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Dans quelques années - grâce à ce post ? -, je saurai ce que je faisais le jour de la mort de Lou Reed. J'étais en week-end prolongé à Lisbonne. J'ai appris la nouvelle depuis ma chambre d'hôtel sur France 24. Vous savez cette chaîne d'information qui ne ressemble pas à une chaîne d'information. Parce que les présentateurs et présentatrices ne sont pas tous beaux. Parce qu'il n'y est pas question des mêmes faits divers qui tournent en boucle toute la journée. Mais parfois, le people y est invité, comme Cécilia ex-Sarkozy venue parler de son livre sur sa vie à elle qu'elle est belle et intéressante. Sans doute les accointances de Monsieur Ockrent avec l'ancien pouvoir. Mais bref, voilà que l'affreuse nouvelle m'arrive entre les écoutes du téléphone de madame Merkel par son ami monsieur Obama et les élections présidentielles en Georgie. Lou Reed est mort. Le Velvet Underground, "Transformer", "Berlin", ce souvenir de concert, l'unique que j'ai vu de l'idole, au palais des congrès, à Paris, bien trop loin de la scène. Il y reprenait son chef d'oeuvre solo, "Berlin" accompagné d'un petit orchestre et d'un choeur d'enfants, mais aussi, malheureusement d'un guitariste viril, tatoué et fier de l'être, massacrant allégrement un répertoire pourtant sensible, fragile, qui aurait mérité une relecture autrement plus délicate. Car, c'était ça, mon Lou à moi, le Lou des premières années, revendiquant un certain amateurisme, des productions bancales, une poésie rien qu'à lui, inventant le rock indé, mon rock tout court. Bien plus influent que tous les Elvis de la terre. Après "Rock'n'Roll Animal", le live, aux quelques sonorités heavy metal , ce n'était plus pareil. Comme s'il cherchait à prouver quoi que ce soit, lui l'auteur de "Venus In Furs", "Sunday Morning", "Sweet Jane" ou "Perfect Day", lui le jeune homme ayant subi des électrochocs en raison de son homosexualité. Comme si tout rockeur se devait de faire le dur, que c'était preuve de maturité. Tu as même poussé le vice de sortir un disque très récemment en compagnie des pénibles Metallica. Mais, merde, Lou, le rock, c'est l'adolescence. C'est l'éternel esprit de rébellion comme ce mouvement punk né dans les cendres de ton Velvet. Pas aussi roublard que d'autres, tu n'as même pas cherché à tirer la couverture à toi, alors que combien te doivent aujourd'hui leur carrière ? Tu es parti trop tôt ou trop tard. Trop tard, car tu as eu largement le temps de décevoir, de descendre de ton piédestal. Trop tôt, parce qu'au fond, c'est toujours compliqué d'admettre que quand nos anciennes idoles s'en vont, c'est un peu de nous qui s'en va aussi. Et je repense à ce sympathique marchand de vinyles, rencontré au hasard de nos déambulations lisboètes qui avait inscrit dans sa boutique "R.I.P. Lou Reed". Je m'imaginais aisément que sans toi, Lou, cet homme n'aurait probablement jamais ouvert son magasin, monter un micro label et prit le risque de vivre ainsi de sa passion. A combien de personnes comme lui, as-tu changé la vie de quelques manières que ce fut ? Ceux-là savent que ta musique, au-delà de ton caractère que d'aucuns jugeaient odieux, vaudra toujours bien plus chère que n'importe quelle autobiographie d'un people. Ceux-là sont, grâce à toi, devenus des "men of good fortune"...