Béa va rejoindre un inconnu. Un homme marié, père de trois
enfants, qu’elle a croisé le temps d’un après-midi. Un homme avec lequel elle
échange depuis des semaines par mail. Un homme dont le train va arriver en
gare. La nuit d’hôtel est réservée. Le reste… difficile à imaginer. Mais Béa
veut se sentir vivante. Elle ne supporte plus sa vie de couple. Comment peut-on
d’ailleurs appeler cela un couple. Angel ne l’a pas touchée depuis des années,
même pas embrassée. « Elle avait réussi une séparation, mais l’homme était
revenu, un poids mort, toujours à la maison. »
« Avec Angel, pas d’amour, pas d’enfants, pas
d’accouchement, pas de lait, ni sein, ni biberon, et finalement plus de femme
dans le couple (le sexe de Béatrice neutralisé). On avait piégé son être, son
avenir, sa descendance, son bonheur, elle aurait dû se scier le poignet, le
bras, se ronger cette patte qui était prise, partir comme les renardes, en
saignant dans la neige, courir jusqu’à ce que le danger - que le passé -
s’éloigne. » Mais l’inconnu est-il la solution à tous ses maux ? Ne serait-il pas
simplement une parenthèse ? Ou une chimère ?
Un petit bouquin trouvé sur la table des nouveautés de la
médiathèque. Emprunté sans même lire la 4ème de couv. C’est un jeu auquel je
me livre parfois. En général ce sont toujours de mauvaises pioches. Rentré à la
maison je découvre que j’ai mis la main sur une histoire de femme en
souffrance, de femme qui se cherche. Après avoir été refroidi par le dernier Kasichke et « Trembler te va si bien », qui donnaient dans le même
créneau, je me dis que je vais le ramener sans même le lire. Je me lance quand
même dans la première page, puis la seconde et j’en avale la moitié d’une
traite. L’histoire de cette femme me parle. Elle me touche.
« Un acte d’infidélité peut-il renforcer l’amour exclusif qui lie un couple ? ». L’accomplissement de l’amour reprend le titre et le thème
d’une longue nouvelle de Robert Musil écrite en 1910. Une réécriture 100 ans après, avec une femme du 21ème siècle, à une
époque où les façons d’aimer ont bien changé.
Béa se cherche, donc. Béa est perdue. J’ai été bouleversé par sa
faiblesse, sa résignation, son manque de confiance en elle. Autant de choses
qui d’habitude m’agacent au plus haut point. Étrange. Mon petit cœur de pierre
a fondu. Je n’arrive pas à me l’expliquer. Peut-être est-ce l'écriture d’Eva Almassy, sensible et pleine de charme. En tout cas je constate avec plaisir
que je suis capable de « recevoir » des textes féminins aussi
intimes. Je pensais que c’était totalement impossible. Comme quoi…
L’accomplissement de l’amour d’Eva Almassy. L’olivier, 2013.
110 pages. 13 euros.