Le lamentable feuilleton à rebondissements de l'écotaxe depuis le Grenelle de l'environnement jusqu'à son retrait, en passant par le non moins lamentable vote à l'unanimité à l'assemblée nationale, a révélé combien la gauche était à la ramasse, y compris le Front de gauche.
Au lieu de dénoncer les bonnets rouges [1] et la manipulation de la droite, du FN et du patronat qui se sont refaits la cerise, saisissons-nous de ce sujet très concret pour faire de l'éducation populaire.
En effet, l'écotaxe est l'archétype de la mesure contraire à l'intérêt général, c'est-à-dire à l'intérêt du peuple et du pays. Si les intentions écologiques sont incontestablement légitimes, son contenu ne l'est pas. Sans compter qu'il s'agit d'une nouvelle taxe qui alourdit la fiscalité indirecte (la plus injuste) sans avoir au préalable revu de fond en comble la fiscalité, ni pris des mesures de protectionnisme social et écologique pour préserver l'emploi et éviter le gaspillage des ressources naturelles.
D'abord, le secteur privé a été à la fois chargé de construire et d'exploiter les équipements, ces portiques hideux. Plus fort encore, la perception de ladite taxe a été confiée à une société privée. Comme le souligne justement un blogchevik [2], la "récolte" de l'impôt par une société privée renvoie la France aux temps de l'Ancien Régime et des Fermiers Généraux, ce qui est une régression pour la République ! Et surtout, cela est particulièrement coûteux pour les finances publiques :
« Lorsque l'État perçoit lui-même un impôt, cela coûte plus ou moins 1 % de cet impôt. Eh bien, pour percevoir les 1200 millions de l'écotaxe, nos performants prestataires facturent 280 millions ! Retirez-en 50 que l'État récupère en TVA, il en reste tout de même 230, soit... ? 19,16 % des sommes collectées. Ces gens vont percevoir leur propre TVA sur nos impôts. Rideau. »
Ensuite, en retirant en catastrophe cette écotaxe, le gouvernement Ayrault condamne le contribuable à verser la bagatelle de 18 millions d'euros par mois à cette même société privée, à partir du 1er janvier prochain, en espérant qu'il n'y ait ni procès ni amende. Cette usine à gaz lie l’État durant 13 ans ![3] Dans tous les cas, le grand perdant est l'intérêt général.
Enfin, l'écotaxe repose sur un PPP :
« Le partenariat public-privé (PPP) est un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public et/ou des usagers du service qu'il gère. »
Je n'évoquerai pas ici le problème que cause le PPP quant à la démocratie et au contrôle des citoyen-ne-s[4] pour me concentrer à son impact sur le budget de l’État.
A première vue, le PPP semble un moyen d'action avantageux pour la puissance publique qui n'a pas à avancer l'argent pour financer un investissement. En l'espèce, un prestataire privé assume l'ensemble du coût de construction de l'équipement public au profit de la puissance publique (État ou collectivités locales). Mais, une fois l'équipement construit et remis à la puissance publique, cette dernière doit acquitter un loyer à la société privée pour rembourser le coût de construction et de maintenance. Et, c'est là que le bât blesse, parce qu'au final, après 10 ans ou 30 ans, le montant total des loyers acquittés est beaucoup plus coûteux pour la puissance publique qu'un marché public classique.
Les PPP font exploser le coût de tous les investissements publics. Mais pas seulement... c'est une bombe à retardement.
Ainsi, dans un 1er temps, les PPP permettent de dissimiler une partie de la dette publique puisque la puissance publique ne débourse pas un seul euro au départ. A la signature du PPP et pendant la construction de l'équipement, tout va bien comme dit l'autre ! Mais, à mesure que tous les PPP sont finalisés, la dette publique explose et les efforts budgétaires imposés au peuple ne servent que des intérêts particuliers ! Et, je n'évoquerai pas ici certaines clauses ou défauts de construction qui alourdissent le coût...[5]
En définitive, les PPP créent de la dette. Par rapport aux marchés publics classiques, les PPP profitent exclusivement à quelques intérêts privés, en particulier aux actionnaires des sociétés privées prestataires du PPP, et aux politiciens qui les ont signés ou pas supprimés qui peuvent présenter des comptes publics plus avantageux avec une dette cachée. Le tout, au détriment de l'intérêt général et du peuple. Pour toutes ces raisons, les PPP créent de la dette illégitime parce qu'ils nuisent à l'intérêt général.
En l'espèce, les PPP permettent de comprendre que la dette publique ne profite pas au peuple. Cette dette illégitime est à la fois une machine de guerre qui enrichit l'oligarchie et un prétexte pour imposer au peuple des réformes de régression sociale qu'il n'aurait jamais accepté autrement. Pourquoi ? Parce que la dette est un sujet sensible qui effraie. Chaque citoyen-ne a tendance à s'identifier au pays et à comparer inconsciemment son propre budget à celui de la nation.
Aussi, les politiciens de l'UMP, du PS, du centre et du FN en profitent et pratiquent la théorie du choc en affirmant que le pays vit au-dessus de ses moyens et qu'il faut serrer la vis des finances publiques...
Sauf que leurs arguments sont faux. Le budget d'une nation ne peut être comparé ou assimilé à celui d'un ménage.
Imposer le remboursement de la dette publique appauvrit le peuple et enrichit quelques intérêts particuliers, en l'occurrence l'oligarchie. L'exemple de la Grèce est flagrant puisque tous les sacrifices imposés au peuple grec ont nuit au pays et enrichit les marchés financiers : la dette publique grecque et la misère ont explosé depuis l'intervention de la Troïka (UE-BCE-FMI) néo-libérale.
Historiquement, un pays ne peut se relever qu'en choisissant de ne pas rembourser ses créanciers [6], tout au moins la dette illégitime à l'instar du Paraguay de Correa.
Mais, telle n'est pas la politique menée par Hollande, Ayrault, Moscovici, Montebourg ou Duflot...
Après le bourbier de l'écotaxe, le gouvernement Ayrault risque de s'enfoncer dans celui des autres PPP et de l'explosion des déficits publics. Mais que voulez-vous, quand un pouvoir politique ménage l'oligarchie depuis des décennies malgré les alternances, au point de ne pas supprimer les PPP, réformer la fiscalité, lutter contre l'évasion fiscale [7], contrôler la finance, protéger les travailleurs du dumping social, et auditer la dette publique [8], il ne faut pas s'attendre à une quelconque amélioration sociale, économique et budgétaire.
Notes
[1] Ils ont des chapeaux rouges
[2] Impôts, 2: retour à l'Ancien Régime
[3] Les dessous de l’écotaxe : quand Benetton et Goldman Sachs collectent l’impôt français
[4] Les partenariats public-privé sont nuisibles et minent la démocratie
[5] Le double scandale de l’hôpital d’Évry-Corbeil
[6] Vive la banqueroute !
[7] Ce n'est pas le social qui endette la France mais la corruption...
[8] AAA, Audit Annulation Autre politique