Il était temps ! Car honnêtement depuis la révélation à la fois populaire et artistique de Hissing Fauna, Are You The Destroyer ? (2007) qui consacrait quand même son 8ème (!) long format, la troupe de l'omnipotent Kevin Barnes n'en finissait plus d'enquiller les LP's souvent doubles. Ces derniers étaient au mieux rasoir, sous couvert d'auto-indulgence manifeste, au pire très chiants, même s'ils étaient souvent sertis de visuels psychédéliques chiadés du plus bel effet.
D'ailleurs l'on espère que la pochette très laide de ce nouvel opus ne découragera pas ceux qui, on les comprend, avaient un peu lâché l'affaire concernant ce groupe non pas originaire de Montreal (ah ! ah !), mais d'Athens, Georgie comme B 52's ou R.E.M avant lui.
Ca fait donc un bien fou de revenir à la simplicité d'un album emballé pesé de 45', comme au bon vieux temps. Point de titre à rallonge, aussi bien dans leur intitulé autrefois illisible que dans leur durée jadis assommante. Kevin Barnes est enfin revenu au format chanson, et prouve au passage qu'il est un songwriter plus que crédible - pas un seul mauvais titre ici en vérité, et quelques franches réussites ("Belle Glade Missionaries", "Colossus", "Triumph of Disintegration", "Amphibian Days", "Hegira Emigré").
Peut-être l'ami Barnes a-t-il cerné les limites de ses extravagances, des gimmicks déjà utilisés en bien mieux par d'autres avant lui telles ces voix haut perchées de grande folle (l'influence évidente de Sparks), que l'on ne retrouve qu'à une seule reprise sur ce disque, la déjà mentionnée et excellente tournerie Nova ("Triumph of Disingration"). En tout cas, les chansons sont un modèle de concision : de l'énervée façon Mark E Smith de The Fall ('"Fugitive Air") aux très laid-back "Colossus", "Amphibian Days" et ses guitares slide façon country, en passant par la très Bowienne '"Triumph...".
Ou bien encore, "Hegira Emigré" qui malgré ses accents primesautiers réussit à ressuciter le temps d'une descente chromatique le fantôme de Syd Barrett.
Faut-il voir dans l'abandon de sa folie chronique un second souffle pour Of Montreal, celui dont sa carrière avait véritablement besoin ? En tout état de cause, l'on échangera volontiers nos barils annuels de Kevin Barnes contre de plus espacées briques, si le résultat est ainsi à l'avenant.
En bref : un excellent disque d'un ex petit prince de la pop indé qui confirme enfin tous les espoirs misés sur lui. Si
sa pochette dégueulasse ne restera pas dans les mémoires, son contenu
est lui appelé à tourner encore et encore sur nos platines, et à bien
figurer dans nos futurs référendums.
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"Triumph of Disintegration"