Violette Leduc, née bâtarde au début du siècle dernier, rencontre Simone de Beauvoir dans les années d’après-guerre à Saint-Germain-des-Prés. Commence une relation intense entre les deux femmes qui va durer toute leur vie, relation basée sur la quête de la liberté par l’écriture pour Violette et la conviction pour Simone d’avoir entre les mains le destin d’un écrivain hors norme.
« Mon cas n’est pas unique, j’ai peur de mourir et je suis navrée d’être au monde. Je n’ai pas travaillé, je n’ai pas étudié, j’ai pleuré, j’ai crié. Les larmes et les cris m’ont pris beaucoup de temps. La torture du temps perdu, dès que j’y réfléchi. Je ne peux pas réfléchir longtemps mais je peux me complaire sur une feuille de salade fanée où je n’ai que des regrets à remâcher. Le passé ne nourrit pas. Je m’en irai comme je suis arrivée. Intacte, chargée de mes défauts qui m’ont torturée… »
Ainsi débute La Bâtarde, l’un des rares succès de Violette Leduc où l’auteur couche sur papier son enfance blessée, sa honte d’avoir été abandonnée par un père qui ne l’a pas reconnue et les souffrances qui en sont nées.
Ce sont la fragilité, l’insupportable solitude et les failles de l’écrivain qui ont intéressé Martin Provost (le réalisateur de Séraphine dont on retrouve ici la même mise en scène sobre et délicate). Avec subtilité, le cinéaste filme un portrait saisissant d’une femme meurtrie mais combative à travers l’histoire romancée de Violette, cette grande amoureuse qui se complait à nourrir des relations impossibles, terrorisée par l’abandon, et qui pourtant réussit à s’affranchir de sa peur au gré des rencontres, au gré des mots.
Pour rendre hommage à ces personnages – réels – au fort caractère, Provost a composé une très belle distribution – si l’on omet la prestation particulièrement théâtrale d’Olivier Py dans le rôle de Maurice Sachs, qui aurait gagné en retenue – : Emmanuelle Devos campe une Violette Leduc insupportable, tantôt geignarde tantôt hystérique, qui parvient malgré tout à nous émouvoir par l’écriture de ses maux. Catherine Hiegel est parfaite dans le rôle de la mère castratrice, qui porte à sa fille un amour maladroit. Quant à Sandrine Kiberlain, magistrale, elle se glisse avec une incroyable authenticité dans la peau revêche du « Castor », connue pour son esprit d’une rare intelligence et sa quête absolue d’indépendance.
Et si le film souffre de longueurs parfois inutiles et d’ellipses peu évidentes, ce que l’on retient principalement de ce très beau film sont les merveilleux dialogues taillés dans la prose de magnifiques écrivains, interprétés divinement par des acteurs de talent.
Martin Provost voulait faire de Violette « un chemin vers la lumière ». De ce point de vue, c’est une réussite.
Sortie le 6 novembre 2013.