Il n’y en avait, depuis
quelque temps, au moment de la sortie de ce livre, que pour Jack Kerouac. Le rouleau original de Sur la route, l’adaptation au cinéma, un
roman inédit datant de 1942 et pas encore traduit (The sea is my brother). Et en français, un autre roman,
écrit en 1945 à quatre mains avec William S. Burroughs, à une époque où aucun
des deux n’avait encore publié. Mais ils étaient amis. Allen Ginsberg
appartenait au même groupe, avec quelques autres, dont Lucien Carr et David
Kammerer. Le 14 août 1944, Lucien tue David. Dans le roman, Philip tue Al. Les
personnages d’un fait divers qui fut à l’époque abondamment commenté par la
presse et repris ensuite par plusieurs écrivains ne changent à peu près que
d’identité. Pour le reste, ils ressemblent beaucoup aux originaux. A tel point
qu’il a fallu attendre la mort de Lucien Carr, devenu entretemps un journaliste
brillant, pour exhumer le manuscrit. Paru en 2008 aux Etats-Unis, le voici,
avec son titre énigmatique : Et leshippopotames ont bouilli vifs dans leur piscine. Dans le livre, la phrase,
prononcée avec une « onction
réjouie », est attribuée au présentateur d’un journal entendu à la
radio. Elle fait partie du décor : New York dans les années quarante, une
ville hantée par une bande de jeunes gens désœuvrés mais ambitieux sur le plan
culturel. Quand ils ne boivent pas, ne se droguent pas, ne baisent pas, ne se
bagarrent pas, ce qui les occupe quand même une bonne partie du temps, ils
lisent, vont au cinéma ou discutent en attendant de s’engager, pour
quelques-uns d’entre eux, sur un bateau qui partirait vers la France où la
guerre se termine.L’atmosphère générale n’est pas fondamentalement
différente de celle qui a fait la réputation de Sur la route. Il s’agit davantage de se chercher que d’affirmer, en
prenant quelques risques du côté de la marginalité. Les deux auteurs se
cherchent aussi du côté de l’écriture, empruntant un peu au roman noir de leur
époque. Et créant entre eux une émulation qui sert leur livre.