Voici un trait d’union qui va devenir une addition voire une
multiplication au lieu d'une soustraction ou d'une division : la réunification du centre est en marche.
La réconciliation des centres, c’est un peu le marronnier des journalistes quand l’UMP, le PS et maintenant le FN les lassent. Pourtant, si le centre revient aujourd’hui dans l’actualité, ce n’est pas anodin. En principe, le mardi 5 novembre 2013, la journée sera historique
chez les centristes français puisqu’il y aura l’officialisation d’un accord politique entre les deux principales formations centristes, l’Union des démocrates et indépendants (UDI) et le Mouvement démocrate (MoDem).
Les médias focalisent sans doute trop l’événement sur la réconciliation de deux personnalités éminentes de la
vie politique, à savoir Jean-Louis Borloo (président de l’UDI) et François Bayrou (président du MoDem), tous les deux âgés de 62 ans, alors que l’accord est bien plus politique que personnel.
Une situation politique étrange
Le paysage politique français est structuré en deux grands partis de gouvernement qui sont restés soudés en
interne alors que leurs adhérents ne sont d’accord sur rien : que ce soit sur la politique économique, la construction européenne, la conception sur l’immigration etc., la césure découpe en
deux tant l’intérieur de l’UMP que l’intérieur du PS.
Et à côté de ces deux grands partis, paradoxalement, il y a une myriade de groupements politiques très
divisés structurellement rassemblant de façon très éparpillées (façon puzzle) des personnalités qui,
malgré cette dispersion, sont d’accord sur tout, sur l’impératif de réduire la dette publique, sur le
besoin de renforcer l’efficacité des entreprises, sur la nécessité d’apporter une justice sociale pour aider les plus démunis, sur l’indispensable évolution vers une meilleure décentralisation et
déconcentration, et enfin, sur l’ardente volonté de relancer la construction européenne dans un projet qui apporte aux Français un nouvel espoir
et une nouvelle vision de l’avenir.
Les centristes sont les plus appréciés de l’opinion publique
Dans le dernier sondage de BVA réalisé les 24 et 25 octobre 2013 pour Orange, "L’Express", France Inter et la
presse régionale, et publié le 28 octobre 2013 (à télécharger ici), il a été étudié (entre autres) la popularité des principales personnalités
politiques et des partis politiques.
Parmi les cinq personnalités politiques les plus populaires se trouvent deux personnalités centristes,
Jean-Louis Borloo (44%) et François Bayrou (37%), derrière Manuel Valls (58%) et Alain Juppé (51%), et les deux partis centristes se retrouvent en tête des bonnes et très bonnes opinions des sondés, l’UDI avec 46% (et pas 44% affiché par erreur par
l’institut) et le MoDem avec 42% (le PS est seulement à 28% et l’UMP à 36%).
Même s’il faut relativiser et prendre en compte la marge d’erreur, cette enquête d’opinions montre toutefois
qu’il y a une réelle attente chez les Français pour une formation politique "raisonnable", positionnée entre l’UMP et le PS, qui rejette la démagogie, la facilité populiste, l’électoralisme et le
clientélisme et qui s’attaque aux (vrais) problèmes de la nation sans esprit partisan.
Mais cette force politique était profondément divisée depuis une dizaine d’années.
Les deux causes de l’explosion des centristes : 2002 et 2007
Les raisons de cette division très artificielle sont connues et plutôt récentes.
Deux événements ont littéralement fait exploser la planète centriste.
D’une part, la création de l’UMP par Jacques Chirac
et Alain Juppé en avril 2002, qui, profitant de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, a forcé la plupart des parlementaires de l’opposition UDF-RPR de
l’époque à se réunir dans un même parti et groupe parlementaire.
