La tour Paris 13, ou la plus grande expo de streetart du monde (Paris 13)

Publié le 04 novembre 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Le projet éphémère et démesuré de la plus grande exposition de street art du monde

On l’aperçoit de la ligne 6, sur le pont qui relie le quartier de la BNF à Bercy, un bâtiment sur lequel on aurait renversé un pot de peinture orange. Cette ancienne résidence de cheminots, qui s’est transformée en logements sociaux et dont certains sont encore occupés, est vouée à la destruction à la fin du mois d’octobre.

 

Ainsi le galeriste Mehdi Ben Cheikh, propriétaire de la galerie Itinerrance, militant pour le street art imagine le projet fou et jamais encore réalisé d’investir les lieux pour leur donner une belle fin.

Ainsi, en partenariat avec la Mairie du 13ème arrondissement, il convie des artistes venus des quatre coins du monde : de l’Australie, à la Tunisie en passant par la Chine, le Brésil et évidemment la France qui agiront sur place pendant 7 mois. Ils se sont inscrits dans les lieux scénarisant l’existant par le prisme de leur regard réalisant ainsi sur 4500 mètres carré, la plus grande scène de streetart du monde.

Annoncée et présentée ainsi, l’invitation alléchante s’est répandue dans les médias et sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre. Les sites spécialisés comme la presse généraliste saluait ce « Tour de force ». Ainsi donc les visiteurs se sont rassemblés en nombre, circonscrivant la tour d’une foule compacte et constante. Très vite le résultat des requêtes Google sur la Tour ont remonté des informations basées essentiellement sur la longueur inconcevable de la file d’attente. En effet, on compte en moyenne au moins 5h de queue pour parvenir à entrer dans le bâtiment. Certains envisagent de poser un jour de congés tandis que d’autres proposent avec humour un guide pratique pour survivre à cette attente démentielle. Ainsi donc c’est inévitable, il faut se résigner à la perspective de tuer une bonne partie de sa journée (sachant que la visite dure en moyenne une heure, et plus si vous avez un peu de chance).
Idéalement ne prévoyez rien d’autre de la journée car vous ignorez encore les conditions que vous rencontrerez sur place : météo pluvieuse, affluence en raison des vacances scolaires, ou lèves-tôt courageux qui installeront une bonne distance et des heures d’attente supplémentaires entre vous et l’entrée.

Alors à la question qui flotte sur toutes les lèvres à quelques jours de la clôture «est-ce que ça vaut vraiment le coup ? » on répond affirmativement sans hésiter. Il faudra juste s’organiser pour ne pas perdre son temps et le rentabiliser même en station sur le trottoir.

Gérer l’attente, étude comportementale

Quand le réveille sonne à six heures ce samedi, l’obscurité enveloppe encore les choses. Du fond de son lit douillet et chaud, on se dit qu’on est fou d’entreprendre cet assaut de longue haleine et qu’on doit bien être le seule. C’est là précisément qu’on se trompe car depuis une heure déjà, avant même le passage du premier métro, les premiers arrivés se sont déjà installés aux pieds de la Tour.

Ces précieuses minutes au chaud sont finalement décisives dans votre attente car la plupart des gens arrive entre 8h30 et 11h. Jaugez donc votre courage mais un effort supplémentaire vous fera peut être passer dans un des premiers groupes de la matinée. Équipés autant en vivres et en matériel de survie, qu’en occupations diverses (du jeu de cartes, au pavé de lecture, en passant par ses papiers administratifs qu’on repousse toujours de faire…), on peut partir non sans avoir vérifié le chargement de ses batteries et la disponibilité sur sa carte mémoire.

Il fait donc encore nuit quand on prend la route, en espérant ne croiser personne sur le chemin qui se rend au même endroit. Depuis le métro on scrute le trottoir près de la tour en fêtant intérieurement sa désertification.

Pour prendre son mal en patience, on commence par s’installer plus ou moins confortablement sur le béton, et à brûler les premières cartouches (café, viennoiseries et compagnie). Les gens déballent leurs bouquins, leurs jeux de cartes ou les plus courageux (ou inconscients) restent debout. Dans ces moments là, il est aussi fortement recommandé de t’entamer la conversation avec ses voisins, ce qui est plutôt très facile. C’est l’occasion d’échanger ses impressions et son impatience, ses précédentes visites de lieux alternatifs et insolites, de se montrer des photos… bref de faire passer le temps plus agréablement.

