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Ecotaxe : usine à gaz ou bombe à retardement?

Publié le 31 octobre 2013 par Blanchemanche
http://blogs.mediapart.fr/blog/francois-xavier-berger/291013/ecotaxe-usine-gaz-ou-bombe-retardement
29 OCTOBRE 2013 |  PAR FRANÇOIS-XAVIER BERGER
La taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, en clair "l’éco-taxe", figurant aux articles 269 à 283 quater du Code des douanes relève-t-elle d’un nouveau scandale ? Ses modalités d’assujettissement, d’assiette, de calcul et de perception procèdent d’une usine à gaz dont les portiques métalliques bourrés de capteurs et qui ornent désormais certaines de nos routes n’en sont qu’une illustration.Une taxe surprenanteLa comparaison de la carte du réseau dit taxable avec celle du réseau routier national est très intéressante. Le réseau taxé correspond en réalité au réseau des territoires enclavés et souvent non desservis par des autoroutes. A titre d’exemple l’Aveyron se trouve taxé sur l’ensemble de son axe transversal correspondant à la RN 88 dont le doublage en deux fois deux voies est toujours en projet et sur laquelle la vitesse moyenne d’un véhicule - notamment entre Rodez et Sévérac-le-Château - reste inférieure à 80 km/h pour une voiture et beaucoup moins pour un camion.Le motif tiré d’une incitation à privilégier le ferroutage ou la navigation fluviale fera sourire plus d’un Aveyronnais. Notre réseau ferré à voie unique non électrifiée est insignifiant et imaginer une péniche en Aveyron relève tout simplement de l'incongruité.Celui tiré de ressources destinées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) susceptible de financer des travaux routiers reste tout aussi inopérant lorsque l’on sait qu’un projet de modernisation du réseau prend au minimum 10 ans voire 20 ans…Taxer le réseau secondaire et les territoires oubliés de la République n’est guère admissible. Nous savons qu’une taxe a toujours vocation à être augmentée. Quelle entreprise viendra s’installer à proximité de ces axes secondaires à vitesse lente et désormais taxés ?Mais le scandale est aussi ailleurs.Le partenariat public-privéLe dispositif doit parvenir à un véritable tour de force. Pouvoir« fliquer » tous les camions empruntant le réseau taxable d'une longueur de 15.000 km et isoler ceux relevant de la taxe. Les moyens techniques nécessaires sont donc considérables et imposent l’installation de boitiers dans chaque camion permettant un repérage GPS et une détection au passage des portiques installés sur l’ensemble des routes ainsi taxées.C’est pour ces raisons que le gouvernement a choisi la voie d’un partenariat public-privé avec  l’entreprise italienne Autostrade per l’Italia qui a constitué le consortium Ecomouv’ (Autostrade per l'Italia 70 %, Thalès 11 %, SNCF 10 %, SFR 6 %, Steria 3 %.)De nombreux rapports existent ici. Celui du député Fabrice Verdier permet de vérifier les allégations contenues dans ce billet.Ce contrat - dit d'affermage - a été signé le 20 octobre 2011 après avoir connu des vicissitudes juridiques tant les intérêts en jeu étaient importants. La procédure de passation du marché avait en effet fait l'objet d'un recours d'un consortium concurrent Alvia (Sanef, Siemens Project Venture, Atos Worldline, Siemens Osterreich) avant d'être annulée (la décision du Tribunal administratif est d'ailleurs curieusement consultable) pour finalement être validée par le Conseil d'Etat.Il a une durée de plus de 13 ans et nous apprenons que le rompre entrainerait des pénalités considérables et pour cause...Le loyer versé au prestataire Ecomouv’ s’élève à 280 millions d’euros annuels ! Les recettes de la taxe sont estimées à 1.200 millions d’euros. En d’autres termes plus de 20% de la taxe ira à une société commerciale dont l'objet, d'un point de vue strictement juridique, est de faire du bénéfice et de le redistribuer entre ses membres. Cela n’est pas choquant lorsqu’une telle société produit des biens ou des services bénéficiant à un consommateur dans un cadre concurrentiel. Cela reste inadmissible lorsqu’il s’agit d’une société chargée de collecter une taxe. Il s’agit donc de l’outil fiscal le plus cher jamais inventé.Que dirait-on si la TVA ou l’impôt sur le revenu était recouvré par une société privé qui percevrait au passage une commission de 20% ? Tout ceci n’est pas sérieux. Quitte à inventer une nouvelle taxe encore aurait-il fallu qu’elle soit recouvrée par  l’administration fiscale dont c'est la mission naturelle et non par des sociétés privées.N’oublions pas qu’au final c’est le consommateur - disposant du produit fini transporté sur le réseau taxable - qui supportera la taxe.Les difficultés à venir seront multiples.Le point de non-retour ?Le contrat passé ne pourra être rompu qu’au prix de pénalités ruineuses pour nos finances publiques. Nous saurons un jour combien cela coûte de confier le recouvrement d’impôts à une société privée.Même si la loi a fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité sur certains points il ne fait aucun doute que certaines de ses dispositions feront l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) tant le mécanisme mis en oeuvre est complexe et comprend des exceptions et exemptions peu compatibles avec le principe de l'égalité devant la loi qu'elle soit fiscale ou non.  Et si une seule disposition est jugée anticonstitutionnelle l’usine à gaz sera aussi difficile à démonter que la centrale de Tchernobyl.La question de l'écologieEnfin qui peut oser croire que cette taxe aura une quelconque répercussion sur l’environnement ?Pour se convaincre du caractère totalement théorique de la notion ayant inspiré le projet il suffit de se reporter au résumé qui en est fait par le Conseil constitutionnel  : "Cette répercussion permet, dans la logique de la fiscalité écologique, d’envoyer un « signal-prix » à l’usager dont le comportement a une incidence sur l’environnement (en l’espèce, les personnes qui font transporter des marchandises par route)."Je m'abstiendrai de tout commentaire superflu sur cette notion de "signal-prix" qui effectement se retrouve dans toutes les publications relatives à l'éco-taxe.Reste qu'il est permis de s'interroger. L'écologie est-elle compatible avec la crise économique ?Parlez-en tout simplement à un demandeur d’emploi qui possède une vieille voiture diesel, qui habite dans un hameau perdu, non desservi par les transports publics et qui ne sait pas s’il pourra se chauffer cet hiver. La voiture électrique, les travaux d’isolation thermique ou la mise en place d’un chauffage à énergie renouvelable resteront pour lui un luxe inaccessible au même titre que l'éco-taxe. Provocation ou réalité ?fr/blog/francois-xavier-berger/291013/ecotaxe-usine-gaz-ou-bombe-retardement

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