Il y aurait donc un cabinet noir à l'Elysée qui aurait décidé de fouiller les archives présidentielles pour retrouver quelques traces de malversations de Nicolas Sarkozy quand il occupait la place.
Le scoop est brandi en couverture de Valeurs actuelles, ce brulot de la droite dure, forte, décomplexée et buissonnienne, qui préfère habituellement fustiger les Roms, les musulmans et ces paresseux de chômeurs. Le scoop est "exclusif", bien sûr.
Les fins limiers de "VA" ont vraiment trouvé des scoops: par exemple, dans la "cellule de l'ombre", qu'on imagine composée d'agents secrets ou de conseillers discrets, il y a, par exemple, Sylvie Hubac la directrice de cabinet de président (le second personnage le plus important pour faire tourner l'Elysée), ou même Pierre-René Delmas, le secrétaire général de l'Elysée, mais aussi le directeur financier, le directeur des télécoms, et, évidemment, l'archiviste en chef.
Pour nous convaincre de la précision de l'enquête, on a droit à un plan de l'Elysée, avec emplacement des bureaux de chacun. On se rend compte que ce cabinet noir est éparpillé façon puzzle aux quatre coins du palais. Un vrai complot !
L'accusation de VA est simple: des collaborateurs de l'Elysée seraient allés fouiller les archives de l'ancienne présidence. Jusque-là, le simple citoyen peu au courant des us et coutumes de cette République finissante est tenté d'enchaîner par cette question: "et où est le problème ?" Au nom de quoi, un ancien président, par ailleurs au centre de plusieurs enquêtes de la justice (Adidas, Karachi, comptes de campagne, etc) pourrait-il soustraire ses archives à l'Elysée de la curiosité nationale ? Il se trouve qu'un protocole de sortie a été signé, interdisant tout accès aux archives de Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat sans l'autorisation de ce dernier.
La source de Valeurs Actuelles n'est pas anonyme, il s'agit de Bernard Muenkel, ancien directeur des télécommunications de l'Elysée, nommé sous Sarkozy, qui a été "rétrogradé" à l'arrivée de l'équipe Hollande.
La totalité des ténors de l'équipe Sarkozy d'antan s'est rapidement déchaînée pour réclamer une enquête de la justice contre cette intrusion.
Mardi, l'Elysée s'est quand même fendu d'un communiqué, sobre et précis. Entre une crise fiscale à l'Assemblée et une crise de nerfs en Bretagne, on salue l'exploit d'avoir trouvé le temps de lire puis commenter le "dossier" de VA. Mieux, l'Elysée confirme avoir fouillé les archives pour ... répondre à deux réquisitions de la justice et une demande du Conseil constitutionnel, "dans le strict respect du droit" : l’instruction ouverte concernant la
mise en oeuvre d’une procédure d’arbitrage entre le Consortium de
Réalisation (CDR) et les liquidateurs des sociétés de Bernard Tapie (mars 2013), celle ouverte pour prise
illégale d’intérêt à l’occasion de la fusion des Caisses d’Epargne et
des Banques Populaires (mai 2013) et le recours formé contre la décision du 19 décembre 2012 de la
commission des comptes de campagne et des financements politiques
rejetant le compte de campagne de Sarkozy.
Cette affaire appelle deux questions:
1. Pourquoi les archives d'un président sont à ce point inaccessibles ? L'irresponsabilité pénale du président de la Vème République survit-elle à son mandat ?
2.
Vu les éructations des sarkozystes quand ils ont appris qu'on avait
accès aux archives de leur ancien mentor, on imagine que certains
avaient donc la trouille qu'on y découvre quelque chose, n'est-ce pas ?