"La lâcheté rend subtil." Emil Michel Cioran
Avant de prendre le pouvoir, avant le triomphe, le couronnement, le FN aura engrangé ces années durant de petites victoires. Comme autant de marches à son accession. Chacun aura, selon ses errements, maladresses, tactiques, inconséquences, pavé l’ascension de l’extrême droite en France. Tous ont mis en oeuvre la stratégie du FN, la médiation haineuse entre les élites et le peuple. Il y a longtemps qu’un parti n’a suscité autant d’attentions, de fascinations, de peurs et même d’espoirs. Focalisant l’intérêt de tous. Ceux qui le miment, ceux qui le honnissent, ceux qui le combattent et surtout ceux qui font mine de le combattre.
Droite extrême
Au premier rang, la droite (dite classique), devenue un FN sans cholestérol dont on cherche aujourd’hui un membre digne d’incarner une alternative politique à la ligne du parti anti immigration, anti islam, anti sociale, anti tout, à l’exception peut être de la conservation des quelques privilèges. On scrute circonspect une personnalité qui dénoterait des clones squattants les plateaux médias. Ressassant les mêmes fixettes sécuritaires, les mêmes couplets sur le laxisme de l’autre. Juste les mêmes sur le fond, sous une forme à peine modifiée. Immigration dangereuse, islam terroriste, guerre culturelle, roman français. Chaque parole est un satisfecit aux thèmes cruciaux du FN. Souvent ventriloque du parti frontiste comme le fut N. Sarkozy et son discours de Grenoble. Discours fondateur, mais essentiellement défaite de la pensée. Que l’on retrouve dans le courant majoritaire de l’UMP, la droite forte dont on peut apprécier la profession de foi :
Gauche minable
Suivi de près par le PS. Qui a fait son aggiornamento définitif en octobre 2013. Sur la mauvaise pente depuis des décennies, il s’est finalement vautré. Pitoyable. Les propos du ministre de l’Intérieur en exercice sur les Roms ("Une minorité de familles veulent s’intégrer en France ») ont précipités ce parti de gauche (dit-on) dans les affres de la xénophobie. À la poubelle les valeurs, les projets, le dépassement, tétanisé par l’opinion, le PS s’est mis dans les vents dominants. Tout ce qui reste de gauche au PS, ce sont de ridicules stridulations contre les inepties de Valls et sa clique, sans aucun effet. Puisque le président en exercice soutient le ministre, soutenu lui même par l’opinion. Un parti capable d’organiser un colloque contre la xénophobie dans la même semaine que les déclarations du ministre de l’Intérieur sur les Roms. Ce qui en dit long sur foutoir idéologique qui règne. Un parti qui au lieu de sombrer dignement, en appliquant un programme social, solidaire, égalitaire, va couler lamentablement en singeant l’UMP sur le plan social et en s’embourbant misérablement dans les thématiques sécuritaires chères à « l’opinion » et (donc) au FN. Se faire damer le pion sur tous les plans en faisant la promotion du FN par ses incuries, c’est ce qui restera surement du PS des années 2012-2017.
Presse laminée
Reste que c’est la métapolitique du FN qui lui fait gagner toutes les batailles. L’extrême droitisation de la presse est l’étape primaire de frontisation des esprits. C’est à gros débits que la presse arrose l’opinion des thèses fétiches au FN. La presse française est devenue le département marketing et communication du Front National. Avec des ramifications jusqu’aux instituts de sondages qui ne scrutent le terrain que sous des angles sécuritaires et migratoires. Et dont la question n’est plus, « où va le pays ? », et « quel est le projet ? », mais que va devenir M. Valls, N. Sarkozy ou M. Le Pen. Plus aucun éditorialiste ne s’aventure sur la question migratoire de façon apaisée sous peine d’être catalogué laxiste et/ou bien pensant. L’intériorisation de la dynamique frontiste dans les rédactions est achevée. Il faut être responsable, pragmatique. C’est à dire, monter en épingle des histoires de voiles, mettre systématiquement la parole des dominés en doute, préciser l’ethnie des protagonistes à chaque fait divers et surtout l’euphémiser les discours xénophobes (UMP et PS). La sociologie d’experts s’est finkielkrautisée, ce vernis d’intellectualisme néo-réactionnaire gangrène les médias qui à la fin des fins aboutira à un moment paroxystique, que l’on pourra nommer « incident démocratique ».
La gauche préférant Michea à Bourdieu parsème de pétales le chemin d’accession du pouvoir au FN. La droite (dite classique) sans idées, sans bilan, attend ses alliances pour gouverner. Quant à la presse, elle fera du tirage. Sur les cendres de la République.
ndt : L’opinion, artefact de sondologie et grand miroir à phantasmes, n’existe pas.
Vogelsong – 1er novembre 2013 – Paris