Je regardais le mur, l'oeil dilaté par la fatigue, fixant ce joint, le voyant clairement ce joint que j'avais créé de mes mains, avec l'eau qui me coulait dans les cheveux, une douche qui me faisait tant de bien.
C'est tellement contre nature pour moi de faire du travail manuel. Construire une galerie, utiliser un "fish" pour passer du filage électrique, parler et comprendre les ampers, faire de l'entretien paysager, refaire sa salle de bain. Je ne suis jamais plus désorienté que dans un Canadian Tire, un Réno-Dépôt ou un Ro-Na.
Mais placez-moi chez Renaud-Bray, Chapters ou Archambault et je vous trouve Jodorowsky et l'influence qu'il a eu chez les autres, sans guide.
Tu es excrément, tu peux te changer en or.
Certains hommes se réalisent pleinement dans la rénovation. Beaucoup d'hommes en fait. Pas moi. Pour moi la rénovation est source de conflits perpétuels. D'abord avec l'amoureuse qui a été élevée avec un père perfectioniste à ce niveau et extraordinairement habile de ses mains. Vous pouvez donc imaginer, Jones, en train de faire son chemin de croix avec miss Know-it-all en arrière qui passe son temps à dire "Non, tu devrais pas faire ça de même"...Déjà que je m'écoeure à faire des choses dont je ne tire aucun plaisir, il faut en plus que je me tape cet oeil au dessus de mon épaule qui critique mes moindres faits et gestes? IN-SUP-POR-TA-BLE.
C'est vrai, le plaisir est complètement nul. Pas même l'ombre de fierté quand un travail est accompli. Ça m'étonne moi-même. Quand le beau-père et moi avons sacrifié l'ancienne galerie du cabanon et l'avons remplacé par une toute neuve, franchement belle (grâce à son talent pas le mien) sur une période de 5 jours, je n'avais aucun, mais alors aucun sentiment d'épanouissement. Simplement une irritation croissante qui était mise à terme. C'est tout à fait explicable car je n'y suis pour rien. Ou pour si peu. Comment être satisfait d'avoir exploité le talent d'un homme de plus de 70 ans? Quand je regarde la galerie du cabanon arrière, je la trouve très belle mais elle évoque aussi chez moi 5 jours de pure torture. C'est comme la piscine creusée qui a perdu 80% de son intérêt le jour où l'on clôturé. Depuis je vois une cage avec un trou d'eau au milieu.
C'est dommage. Pour moi, car ce talent non seulement je ne l'ai pas mais je n'ai surtout pas envie de le développer, mais aussi pour l'amoureuse qui souhaiterait assurément mieux à ce niveau de ma part.
Quand je me fais chier de la sorte, j'ai toujours le réflexe d'aller exorciser mon mal-être chez Renaud-Bray, Archambault ou Chapter/Indigo.
Pour le cabanon, je suis aller m'acheter trois films mettant en vedette Jean Dujardin qui me fait bien rire. Les trois films au total m'ont coûté 20$. Dans ces magasins je sais toujours flairer la bonne affaire. Chez Ro-Na, je choisis le maillet trop gros à 36 pouces qu'il faut que je retourne et échange contre un plus petit. Le beau-père, habile, m'a quelque fois fait faire la commission du retour après utilisation de l'article. C'est-à-dire, nous utilisons l'outil acheté, gardons les étiquettes, y faisons attention lors de l'utilisation et le retournons comme si ça avait été une location. Toujours avec la même explication "Manque de communication avec le beau-père, on a acheté le même outil ou il ne m'avait pas dit qu'il apporterait le sien et moi je ne me servirai jamais de cela" avec du flirt aussi à l'occasion quand la situation s'y prête parce qu'en flirt, là, je suis très fort.
J'escaladais l'ivresse de l'après-job-de-marde-sur-le-terrain quand l'amoureuse est venue me tirer en bas de ma falaise avec une stupeur sur les dégâts que j'avais fais. Moi qui attendait un "Ha je suis contente que l'électricité soit revenue à l'arrière de la maison!" j'ai plutôt reçu un "C'est épouvantable, qu'est-ce qui est arrivé aux roches autour de la piscine?".
"Elles ont été déplacées pour faire passer le fil six pouces sous terre de la maison au cabanon arrière, chérie du christ puis remises"
"Tout croche oui, c'est comme si il y avait eu un tremblement de terre sur le terrain arrière"
"C'est un chantier, une cuisine après la création du plat, donne-moi du temps..."
Ah pis de la marde! Elle sait bien que je vais 100% contre nature! Quand une princesse n'est pas en mesure d'apprécier les efforts du prince sous l'armure qui ne sera toujours qu'une armure qu'on remet au garde-robe par la suite, ça ne donne qu'envie de ne jamais la reporter cette sale armure. Désolé, j'ai pas le profil.
J'ai eu envie d'aller m'acheter du Don Cherry (Nooooooooooooooon pas lui! le non négligeable des deux) pour me relaxer mais j'ai préféré tâter du Pepsky* suivi du gin tonic. Puis je me suis assis sur cette galerie neuve de 4 mois et j'ai contemplé l'herbe. Il s'est mis à pleuvoir. Beaucoup. Un déluge, comme une colère des Dieux.
L'herbe.
Je regardais, l'oeil dilaté par la fatigue, fixant ce joint, ce joint que j'avais roulé de mes mains, avec l'eau qui me coulait dans les cheveux, une douche qui me faisait tant de bien.
J'ai plané pour oublier.
Ce condo que je n'ai jamais eu la chance d'avoir encore.
*Diet Pepsi & Whisky