Graphiste du mois : Mstar

US : Peux-tu te présenter rapidement (ou pas)

Mstar. Toulonnais. Graphiste depuis que je réside à Paris, ça doit faire 13 ans maintenant… Freelance, photographe quand j’ai un peu de temps. Croyant & Skater.

US : Tu as toujours été attiré par le graphisme ?

M* : A l’époque à Toulon, c’était vraiment pas évident de savoir ce qu’y ce passait dans le reste du monde, voir même dans le reste de la France… (rire). Je te parle d’une époque révolue où internet se résumait au minitel. La seule chose qui nous ouvrait les yeux sur de nouveaux horizons, c’était ces putains de VHS 411VM, la référence des vidéos de skate américaines, et autres magazines de skate importés par mon meilleur ami Aldo lors de ses nombreuses pérégrinations outre-Atlantique. A partir de là, je baignais dans cette univers foisonnant de logos complètement fous, de visuels bien violents, d’images à t’en donner mal au crâne, et je te parle pas des graphics sur les boards ! Par contre j’avais pas les moyens de m’acheter régulièrement de nouvelles planches, je me suis donc mis à dessiner mes propres visuels sur mes decks. Je crois que tout est parti de cette époque.

US : Racontes-moi ta première fois, avec le graphisme.

M* : Franchement, je n’avais pas la moindre idée de l’existence d’un tel métier… c’est en arrivant à Paris après des études de comptabilité écourtées et complètement foireures, après une année de chômage pendant laquelle je m’étais consacré à la prod. de music, que l’ANPE me propose un poste de maquettiste PAO… Là j’me dit : BANCO, à l’époque je savais pas du tout ce que ça voulait dire, mais on me parle de faire des visuels sur un ordinateur, j’suis chaud ! J’ai donc commencé en tant qu’autodidacte dans cette agence « La Baignoire« , spécialisée uniquement dans le flyer. Autant te dire que c’était juste inconcevable pour moi qu’un tel métier aussi cool puisse exister, et pourtant j’étais là !

P.S : J’ai oublié son nom, mais j’emmerde ma conseillère d’orientation.

US : Comment définirais tu ton style ?

M* : Bâtard ! C’est pas une question évidente ça…

Jusqu’en 2007 / 2008 j’étais complètement accro à Illustrator et à toutes ces merdes vectorielles. C’est simple, je voyais tout ce qui m’entourait en « courbe de Bézier« … Je prenais des photos… et là BIM je reprenais les formes ou les structures qui me plaisaient au « point par point ». Pour te dire j’ai passé 8 heures d’affilées à refaire un palmier sans avoir la moindre idée de ce que j’allais en faire… c’était juste plus fort que moi, fallait que je le fasse. Mais étant un chouille maniaco-dépressif comme la plupart des graphistes, j’ai craqué. Vraiment. Je ne pouvais plus saquer ce putain de logiciel et tous les visuels ressemblant de prêt ou de loin à du vectoriel, j’étais en over-dose du point. Là, après un bout de temps de dépression et de remise en question, j’ai commencé ma longue marche à la recherche de matières et autres choses dans le genre qui pourraient donner une âme à mon graphisme. Pour ne rien te cacher, je continue à creuser dans cette direction encore aujourd’hui, la photographie m’a beaucoup aidée dans ce sens.

US : Explique nous un peu là où tu as voulu en venir avec ce visuel ?

M* :OK, Bon. Déjà, ça me parait cohérent avec la saison. (rire, mais rire discret, genre la moustache plissée). Plus sérieusement, le visuel du slider, c’est une photo que j’ai fait vers 2005 / 2006, je crois de mémoire, quand ils ont inauguré le « 6 places » des Arcs. Ça représente bien ce dont je te parlais : Un truc qui me touche visuellement dans ma vie, sans que je sache pourquoi sur le coup, je shoot. Puis un jour, je reviens dessus, je retravaille ça point par point, et je monte mon délire derrière. Après t’as le discours d’aujourd’hui sur ce truc qui date mais sur lequel j’ai envie de m’arrêter 7 ans plus tard; je trouve que ça exprime bien par ailleurs ce que veut dire « Vectoriel » pour moi. D’un côté cette remontée mécanique n’a juste aucun sens en elle-même, elle sert juste à sa fonction de base : monter les mecs en haut des pistes… Mais pour moi, ça représentait plus que ça. Un outil hyper aboutit qui permet à des Snowboarders de s’exprimer, de se libérer. Grâce à ça, on peut rider plus que si on devait escalader la montagne chaque fois, les tricks se peaufines, on test de nouveaux trucs etc… Je crois que c’est aussi ça le rôle de l’artiste, montrer ce qu’on ne voit pas forcément, des choses que l’on côtoie et qui nous font avancer mais dont on ignore presque l’existence. Pour moi la vie est un tout, chaque détail, bon ou mauvais, apporte à l’évolution. D’où la spiritualité de l’objet marqué par la croix qui devient un pilier d’existence dans la vie de certain qui l’utilise à de bonnes fins.

