Lorsque l'on a appris que les librairies Mona Lisait allaient fermer à la mi-octobre dernier, le doute subsistait encore. Une solution allait être trouvée, un repreneur se manifesterait certainement. C' est en découvrant, ces jours-ci, le rideau de fer baissé des librairies parisiennes que la réalité brutale s'est imposée. Dans le même temps, c'est aussitôt une grande bouffée de nostalgie qui est montée.
"Un bon petit soldeur"
Mona Lisait faisait partie du paysage culturel où l'on se rendait par réflexe, comme pour rendre visite à un familier chez qui on se sent chez soi.
C'est à ce moment que l'on essaie de comprendre comment cette initiative d' il y a vingt cinq ans par un franc-tireur ("Un bon petit soldeur" écrivant Libération) René Baudouin a pris corps, s'est installée dans le paysage parisien. L'entreprise achetait auprès des éditeurs ou de grossistes divers ouvrages invendus à bas prix, quelques années après leur parution, afin de les revendre à un prix très abordable. Difficile d'évoquer au passé ce qui, il y a quelques semaines encore, participait à notre quotidien.
Dans une librairie Mona Lisait, une fois franchi le premier rideau des guides touristiques et publication généralistes, c'est à l'intérieur de la boutique, dans quelque recoin parfois mal éclairé que l'amateur d'art trouvait son bonheur.
L'introuvable
C'est là que l'on retrouvait avait délectation le beau livre sur un sculpteur désormais disponible à un prix cassé. C'est là également qu'il était possible de dénicher quelques numéros d'Opus International qui manquaient à votre collection. C' est là, enfin, que les éditions introuvables ailleurs des artistes Lettristes connaissaient une diffusion confidentielle mais continue, sans que le librairie se soucie d'une rentabilité incertaine.
Comme chez Maspero au quartier Latin il y a quarante ans, Mona Lisait pouvait être un endroit où il faisait bon passer un moment, croiser quelques connaissances, trouver ce que l'on ne cherchait pas.
En septembre 2012, les stocks de l'entreprise, situés dans l'entrepôt de Gagny en Île-de-France, sont détruits par un incendie. On peut imaginer que ce coup dur a participé à la chute de cette aventure, même si des paramètres comme la crise économique où le développement d'internet ont eu leur part dans cette disparition.
Donc le 8 octobre dernier, "après vingt cinq ans d'échanges" le couperet est tombé, avec la froide logique économique et administrative. Cette mort annoncée n'a guère provoqué de remous, si ce n'est l'expression des internautes. La mort des librairies Mona lisait n'est pas associée à la conservation d'un patrimoine, à la préservation d'une richesse culturelle. Cette disparition restera seulement encore quelques temps dans la mémoire de ceux qui ont traversé cette époque, connu la joie d'une découverte artistique, la surprise d'un document introuvable.
Cette seconde vie de l'édition, à travers ces librairies fermées, s'essouffle ainsi quelque peu et fait perdre le sourire à tous ceux qui gardent de Mona lisait cette image d' un espace de liberté.