Drifters : Kohta Hirano est un grand malade… Tant mieux.

Publié le 04 novembre 2013 par Paoru

Parmi tous les mangas que nous lisons il y a des publications très épisodiques mais qui deviennent des vrais petits plaisirs, à chaque sortie. Pour ne rien gâcher, ces publications annuelles sont souvent d’un bon niveau : Vinland Saga, Gate 7,  feu – Kyoko Karasuma et le sujet du jour : Drifters, de Kohta Hirano, publié par Tonkam.

Ce mélange entre dark-fantasy et dystopie multi-culturelle débute en avril 2009, juste après que le mangaka ait achevé son premier succès : Hellsing… Qu’il publiait au même rythme d’ailleurs, d’un tome par an. Pour Drifters, en 4 quatre ans, l’auteur a accouché de 3 volumes dans les pages Young King Ours, un des magazines mensuels de Shônen Gahosha, que vous connaissez déjà pour Sun Ken Rock, Samidare ou World Embryo, entre autres.

Voilà pour l’intro. Passons sans attendre dans le vif du sujet… Bonne lecture !

« Et là Jeanne d’Arc dit à Raspoutine que Oda est l’ennemi à abattre… »

C’est ainsi, en substance, que le responsable éditorial des éditions Tonkam me parlait avec enthousiasme du pitch incroyable qu’est celui de Drifters : tout commence lors de la grande bataille de Sekigahara, celle là même qui marque le début de l’ère Edo en l’an 1600. On y suit un jeune samurai de génie du nom de Toyohisa Shimazu, en train de chasser les têtes de ses ennemis. Mais la bataille tourne court car Toyohisa est subitement envoyé dans un autre monde, où il est recueilli par des elfes qui vont soigner ses blessures.

Alors que notre guerrier tente de comprendre ce qui lui arrive il fait une rencontre des plus inattendues… voir BEAUCOUP de rencontres des plus inattendues : Nobunaga Oda tout d’abord, censé être mort depuis 16 ans et Yoichi Nasu un autre samurai de légende né il y a plus de 3 siècles ! Ce n’est que le début d’une longue liste de confrontations, car il semble que tous les combattants les plus célèbres de l’histoire se retrouvent projetés dans cette dimension : Jeanne d’Arc, Raspoutine, l’un des leader du Shisen Gumi, Hitler, un aviateur nippon de la Seconde Guerre Mondiale, Butch Kassidy et The Kid…etc. Ils sont tous là, homme ou femme, du Japon et d’ailleurs. Mais ils sont séparés en deux camps.

D’un coté les drifters, insérés dans ce monde par un certain Purple et soutenu par une certaine organisation Octobre et de l’autre les parias, envoyés par Easy et dirigé par un mystérieux Roi Noir. Certains recherchent le combat, d’autres le pouvoir. Quelques uns sont motivés par la haine, tandis que d’autres veulent juste rendre justice. Ces personnages illustres vont diriger elfes, nains, orques ou dragons mais au final, un seul camp héritera de l’empire !

La plus grande guerre de l’histoire…

Dans Drifters, Kohta Hirano nous fait un plaisir immense en proposant LA guerre la plus épique de l’histoire de l’humanité. Le genre de fantasme complet qui associe une soif de combat dantesque à un délire anachronique des plus complet, le tout évoluant au sein d’un univers Fantasy / Dark Fantasy peuplé par les créatures les plus célèbres du genre : des elfes, des nains, des mages, des orcs, des dragons et que sais-je encore !