US : Vu que tu fais un peu parti des murs de la maison Union Street, est ce que tu peux dire quelque chose sur le design du site que nos lecteurs ne savent pas ?

M*: Ce qu’ils ne savent pas, c’est que je suis sincèrement fier de l’avoir fait. On a réussi à combiner nos idées sans (trop) se battre, le résultat est à mon goût, et pour ce genre de site, être toujours d’actualité graphiquement parlant, c’est important. Je trouve qu’après pas loin de 2 ans d’existence, ça tient pas mal la route encore. D’ailleurs je ne sais plus qui avait eu cette idée de changer les slides et le background chaque mois, mais clairement, ça apporte ! J’en profite pour remercier Snatch Magazine (Vince et Quentin) qui nous ont mis en relation et mon cher collaborateur et ami Yoolk qui l’a développé. Après, concernant l’évolution de la charte, y a des trucs chelous qui sont apparut et que je ne cautionne pas, comme les gros pointillés bien dégueus, mais bon, c’est ma faute, je ne répond pas toujours au tél…

US : D’après la rumeur, tu te serais exilé à la campagne pour couper du bois, faire de la moto cross et laisser pousser ta barbe. Info ou Intox ?

M* : T’es putain de bien renseigné quand même, peux de gens savent que j’ai une double vie ! Nan c’est vrai. Après un petit baroud en Cali avec mon pote graphiste de toujours « Damage« , j’ai réalisé qu’il était temps de changer à nouveau ma façon de bosser pour évoluer. Ça faisait pas mal de temps déjà que je sentais en moi ce besoin d’aller vers autre chose, mais quoi !? Vivre à Venice ? J’y ai pensé mais nan… Comme d’hab, c’est avant tout ma passion pour l’image qui pousse mes choix et comme je te le disais, il y a eu ce moment ou j’en ai eu marre du pur vectoriel; j’étais en fait dans ce même cas de figure. Craquage. Quand t’es graphiste, ton environnement compte énormément. On est depuis quelque temps dans l’air de l’authenticité, le retour aux valeurs; le graphisme c’est orienté vers cette quête de liberté, de nature etc. Tout le monde veut son petit « truc visuel » dans son logo ou son identité qui donnera ce réelle ou ce semblant d’authenticité. Comment te dire que travailler sur un principe de liberté, d’horizon sans fin et ce genre de principe dans le milieu stérile et cloisonné d’une mégalopole, c’est juste pas cohérent. J’ai compris que le meilleur moyen pour que mon graphisme en soit imprégné, c’était de le vivre et de le ressentir. Bien sûr cela ne se fait pas en 3 jours comme une charte graphique vulgaire. Mais j’ai la conviction que mes sacrifices et mon choix de vie pour le graphisme paieront le moment venu.

US : Quelles sont tes inspirations ?

