A l’affiche en version concertante sur la scène marseillaise, voici donc une bonne occasion de faire un point d’histoire sur cette curiosité. L’opéra s'inspire du roman "L’Étrangère" du Vicomte d'Arlincourt et se déroule en Bretagne vers l'an 1200. L’intrigue est tarabiscotée. Voyez un peu: la belle Agnese a épousé le roi de France sans savoir que celui-ci avait déjà sa régulière. Exilée sous le nom d’Alaide, l’héroïne se lamente tous les soirs aux abords d’un lac. Les paysans du coin, ignorant qui est cette étrangère, la prennent pour une sorcière.
De nos jours, une étrangère sans papier, ou presque, itinérante de l’amour, un rien foldingue, cela vous a des airs de renvoi à la frontière manu-militari en jet privé…
Arrive alors, fleur aux lèvres, le Comte Arturo, déjà fiancé à une noble du patelin, qui s’éprend lui aussi de la mystérieuse étrangère. Le temps d’une roucoulade, on annonce à l’acte II la mort de la première épouse du roi, ce qui fait d’Alaide/Agnese la nouvelle reine de France! Jouez hautbois, résonnez musettes!
Hélas, désespéré, Arturo se suicide sous ses yeux. C’est le moment pour Alaide de se lancer dans une "cabalette" particulièrement inspirée, bouleversante à pleurer.
Car la musique de Bellini séduira toujours par la beauté et la richesse des mélodies.
On peut comprendre l’intérêt des plus grandes de Scotto à Caballé en passant par Gruberova ou Flemming de vouloir endosser le hennin de cette étrangère même pas au paradis… Même Callas feuilleta un jour la partition. Onassis étant passé par là, on connait la suite de la chanson…
Privés des images (un vrai metteur en scène pourrait faire quelque chose de grandiose avec ce livret "abracadabrandesque") on pouvait sans autre se laisser porter par la magie des voix, de la musique du Maître de Catane.
Spécialiste du rôle qu’elle défend bec et ongle un peu partout sur la planète, Patrizia Ciofi prouve encore une fois qu’elle a peu de rivales dans ce répertoire: technique hors pair, souffle inépuisable, aigus crânement assumés, survoltés, trilles lunaires, brumeuses à souhait, pianissimi éthérés, poésie du son, du ton délectables dans une certaine noirceur, incarnation rare de la mélancolie et de la langueur… pour finir sur un "A sei pago" d’anthologie qui met définitivement le public dans sa poche. Vox Populi, Vox Dei.
Encore une fois, l’entourage, solide et homogène est de luxe.
Plaisir de retrouver Jean-Pierre Furlan et sa voix de ténor solaire comme pas deux, dans un rôle sans vrai air traditionnel. L’Arturo, le vrai, celui des Puritains… pour bientôt?
De très grande classe aussi le Valdeburgo de Ludovic Tézier, seul baryton actuel à être comparé à ses illustres prédécesseurs hexagonaux par des sortilèges vocaux dont il est seul détenteur. Voilà un artiste qui paie comptant, ardent, engagé comme pas deux, grandiose dans le terzetto au Ier acte, immense ailleurs…
La sympathique Karine Deshayes raflerait presque tout elle aussi avec son ébouriffante cabalette au IIe acte à l’apparente simplicité. Là aussi, Adalgise n’est pas loin…
Nicolas Courjal (noble prestance et voix sépulcrale d’une autorité à faire frémir) et Marc Larcher en traître de service ne font pas que de la simple figuration intelligente. Ils s’imposent naturellement par une franchise musicale qui a du réjouir les atrabilaires de service.
Au top l’Orchestre et le Chœur fort bien préparés. Paolo Arrivabeni, sans esbroufe, se montre sensible, attentif, pour défendre une partition pleine de promesses et de richesses à venir.
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