent mal et se donner par avance le droit de réessayer, de tenter à nouveau
sa chance.
Car si l’optimisme est un facteur de réussite si puissant, en
particulier dans les périodes de changement, c’est essentiellement parce qu’il
crée les conditions individuelles et collectives de la persévérance. Un
dirigeant optimiste est donc, dans tous les cas de figures, un dirigeant qui
accorde (et s'accorde) le droit à l’erreur, dès lors que cette erreur peut-être
analysée et représenter une source d’apprentissage. Un dirigeant optimiste est
aussi celui ou celle qui donne à ceux qui l'entourent la permission d’innover,
de faire bouger les lignes.
Un dirigeant optimiste est finalement celui dont on pourra dire: « Face
aux turbulences annoncées, il nous a donné envie d’essayer, nous a permis de ne
pas réussir tout de suite, et nous a poussé à recommencer jusqu’à ce que nous
gagnons la partie du changement ! ».
Source : influencia.net