The Goldbergs est une nouvelle comédie diffusée depuis septembre sur ABC aux États-Unis (CTV au Canada) et Welcome to the family l’était sur NBC et Global depuis octobre. En effet, cette dernière a été annulée après la diffusion de trois épisodes et a ainsi rejoint la liste de programmes (qui ne cesse de s’allonger) de l’automne 2013 dont on ne verra jamais la fin. On y racontait l’histoire de deux familles dont les enfants, en couple, viennent d’apprendre qu’ils seront parents. Dès lors, une pénible cohabitation entre tous allait former le leitmotiv des épisodes. La série n’était pas mauvaise et prenait tout juste son erre d’aller. En revanche, The Goldbergs, qui pourrait figurer parmi les pires navets de l’année, bénéficie de cotes d’écoute assez stables pour envisager de se rendre jusqu’à la fin de l’automne. Le créateur de cette comédie, Adam F. Goldberg, a filmé au cours de sa jeunesse des scènes de vie de sa propre famille et ce sont celles-ci qui sont reproduites à l’écran; en exagérant le tout, il va sans dire. Depuis le début de l’automne 2013, 12 nouvelles comédies ont vu le jour sur les grands réseaux. Deux ont déjà été annulées et quatre tirent sérieusement de la patte. Les Américains ont-ils perdu leur sens de l’humour ou sont-ce les scénaristes qui sont en manque d’imagination?
The Goldbergs : on plain le créateur
The Goldbergs nous plonge au beau milieu des années 80 et on y fait la connaissance de la famille éponyme : les parents Murray (Jeff Garlin) et Beverly (Wendi McLendon-Covey) et leurs trois enfants, Barry (Troy Gentile), Erica (Hayley Orrantia) et bien sûr Adam (Sean Giambrone). Bien qu’on change de décennie, la série se concentre sur le quotidien de chacun de ses membres. Dans le premier épisode, on s’intéresse particulièrement à Barry qui veut obtenir son permis de conduire, mais qui accumule les accidents de la route. Lors du deuxième, l’accent est mis sur la relation entre Erica et son père. Celle-ci, en pleine puberté, s’éloigne peu à peu du nid familial alors que le patriarche peine à maintenir le lien filial. Dans le troisième, Adam décide d’aller voir un film d’épouvante sans l’accord de sa mère. À son retour, traumatisé, il demande s’il peut dormir avec ses parents, au plus grand bonheur de Beverly qui refuse de le voir grandir. Ces historiettes n’ont absolument rien d’original, mais à l’opposé de Sean saves the world (NBC) qu’on accuse d’être trop fade, celle-ci tente de brasser la cage et est irritante au possible.
De toutes les situations supposément « cocasses » dans The Goldbergs, on tend davantage à plaindre le créateur de la série, Adam Goldberg, d’avoir grandi au sein d’une famille aussi dysfonctionnelle. Bien sûr, les comédies ont toujours pour tâche d’exagérer la réalité et ce cas-ci n’est pas exempt. Pire, on accumule les clichés à vitesse grand V. Cette observation va de pair avec ce qu’écrit Hank Stuever dans le Washington Post :« « The Goldbergs” seems to have only three goals: hurt your eyes, hurt your ears and drop as many pop-culture references as it can into 22 minutes.» En effet, ce qui frappe le plus dans le pilote, ce sont les chicanes incessantes entre les membres de la famille. Tous s’enragent pour un rien, à commencer par Murray. Obèse, il aime se promener en caleçon chez lui après une « rude » journée de travail (il est vendeur de sofas), manger du malbouffe et s’intéresse peu à ses enfants. À sa fille Erica dont il tente de se rapprocher, il lui lance : « go to your mother first, but if she’s not around, you can come see me ». À son plus vieux fils, il le traite tout simplement de moron à répétition. À son plus jeune, il l’ignore. Passés les cris dont le critique faisait part vient ensuite l’esthétisme criard des années 80, présent dans tous les tableaux et de manière grossière. The Goldbergs se plait aussi à faire de constantes références à ces années Reagan, parlant de l’actrice Brooke Shields, du film d’horreur Poltergeist (1982) ou du Rubick’s cube; ces références humoristiques ne peuvent que laisser de marbre les moins de 30 ans.
