Voilà bientôt un mois que Griefjoy ne me quitte plus, comme un gamin dans la voiture des parents, j’en redemande. Griefjoy rythme mes journées, sans lassitude aucune, le quatuor niçois se faufile dans mes pensées, traque mes chagrins et sublime mes joies. Lunatique et sensuel, Griefjoy est un album qui prend aux tripes !
Repérés par les Inrocks Lab sous le nom de Quadricolor, les quatre copains arborent désormais les couleurs de Griefjoy, association des termes « douleur » et « joie » dans la langue de Shakespeare. Un mot sans réelle définition donc, hormis celle de leurs créateurs, car ce néologisme trouve tout son sens dans l’univers des quatre garçons. Un univers qui vacille entre ces deux émotions, donnant naissance à un album riche par son hétérogénéité, un mélange audacieux que les quatre amis du conservatoire ont su maîtriser avec subtilité. Les niçois dressent ici en musique le tableau d’un sentiment nouveau, orphelin de langage, fruit de ces quatre petits génies: poignant et addictif, Griefjoy est un album puissant autant par le fond que par la forme. Véritable exploration sentimentale, chaque titre de l’album évoque une sensation, un état d’esprit.
C’est tout en progression que cet album prend son envol, Taste Me sonne le départ et met l’eau à la bouche avec un piano qui s’annonce déjà envoûtant, doublé d’une rythmique hésitante qui camoufle une rage certaine. S’ensuit Feel, qui porte naturellement bien son nom, morceau débordant d’énergie, à la fois intimiste et universel. Les amorces de riff du refrain prouvent une nouvelle fois la technicité et la maturité de ces jeunes. Windswept lui est un titre plus voyageur.
Guillaume change de ton pour Insane et laisse entrevoir une pointe de colère, teintée de nostalgie (violons). Il n’est pas anodin qu’elle précède People Screwed Up, qui est pour moi le morceau le plus emblématique de l’esprit Griefjoy, l’expression la plus pure de cette dualité des sentiments : Ici se mêlent batterie furieuse épaulée par un son froid et oppressant tout droit sorti du cerveau d’un Gesaffelstein (gentillet cela dit) avec le chant volatile de Guillaume sur fond de notes mélancoliques. Un flot d’émotions pour six minutes d’une beauté incroyable. Encore une fois la batterie y joue un rôle majeur. Romain s’adonne à quelques folies explosives et merveilleusement bien tournées, il fait preuve d’une dextérité palpable sur chaque morceau. Arrive Touch Ground, véritable tube dont on a déjà fait l’éloge. Ce titre se veux plus joyeux et festif même si il conserve cette touche lyrique.
Les morceaux qui suivent sonnent un poil plus électro et leurs rythmiques incitent à se déhancher. D’un modern jazz (Crimon Roses) à une electro pop aux accents minimalistes comme dans Kids Turn Around, on se surprend d’ailleurs à danser sur ces premières notes entraînantes « Don’t Stop, don’t stop », puis l’on s’éprend à quelques rêveries, clin d œil instrumental à un un autre artiste français qui dompte nos rêves: Rone.
Les influences du groupe s’enchaînent et se déchaînent, mais l’ensemble reste du Griefjoy, un sentiment novateur qui à coup sur perdurera dans le paysage musical français.