Parmi ceux-là, se trouvaient Jean-Louis Borloo, porte-parole du candidat François Bayrou, et Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l’UDF et président du groupe UDF à l’Assemblée Nationale. Candidat à
l’élection présidentielle et président de l’UDF, François Bayrou a courageusement résisté aux sirènes du gouvernement en maintenant son parti hors de l’UMP (courageusement en particulier à Toulouse en février 2002 où il s’était expliqué devant sept mille militants qui n’était pas du tout d’accord avec lui, alors qu’il n’avait
que 2 à 3% dans les sondages d’intentions de vote). Un groupe UDF a pu subsister de justesse aux élections
législatives de juin 2002.
D’autre part, après la deuxième campagne présidentielle de François Bayrou (18,6%), l’UDF a de nouveau explosé : la plupart des
parlementaires se sont désolidarisés de François Bayrou, en se regroupant essentiellement dans le Nouveau
centre mais également dans d’autres structures comme l’Alliance centriste, tandis que François Bayrou et ses (vrais ?) amis ont créé le MoDem, formellement le 2 décembre 2007.
Le centrisme entre sarkozysme et antisarkozysme
Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il existait donc
trois types de centristes : les centristes de l’UMP au gouvernement, les centristes hors de l’UMP mais au aussi gouvernement, et les centristes hors du gouvernement (et souvent
antisarkozystes) qui s'étaient même affichés en août 2009 aux côtés de Vincent Peillon et de Robert
Hue.
Le sommet de la division a eu lieu en été 2010, à une époque où les rumeurs de nomination de Jean-Louis
Borloo à Matignon était persistantes. Finalement, François Fillon a été reconduit en novembre 2010 et Jean-Louis Borloo a préféré prendre de la
distance au point de quitter l’UMP en avril 2011 avec le Parti radical qu’il préside.
La présidentielle de 2012
À partir de l’été 2011, il y a eu des forces centrifuges pour rassembler d’abord les centristes présents au
sein du gouvernement, à l’intérieur d’une structure (créée le 26 juin 2011) qui n’a jamais vraiment vécu, l’ARES (Alliance républicaine, écologiste et sociale), censée regrouper le Parti radical,
le Nouveau centre et quelques autres groupements centristes (comme Gauche moderne de l’ancien socialiste Jean-Marie Bockel).
Cette tentative était conditionnée à l’éventualité de la candidature de Jean-Louis Borloo à l’élection
présidentielle malgré les velléités de candidature d’Hervé Morin et la réalité de celle de François Bayrou
qui avait su attirer la sympathie de certains centristes de l’UMP (comme Alain Lambert, Pierre Méhaignerie
et Philippe Douste-Blazy) ou du Nouveau centre (Bernard Bosson).
L’échec de la candidature de François Bayrou en 2012 (9,1%), dépassé par Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, l’échec également aux législatives de 2012 du MoDem, ainsi que la droitisation de la campagne de Nicolas Sarkozy ont laissé un
espace politique d’autant plus étendu que la majorité parlementaire a changé.
Le problème, c’est que François Bayrou, entre temps, avait appelé à voter pour François Hollande au second tour, ce qui rendait quasiment impossible toute réunion des centristes à court terme.
L’UDI puis l’UDI-MoDem
Finalement, en particulier sur recommandation de Simone Veil et de son sympathique époux aujourd’hui disparu, Jean-Louis Borloo s’est engagé à regrouper tous les centristes de l’opposition durant l’été 2012 en fondant
l’UDI le 21 octobre 2012 à la Mutualité de Paris, sous la forme d’une confédération de mouvements, en fédérant aussi des personnalités comme Jean-Christophe Fromantin (député-maire de
Neuilly-sur-Seine), l’ancienne ministre Chantal Jouanno, etc. sous la "bénédiction" télévisuelle de Valéry
Giscard d’Estaing.
L’étape de 2013, un an après, est donc l’alliance de ce centre droit qui s’écarte de plus en plus de l’UMP
avec le MoDem qui a été laminé aux dernières élections législatives et qui s’éloigne de toute tentative de centre gauche.
