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le glissement libéral de la social-démocratie a permis l'indifférenciation entre gauche et droite

Publié le 04 novembre 2013 par Micheltabanou

Je veux tenter ici d'apporter une réponse qui à défaut d'être originale aura le mérite d'exister. Beaucoup de mes amis à gauche mettent en avant " l’indifférenciation croissante entre la gauche et la droite " depuis trente ans pour expliquer la montée de l'extrême droite en France comme en Europe. Ils n'ont bien entendu pas tort.

A l'évidence le glissement libéral de la social-démocratie - j'en éprouve les effets tous les jours au niveau local -  a brouillé les repères qui structuraient le clivage gauche droite et permettaient à l'électorat populaire de se sentir représenté et reconnu par les socialistes. Nul doute qu'il s'agit bien là d'un facteur explicatif fort de la désagrégation actuelle du champ politique au profit du FN.

Mais j'ai envie de dire que cette indifférenciation politique est plus à ranger du côté des conséquences que des causes. La vraie question est donc plutôt pourquoi nous en sommes arrivés à ce brouillage des clivages traditionnels et comment leur redonner force et pertinence.

Depuis trente ans, la sociale démocratie européenne, dont les socialistes français, a fait des choix politiques lourds de conséquences: adhésion aux vertus du libre échange, de la libre circulation des capitaux, de la désinflation compétitive, de la réduction du périmètre de l’état dans l'économie... Ce faisant, elle s'est privée de moyens d'action considérables en faisant un double pari deux fois perdu.

Premièrement la libéralisation de l'économie devait, malgré une augmentation provisoire des inégalités, finir par profiter au plus grand nombre et deuxièmement l'Union Européenne, malgré ses travers libéraux, devaient nous protéger des excès de la mondialisation tout en musclant notre économie.

Ces deux paris ont été perdus et ce sont aujourd'hui les classes populaires et moyennes qui payent l'addition, rongées par le chômage, la précarité et la peur du déclassement.

Le bilan de la période est tragique : désindustrialisation massive, chômage endémique, pouvoir d'achat et croissance en berne: voilà la réalité à laquelle se trouvent confrontés celles et ceux que nous devions défendre.

Pouvait-il en être autrement à partir du moment où le choix était fait de mettre en concurrence notre économie avec celle des pays à bas salaires, sans précautions ni contreparties, où nous donnions le pouvoir à la finance en permettant aux capitaux de circuler sans entraves, provoquant par la même, entre autres, un effondrement des recettes fiscales dans tous les pays développés? Il fallait être bien naïf pour le croire...Malheureusement aujourd'hui les résultats sont là et après avoir rendu les armes nous nous étonnons maintenant d'être impuissants face à l'argent et aux marchés ! La belle affaire !

L'adhésion à ces nouveaux dogmes économiques, prétendument modernes, est à la source de l’indifférenciation droite gauche qui ronge effectivement nos démocraties. Les politiques économiques de ces trente dernières années en Europe ont fait exploser les repères culturels et concrets auxquels se rattachaient peu ou prou nos concitoyens, elles ont fait exploser les cadres collectifs et conduits les citoyens dans un face a face mortifère avec le marché.

Le triomphe des valeurs de l'argent et de la réussite individuelle, l'impuissance toujours plus évidente de l'Etat à contenir les dégâts des crises économiques et financières, le mercantilisme et la consommation comme seul " idéal " de société, tout ceci ne pouvait que dissoudre la gauche culturellement et politiquement.

Le boulevard était ouvert pour l'extrême droite, elle s'y est bien entendu engouffrée.

Prétendre lutter contre l'extrême droite sans rompre clairement avec les dogmes économiques des années 80-2008 est dans le meilleur des cas une illusion aimable mais plus probablement une erreur politique dont les conséquences pourront s'avérer tragiques.

Répondre à l'extrême droite c'est d'abord répondre à la crise de l'impuissance du politique. Pour ce faire, il nous faut réarmer l'Etat, c'est à dire lui redonner des ressources, des politiques et des moyens d'action à la hauteur des enjeux du moment pour que les citoyens retrouvent une souveraineté par le bulletin de vote qui a aujourd'hui disparue. Cela suppose quelques révisions déchirantes et quelques batailles politiques, en Europe comme en France, qu'il ne sera pas facile de mener et de gagner. Mais plus tard nous commencerons et plus les choses seront difficiles.


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