M* : J’vais pas te parler des milliards de Tumblr que je suis chaque jour et qui me font réaliser qu’il est déjà 17h et que j’ai rien foutu… (rire). Nan, je vais te parler plutôt du skate encore mais sans trop m’étaler. Clairement, TOUT vient de là. OK je suis pas le meilleur dans la discipline, des gamins de 12 piges me plient sur des putain de swtich-3-6 flip-crooked-grind, mais c’est pas le problème. C’est le seul sport, la seule passion qui m’ai aidé tout au long de ma vie jusqu’à aujourd’hui. Sans exagérer, c’est grâce au skate que je suis encore ici. Vivant, motivé, près à me battre quoiqu’il arrive. Pour les skaters, ce que je dis parait évident, mais pour les « autres » c’est sûrement moins compréhensible. Tu rentres dedans, t’en sors jamais. Une communauté instinctive où les « marginaux », ce qui ne rentrent pas dans le moule sociétal, trouvent une place, une espérance. Je te dis ça pour planter le décor. Une fois dans ce bordel, tout ce qui se rapproche de prêt ou de loin au skate devient ta drogue, ta famille, ta religion, ta raison d’exister. L’influence est donc innée : Jim Philips, Ed Templeton, Marc McKee, Ed Roth, etc… Ensuite bien sûr sont venu d’autres influences du fait que je m’intéressais plus précisément au graphisme. J’ai eu aussi la chance de croiser Parra (merci Fix) que je j’admire énormément, c’est un illustrateur mais tout ce qu’il fait est fondamentalement ultra graphique. Après y a pas à plus citer de noms, c’est la rue, l’individu, la nature, mes expériences via les rencontres de la vie qui m’influencent.

US : Pourquoi n’as-tu pas été le premier à faire la couv du site ?

M* : Je venais de me taper toute la charte d’Union Street, fallait que je parte quelques jours couper du bois pour me détendre…

US : Comment définirais-tu ta relation avec union street en une phrase ?

M* : Tu m’aurais demandé en un mot, ça aurai pu être mal perçu… J’aime cette relation, parceque malgré notre relatif écart d’âge, la communication glisse, la compréhension de ce que qui nous entoure artistiquement ou autre n’est pas si éloignée, et ça, ça m’plait.

US : Tu es plutôt Golden Shower ou mousse au chocolat ?

M* : Alors voilà, c’est pour ça que je te dis « pas si éloigné que ça », y a quand même une distance entre nous…

US : En tant que papa de la charte graphique du site, que penses-tu des artistes que nous avons choisi depuis le début pour illustrer notre homepage ? (tu as le droit de regarder dans les archives des « graphistes du mois ».

M* : Bah figure toi que je suis le truc chaque mois ! Déjà vous devriez changer le nom de la rubrique en « Artiste du mois » parce que je vois pas beaucoup de graphistes… Après pour être franc, y a des trucs qui me plaisent pas trop comme le dernier mec. Tu sens que certain bossent, et sûrement plus que moi, mais c’est vraiment trop scolaire. Tu vois que l’accès au graphisme c’est normalisé et je trouve ça un peu dommage même si ça doit faire parti du truc de l’évolution j’imagine… Après y a des mecs que vous avez interviewé qui font flippés par leur niveau d’exécution, mais ce sont des illustrateurs et pas des graphistes. Tu sens qu’ils n’ont pas de repos, qu’ils dorment mal et qu’ils n’ont pas beaucoup de vie social (rire). Par contre au final, ça butte et faut leur dire : donc respect à Mr Walter, Oked, Nairone, Audrey Leroy par exemple… Globalement, y a du niveau.

US : Un mot pour la faim ?

M* : Bah écoute, jeu de mot pourri déjà. Sinon plein de projets en cours. Toujours et encore des séries limités de t-shirts en prod. Je prépare aussi ma première EXPO personnelle qui se déroulera en Juin 2014 à Paris. Tu retrouveras pas mal de mes taffs restés dans les cartons comme des exclus sur « Monsieur Plouk aime la Mode » ou encore sur la série photo « FreakyBeautyFaces« . Union Street aura biensûr la primeur de tout ça ! Ensuite je tenais à dire que cela ne servait à rien de chercher quoique ce soit sur le Net me concernant, tout est sur mon Mac même si je compte balancer 2/3 trucs sur le facebook de AOUTCH d’ici peu, j’y bosse… Et pour finir, je te le dis maintenant, mais le blaz Union Street, ça m’a toujours fait pensé à ce magazine semi-porno / semi-échangistes qui tournait sous le manteau au collège…

Dédicace à ma millefa, Aldo, Damage, Shifumi Crew, SMT, M2F, 132, mes EXs, Hellmut j’aime ton style, Erwan ta boucle d’oreille. Longue vie à Union-Street !

PEACE

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