01 novembre 2013
On parle hélas beaucoup en ce moment de la déconfiture de l’entreprise espagnole Fagor-Brandt, balayée par les effets de la mondialisation.
Et, dans notre imaginaire collectif – je parle des personnes de ma génération – la marque Brandt évoque essentiellement un appareil électro-ménager de moyenne gamme, avec ce nom qu’on dirait d’origine germanique ou américaine ... Des frigos, les machines à laver de notre jeunesse. Une des principales usines encore en activité se trouve à La Roche-sur-Yon, et, lorsque j’habitais là-bas au début de la décennie 70, nous parlions de l’usine Esswein.
Pourtant, Brandt, c’est le nom d’un homme génial, un artiste et un inventeur fantastique, une fortune française tombée aujourd’hui dans l’oubli et même dans l’opprobre si on ne parvient pas à sauver cette entreprise bientôt en cessation de paiement.
Edgar Willliam Brandt est né en 1880 à Paris, dans une famille protestante d’origine alsacienne. Il restera toute sa vie marqué par une tradition de rigueur morale et intellectuelle. Le père d’Edgar est directeur d’une entreprise de construction métallique. Le jeune Edgar entre à l’école professionnelle de Vierzon et apprend le métier de métallier. Il allie une habileté manuelle exceptionnelle à un extraordinaire talent créatif. Il ouvre en 1902 un atelier à Paris où il crée des bijoux et des ferronneries d’art dans le style de l’Art Nouveau, participe à des concours artistiques. Il est mobilisé mais revient de la Grande Guerre. Il ouvre en 1919 un nouvel atelier, reçoit de nouvelles commandes comme la porte du monument de la tranchée des baïonnettes à Verdun, ou le bouclier de la dalle du Soldat Inconnu à Paris. L’apogée de son talent, c’est l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925 où il occupe le devant de la scène ; il y collabore avec Emile Ruhlmann dans le Pavillon du Collectionneur et Une Ambassade française …. Il ouvre bientôt une succursale à New York et son style fleurit outre-atlantique, particulièrement dans les chantiers des nouveaux gratte-ciels.
Le krach de 1929 le conduit à orienter ses activités dans une toute autre direction : Edgar Brandt, alors qu’il était soldat dans les tranchées, a conçu – avec la collaboration du cinéaste Léon Gaumont – le prototype d’un obusier pneumatique de 60 mm à tir courbe. C’est une arme légère, utilisant l’effet pyrotechnique, efficace, facile à transporter, pas chère à produire. En 1927 est mis au point le mortier de 81 mm. Un appareil qui se charge par la bouche, qui sera adopté par toutes les armées du monde … Edgar Brandt achète de nouvelles usines, crée de nouveaux dispositifs d’armement. Pendant la seconde guerre mondiale, des collaborateurs de Brandt participent aux Etats-Unis à la mise au point du Bazooka.
En 1936, les usines Brandt sont nationalisées. L'industriel acquiert des entreprises de mécanique avec les fonds de l'indemnisation : il forme la société Hotchkiss-Brandt.
Edgar Brandt se réfugie en Suisse pendant la guerre et ne sera donc pas impliqué dans la collaboration. Il cèdera ses usines à la Libération. En 1949, les usines sont converties dans le secteur de l’électro-ménager, en utilisant son nom, symbole de qualité et de créativité, qui deviennent le groupe Thompson-Brandt.
Avec l’évolution que l’on sait. Edgar Brandt, lui, meurt en 1960.
Un desstin hors du commun, un nom qu’il serait bon de sauvegarder, n’est-ce pas ?