Certaines places valent mieux que d’autres, notamment lorsque vous pouvez vous asseoir sur le muret. Puis à 10h le staff arrive, les bras chargés de panneaux, on entrevoit alors l’estimation des heures d’attente. On prie pour être dans une tranche plus ou moins raisonnable et on se trouve derrière celui qui indique qu’”à partir de ce point il reste 4h d’attente environ”. A ce moment la foule accuse le coup, et chacun le fait à sa manière. Mais cela pose les choses, on calcule alors l’heure approximative à laquelle on va pouvoir entrer dans l’immeuble, on envoie des textos, on se prend en photo avec le panneau quand on arrive à proximité.

  

A partir de ce moment, s’installe un très lent mouvement d’avancée qui consiste à se déplacer de quelques pas, puis de reposer tes affaires et ses fesses un peu plus loin sur le trottoir. C’est aussi le moment où l’on cède à l’appel de sa vessie, et dans ces cas, on se fait garder sa place dans la file et on longe le reste de la queue, en s’étonnant de sa longueur incroyable qui fait penser que ces derniers doivent être à au moins 10 ou 12h d’attente. Lili et Marcel, la brasserie aux pieds de la station Quai de la Gare est parfaite pour boire un petit café au comptoir et soulager sa vessie. On y retourne alors avec entrain, en accueillant avec plaisir les rayons du soleil qui commencent à percer.

On constate que la file a avancé un peu, on retrouve le moral et son enthousiasme. A ce moment, on entreprend de lier davantage connaissance avec les autres, la conversation s’étend de petits groupes en petits groupe. Même en venant seule, on est bien entourée. Ainsi on lie connaissance, on se présente, on échange. Puis on imagine avec excitation le comportement qu’on aura une fois dans le bâtiment. Il ne reste plus que deux heures, et 200 mètres nous séparent de l’entrée.

On la voit. Cela devient concret. On rigole, on piaille. Comment sera-t-on quand on rentrera dans l’enceinte du batiment ? On imagine. Silencieux, attentifs, excités, intenables. Un instant tout s’arrête comme si nous mesurions le moment.

C’est précisément à personnellement que j’ai appris que j’allais devoir “laisser passer des gens” pour attendre la personne qui devait me rejoindre. J’ai prévenu mon entourage pour ne pas que le comité d’accueil ne s’insurge trop. Et puis enfin, la corde s’est ouverte devant nous.

Visiter les 9 étages et la cave de la Tour 13

On commence au rez-de-chaussée avant de monter directement au 9ème étage, pour descendre progressivement jusqu’à la cave, le tout en une heure.

Si au début, l’envie de tout immortaliser nous saisit, il faudra garder de la batterie et de la place sur vos cartes mémoire pour la fin de la visite, du 6ème au 1er étage. Ainsi donc il s’agit de bien organiser son temps, surtout si vous faites des photos, pour profiter pleinement de des quatre appartements sur chacun des étages. On note ainsi qu’un étage est consacré à un pays, dans lequel on lit les représentations personnelles mais aussi culturelles des artistes. Histoire sociale, représentations, signes et ambiance de chacun des pays.

Avec avidité on perçoit les inscriptions, les peintures et les ambiances. La vision des choses sur le coup est différente de lorsqu’on regarde ses photos et que d’autres motifs apparaissent. Il est aussi intéressant de partager son ressenti avec la personne qui vous accompagne, et qui n’aura pas vu les mêmes choses.

On est sensibles de manière plus précise, à l’imaginaire des artistes, certains plus que d’autres. Il y en a pour tous les goûts du plus léger au plus pesant, en passant par le morbide.

Mais ce que l’on en retient surtout c’est la manière dont chacun choisit et parvient à jouer et à composer avec l’espace. Il y a de belles trouvailles : la peinture sur les fenêtres qui permet de faire ressortir les caractères arabes, l’évocation du sort des lieux perdus sous les gravas, les éléments existants réutilisés (machine à laver, gazinière, douche, papiers peints, ou paillasse de cuisine).

    

Dans cette réappropriation de l’espace on lit des mises en scène diverses qui font passer de chambre d’enfant rose flashy, à un salon, jusqu’à certains dispositifs qui font eux mêmes perdre toute notion de l’espace réel, en superposant d’autres reliefs dans les pièces, ou en changeant la perception, notamment avec des pièces peintes en argenté, ou en noir avec seulement de la peinture phosphorescente.

     

A chaque étage, la surprise est renouvelée, arrachant à la plupart des gens des cris d’émerveillement. Au terme de deux heures et demi de visite, où l’on en prend plein les yeux, on oublie le réveil au petit matin, et les heures d’attente…

 

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