A la façon d’un jeu vidéo, le récit est dans les mains de deux personnages totalement mystérieux – les fameux Purple et Easy – qui nous offre une distribution de rêve, que le mangaka réinterprète avec brio. Le meilleur exemple est Jeanne d’Arc qui, dégoutée de son sort sur le bûcher et de l’injustice des hommes, est remplie d’une haine farouche à leur égard et combat désormais avec le pouvoir des flammes. Amusant aussi de voir Oda en vieux barbu égocentrique et machiavélique, armé de son intelligence redoutable, de sa soif intarissable de pouvoir et de son amour sadique pour les complots et autres manipulations. Et de ses dépressions quand il se remémore la longue liste de tout ceux qui ont voulu le tuer…

En tout cas, Hirano a insufflé à tous ses personnages une folie guerrière : tous ont vécu pour l’excellence de leur art, au sabre, à l’arc, au poing, au fusil ou devant un plan de bataille. Les voilà désormais sur un nouveau terrain de jeu alors qu’ils sont au sommet de leur puissance. De plus, ils œuvrent avec  les guerriers les plus légendaires de l’histoire, qu’ils soient à leur coté ou dans le camp ennemi. Leur impatience face aux duels incroyables qui s’annoncent devient rapidement la nôtre, d’autant que ces génies apprennent les uns des autres en découvrant des technologies qui leur sont inconnues : les dragons rencontrent un aviateur, un samurai s’associe à un mage blanc et à un maître en explosif, les nains se mettent à forger des armes à feu plutôt que des haches. De ce maelstrom jouissif peuvent émerger une infinité de combinaisons, de combats et de surprise ! Et ce ne sont pas les figures légendaires qui manquent, le « bestiaire » est quasi illimité !

… est une histoire de fou !

Comme je vous le disais plus haut, le un melting-pot est d’autant plus jouissif que son inventeur a choisi de faire tomber les barrières morales pour faire de la mort un jeu et de la guerre une raison de vivre. Dans des bonus édifiants de folie et de délirium profond, Hirano décrit ses personnages tels qu’il les a conçus, au vitriol. Petit florilège savoureux :

  • Toyohisa :  » Machine à tuer [...] semble obsédé par l’envie de couper la tête de ses ennemis. Son passe-temps favori est le Kimoneri (ancêtre de la roulette russe)« 
  • Jeanne d’Arc : « Jeune paysanne Made in France, spécialisée dans la conquête d’Orléans. Comme elle ne sait que conquérir Orléans, impossible pour elle de reprendre Paris, donc on l’a mis sur un bûcher. C’est dommage.« 
  • Raspoutine : « Made in Russie, un moine monstrueux avec un grand pénis. Point final.« 

Et ils sont tous aussi irrécupérables que l’auteur lui-même. Mais Drifters n’est pas, pour autant, sans queue ni tête, que nenni ! Le scénario circule sur la même ligne que les protagonistes : entre la folie et le génie, tout en évitant la chute grâce à une culture historique sans faille et de multiples références, qui donne de la cohérence à l’ensemble et pousse le lecteur à devenir fan de ses figures déjantées (Nobunaga, ♥). Moi qui ai savouré la vie des 3 unificateurs du Japon au point de vous en avoir fait un dossier sur ce blog, chaque nouvel hôte de marque détourné par l’auteur est un ravissement et donne envie de se plonger dans leur bio pour saisir toutes les subtilités humoristiques dont cette série foisonne. Et je ne vous parle même pas des sous couvertures de la série, entre parodie de manga et CV barré des potentiels drifters / parias.

Vous l’aurez compris, Drifters est donc un ovni magistral, issu du cerveau dérangé de Kohta Hirano. Mais pour finir la boucle comme elle a commencé, je citerai une nouvelle fois le responsable de Tonkam, Pascal Laffine : « il n’y a que les mangas pour faire ce genre d’histoire, et c’est pour ça que j’en lis !« 

Fiche descriptive

Titre : Drifters
Auteur : Kohta Hirano
Date de parution du dernier tome : 25 septembre 2013
Éditeurs fr/jp : Tonkam / Shônen Gahosha
Nombre de pages : 224 n&b
Prix de vente : 7.99 €
Nombre de volumes : 3/3 (en cours)

Visuels DRIFTERS © Kohta Hirano/SHONEN GAHOSHA Co., Ltd.

Pour ceux qui veulent suivre Kohta Hirano, le mangaka possède un compte Twitter.