Welcome to the familly : psychologie 101 absente
Cette série n’avait rien de foncièrement mauvais et aucune critique ne prédisait un départ aussi hâtif de la case horaire. En fait, plus les épisodes progressaient, plus on s’attachait aux personnages; il manquait tout simplement une étincelle qui serait parvenue à rassembler un auditoire plus large. Welcome to the Family débute alors que Molly Yoder (Ella Rae Peck), 18 ans, découvre qu’elle est enceinte de son petit ami Junior Hernandez (Joey Haro). Ingénue, elle devait partir de son patelin pour aller au college, au grand plaisir de ses parents, Caroline (Mary McCormack) et Dan (Mike O’Malley) qui envisageaient dès lors se retrouver seuls et cultiver leur amour (et leur libido). Chez les Hernandez, la joie n’est pas non plus au rendez-vous. Miguel (Ricardo Antonio Chavira) et Lisette ( Justina Machado) se réjouissaient à la perspective que leur brillant fils aille faire des études en médecine. Le fait que les deux familles ne s’entendent pas n’annonçait rien de bon et pour couronner le tout, le pilote se clôt alors que Caroline découvre qu’elle est elle aussi enceinte.
Le problème avec Welcome to the family est qu’elle manquait de cohérence. En toute logique, quand Molly et Junior découvrent qu’ils seront parents, ils décident de se marier. Continueront-ils leurs études? Où vivront-ils? Avec quel argent? Jamais ces questions ne sont abordées et on apprend au troisième épisode que Junior vit désormais chez les Yoder. Le pire dans toute cette histoire, c’est qu’à aucun moment ils ne considèrent l’avortement; ultime tabou à la télévision américaine. Outre ces ellipses diégétiques, on s’attachait cependant à la dynamique qui se créait entre les personnages et quelques situations amusantes. Par exemple, au deuxième épisode, Caroline qui n’a révélé son secret à personne se rend à un centre de maternité pour passer une échographie et tombe nez à nez avec sa fille. Elle affirme qu’elle est venue soutenir Molly et son plan aurait réussi à merveille, n’eut été de Junior qui découvrira par la suite le pot aux roses. Un autre moment mémorable est lorsque Lisette et Miguel se rendent à l’école de leur fils pour une réunion de parents et qu’ils tombent sur l’ancienne flamme du mari, la professeure Ana, interprétée par nul autre qu’Eva Longoria. C’est que celle-ci a tenu le rôle de Gabrielle dans Desperate Housewives (ABC, 2004-2012) qui a été marié pendant les huit ans qu’a duré la série avec Carlos, interprété par Mr. Chavira! L’interaction entre les deux parvient à créer une mise en abîme mémorable. Cependant, ces instants qui font sourire n’auront pas été assez nombreux pour peser dans la balance et on ne saura jamais ce qu’il adviendra de ces familles peu orthodoxes.
Welcome to the family n’a recueilli qu’un maigre auditoire de 2,4 millions lors de sa troisième semaine de diffusion, ce qui a convaincu NBC d’y mettre un terme. Quant à The Goldbergs, les cotes d’écoute se maintiennent à plus de 5 millions par épisode, ce qui lui vaudra au moins de passer à travers l’automne. Après une nostalgie des années 60 créée de toutes pièces par la télévision avec des émissions comme Mad Men (AMC, 2007- ) et Pan Am (ABC, 2011), assistons-nous au même effet avec les années 80 (The Carrie Diaries (CW, 2013- ), That ‘80s show (CBS, 2002)? Si oui, ce serait une des seules explications pour expliquer le succès, tout relatif, de cette comédie.