La mer vue par Guillaume de Monfreid

Publié le 15 octobre 2013 par Véronique Couzinou @VeroniqueCouzin

« On ne se dégage pas plus de l'attraction de la mer qu'on ne se libère de l'attraction terrestre. C'est le premier mal de mer. Qu'on se le dise ». Ainsi parle Guillaume de Monfreid, architecte voyageur, aquarelliste sensible, et petit-fils de l'aventurier Henri de Monfreid. Il a publié il y a peu un superbe ouvrage sur la mer dans tous ses états. 

Guillaume de Monfreid ©DR

Votre grand-père aventurier faisait aussi de l'aquarelle, est-ce lui qui vous a transmis l’amour de la mer et de la peinture ?

La peinture est incontournable depuis quatre générations dans ma famille : George-Daniel, mon arrière-grand-père, était peintre, graveur, ami de Maillol, Gauguin... Henry, mon grand-père, aquarelliste à ses heures, tout comme Daniel, mon père, architecte, et ma mère, qui est peintre. Je suis devenu architecte et aquarelliste, et maintenant, il y a Dorothée, la 5ème génération, auteure et illustratrice. Ce sera difficile pour la 6e génération d'y échapper! En réalité, on s'essaye à la peinture, juste pour voir, comme tout le monde, et puis on a l'impression que ça donne quelque chose, alors on persiste, on travaille, et on espère s'améliorer.

Avez-vous des souvenirs de mer racontés par Henri de Monfreid qui vous ont marqués?

Non, aucun souvenir raconté par Henry, vu qu'à ce sujet il m'avait dit « tu n'as qu'à lire mes livres »… On parlait d'autres choses, de pièges pour petits animaux, de moto, de confitures, et aussi justement de peinture. C'est lui qui m'a donné un conseil déterminant pour la suite de mon travail.

Quel était ce conseil ?

« Commence toujours par la lumière ».

Vous-même voyagez beaucoup, quelle mer vous fascine ou vous étonne le plus?

En fait, la mer est la même partout, et en même temps toujours différente. Voilà ce qui est fascinant. Où que l'on soit, on est fasciné par cet éternel renouveau dans l'immuable.

L'homme est souvent fasciné par la mer, promesse d'ailleurs, de nourriture, de découvertes. Elle est aussi parfois un aller-simple vers un ailleurs dont on ne revient pas. Vous dites dans votre ouvrage que la mer a tout à voir avec l'homme: qu'entendez par là?

On est toujours fasciné par cet éternel renouveau humain dans un immuable éternel de l'homme, tout comme la mer ! Les angoisses, les joies, les méchancetés, les amitiés sublimes… Tout ce qui fait la vie d'un homme est immuable depuis l'ère historique, depuis l’invention de l'écriture 3500 ans avant Jésus-Christ qui permet de transmettre une information, un sentiment. La mer est ainsi : elle peut-être aussi gentille que l'homme, lui donner autant de joies, comme elle peut-être aussi méchante que lui et le tuer. On ne peut pas lire dans la tête de quelqu'un d'autre mais on peut essayer de deviner à travers quelques symptômes extérieurs les sentiments qui l'animent. Eh bien, la météo ne fait pas mieux avec la mer...

Quelle est votre vague préférée, ou votre état de mer, à voir, à sentir, à dessiner? Quelle est celle qui vous a donné le plus de fil à retordre à peindre?

On ne peut préférer un état à un autre car tous s'enchaînent immanquablement. Ce qui est intéressant, finalement, c'est la suite des états de la mer. Et il y a une infinité de suites pour les dix états de la mer- mer calme, mer ridée, mer belle, et jusqu’à mer énorme- car chaque série a son propre état d'âme. Disons que pour mon confort et celui de mes amis marins, on préférera les mers calmes à peu agitées. Pour mes amis aquarellistes, il faut dépasser le petit effet sympa de mer calme avec son joli reflet, bien que ce soit fascinant… mais cela est fascinant parce qu'on sait que mer grosse ou énorme existent. Je pense qu'il faut s'éclater, comme la vague. Je dirais donc que toutes les vagues, sans exception, m'ont donné du fil à retordre : je n'ai pu les peindre qu'au moment où j'ai senti les comprendre, les unes par rapport aux autres. C'est comme pour faire un bon roman, avec différents personnages.

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 Vagues, la mer dans tous ses états, par Guillaume de Monfreid. Coll. Hommes et Océans, éditions Glénat. 19,99€.