C’est la position de François Bayrou désormais résolument dans l’opposition qui a été l’élément majeur de ce
rapprochement. Il faut dire qu’il y avait de quoi être déçu : trop soucieux de son "peuple de gauche", François Hollande n’a fait aucun geste en sa direction, pas même aux élections
législatives, alors qu’il lui apportait de nombreux suffrages pour un second tour présidentiel assez serré. Les multiples incohérences du gouvernement actuel (faut-il les énumérer ?) ont
convaincu François Bayrou qu’il fallait le combattre avec détermination.
Les points d’achoppement
Il y en a quelques-uns de connus, comme, pour les uns, le problème d’alliance du MoDem avec des listes
socialistes aux municipales (Lille, Dijon, Grenoble, Marseille, Laval…), probablement aussi un problème de leadership à Paris (certains envisagent même une primaire pour départager Marielle de
Sarnez et Christian Saint-Étienne) et d’alliance éventuelle avec Nathalie Kosciusko-Morizet, et, pour les
autres, la nécessité d’autonomie qui reste valable aussi en refusant l’automatisme d’alliance nationale avec l’UMP.
En revanche, les deux ailes convergent sur l’obligation de quitter les listes UMP/centre si celles-ci avaient
des envies de "fricotage" avec le FN.
La base militante est également réticente face à ce rapprochement UDI/MoDem, notamment pour des personnes qui
se sont engagées après la période UDF et qui n’ont pas l’historique de l’union et de la cohésion qu’avaient connu la plupart des élus centristes avant 2002. Les uns, venant de l’UDI, fustigent la
décision de François Bayrou d’avoir voté François Hollande en 2012 ; les autres, venant du MoDem, refusent une coalition systématique avec l’UMP, certains provenant des socialistes (Jean
Peyrelevade) et des écologistes (Jean-Luc Bennahmias et Yann Wehrling) préférant l’autonomie et la possibilité (de plus en plus réduite) d’une alliance avec les "sociaux-démocrates " du PS.
Une nouvelle appellation devrait être rapidement trouvée. Il se pourrait que soit repris le mot
"Alternative". D’autres ont imaginé Udem pour "Union démocrate" sur le modèle du MoDem tout en maintenant l’union de l’UDI. Et pourquoi pas tout simplement l’Union du Centre (UDC) comme s’était
appelé le groupe centriste à l’Assemblée Nationale entre juin 1988 et mars 1993 ?
Une union sur du long terme
Concrètement, l’accord concerne les élections municipales et européennes du printemps 2014.
Cependant, ce rapprochement est bien plus important qu’une simple alliance électorale à court terme. Elle
permet la mise en place progressive d’une véritable force politique d’alternance, alors que l’UMP s’est décentrée sur sa droite et que le PS est complètement discrédité par ses divisions internes
et les incapacités du gouvernement.
Si la campagne des européennes se transforme pour cette union en succès électoral, nul doute que les
centristes de l’UMP (dont Jean-Pierre Raffarin) auront de fortes tentations de rejoindre ce rassemblement et d’abandonner une maison où ils ne se sont jamais sentis à l’aise en raison de la
surenchère droitière de ses adhérents.
Quant à l’élection présidentielle de 2017, l’échéance est bien trop éloignée et les événements futurs bien
trop nombreux pour envisager d’y penser sérieusement maintenant.
Aussi sur le
blog.
Sylvain
Rakotoarison (31 octobre 2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Sondage BVA du 28 octobre 2013 (à télécharger).
La création de l’UDI (21 octobre
2013).
La famille centriste.
À qui appartient
l’UDF ?
Les chapelles du centre.
Centre pour la
France.
Le MoDem.
Le Nouveau
centre.
François Bayrou.
Jean-Louis
Borloo.
Valéry Giscard d’Estaing.
Hervé
Morin.
Simone Veil.
Magazine Société
UDI + MoDem : le rassemblement des centristes, enfin !
Publié le 31 octobre 2013 par SylvainrakotoarisonDossiers Paperblog
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