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« Anti-hollandisme primaire » ou « un article pour se faire lyncher ».

Publié le 30 octobre 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

Devezh mat, Metz, mont a ra ? La sentence est tombée : François Hollande vient de remporter le titre peu honorable de président le plus impopulaire de toute l’histoire de la Ve République, performance dont tout homme politique se passerait volontiers.

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Non, je ne le plains pas. Non, je ne prétends pas qu’il ne mérite pas d’être désavoué. Non, je ne vais pas contester aux Français le droit de critiquer leurs élus. Seulement voilà, vous commencez à me connaître : hurler avec les loups et pratiquer le consensus mou, ce n’est pas tellement ma came. Je ne vais pas non plus jouer à être à contre-courant rien que pour le plaisir d’avoir l’air impertinent, j’ai passé l’âge de ce genre de gaminerie. Mais n’empêche. N’empêche que Melba. N’empêche qu’il y a aujourd’hui une sorte de complaisance à traiter François Hollande comme une merde ; pas un jour ne passe sans que j’entende des propos extrêmement agressifs à son égard, avec plus ou moins de pertinence. Hollande est devenu le premier bouc émissaire de France, à tel point que je soupçonne beaucoup de gens de le traîner dans la boue d’abord et de réfléchir ensuite…

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Prenons un à un les griefs qui lui sont faits le plus souvent : premièrement, évidemment, on lui reproche la mauvaise situation économique et sociale de la France. C’est un fait, les choses ne vont pas bien, le chômage augmente et la récession nous guette. Institutionnellement, la responsabilité de la situation incombe évidemment au gouvernement et, indirectement, au président de la République, mais on oublie un peu vite qu’il en allait déjà ainsi avant l’élection de François Hollande : la droite ne lui a pas légué un pays en bonne santé, bien au contraire ! Je me souviens qu’après la débâcle de l’UMP aux régionales de 2010, les guignols se sont amusés à représenter Sarkozy, désormais certain de sa défaite deux ans après, replonger de plus belle dans le bling-bling, décidé à profiter pleinement du temps qui lui restait à passer à l’Élysée et à laisser à son successeur une ardoise comac : c’est une caricature, évidemment, mais elle a raison sur un point, à savoir que Hollande a hérité d’une situation désastreuse léguée par la droite après dix ans de pouvoir pour cette dernière ; il est évident qu’il ne pouvait pas faire de miracles et défaire en un an et demi ce que la droite a fait en dix ans…

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Deuxième antienne des nouveaux anti-hollandistes primaires : il n’est pas assez de gauche. Bande de rigolos, va ! J’ai presque envie de leur répondre comme Uma Thurman dans une publicité pour une célèbre boisson gazeuse : vous vous attendiez à quoi ? Le parti socialiste avait déjà été plusieurs fois au pouvoir avant le 6 mai 2012, et durant ces quinze années de pouvoir (prenez les deux mandats de Mitterrand en retranchant les deux cohabitations et ajoutez-y la cohabitation Chirac-Jospin, vous arrivez bien à quinze ans), on ne peut pas dire que les craintes d’une « kolkhozisation de la société » se soient révélées fondées… Le PS est clairement un parti de centre gauche, on n’a jamais pu en attendre beaucoup plus que  les quelques réformes sociales les plus emblématiques (RTT, 35 heures, CMU, etc.) qui ont fait son histoire, et il suffisait de lire le programme présidentiel de François Hollande pour comprendre que ce n’était pas Che Guevara… Si vous vouliez un pouvoir de gauche, il fallait voter à gauche ! Voilà où ça mène, de voter sans savoir ! On n’a jamais que les gouvernants qu’on mérite… De toute façon, si les Français étaient vraiment tentés par la gauche, comment expliquer la popularité de Manuel Valls ?

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Viennent ensuite les accusations de mollesse, de manque de courage et d’absence d’autorité, que les récents reculs sur l’écotaxe et sur la taxation de l’épargne n’ont pas manqué de réveiller… Le plus marrant, c’est que ces critiques viennent souvent de gens qui ne veulent pas payer plus d’impôts et que donc, de tels recul auraient dû satisfaire. Les Français sont versatiles : en 2012, ils désavouaient un président qui n’était pas à leur écoute, un autocrate qui décidait tout seul de tout sans tenir compte de la colère du peuple et qui nous pondait à tire-larigot, au gré de ses sautes d’humeur, des mesures bâclées, décidées dans l’urgence sans concertation préalable et donc inévitablement inefficaces et dangereuses. Ils ont donc mis à la place un président qui, lui, tient compte un minimum des mouvements de colère et d’inquiétude des gens, qui se contente de présider et laisse son gouvernement gouverner, et a redonné à l’État un rythme de croisière normal qui n’est plus guidé par l’urgence permanente. Un gouvernement qui écoute la colère populaire, ce n’est pas un gouvernement faible : c’est un gouvernement démocratique, point. À croire que les Français, non contents de ne pas être de gauche, ne sont même pas démocrates, ce qui, soit dit en passant, expliquerait bien des choses… Quoi qu’il en soit, on est peut-être passé d’un extrême à l’autre, mais il n’empêche qu’on reproche Hollande de ne pas avoir ce qu’on reprochait à Sarkozy…

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Terminons avec le reproche du manque d’aura internationale, du manque de carrure présidentielle… Comme si ça ne faisait pas déjà des lustres que la France est à la remorque des États-Unis ! De Gaulle avait beau faire les fiers à bras, a-t-il vraiment jamais eu une influence directe sur les présidents américains qu’il a pu connaître ? Est-ce que le refus de la guerre en Irak par Chirac a empêché à cette sale guerre de se produire ? Qui doute encore que les gesticulations de Sarkozy pour se faire passer pour un super-héros n’étaient que de l’esbroufe ? En fait, on reproche à Hollande d’être la preuve vivante d’une réalité dont il n’est pas responsable mais qu’un esprit de clocher mesquin nous empêche d’admettre… Pour ce qui est de la carrure présidentielle, j’avais déjà dit, dans une chronique antérieure, que les Français me donnaient l’impression de n’avoir jamais réussi à tuer le père depuis l’avènement de la République et de perpétuellement réclamer un roi, comme les grenouilles de la fable de La Fontaine, avec les risques que ça comporte… Ils pourraient saisir l’occasion d’avoir un président qui ne les traite pas en mineurs pour enfin devenir adultes et prendre leur destin en main, par exemple en se mobilisant pour obtenir ce que le pouvoir ne leur donne pas spontanément, comme leurs grands-pères avaient su le faire en 1936, mais non, ils préfèrent attendre que ça leur tombe tout cuit dans le bec comme des oisillons encore cloués à leur nid… Bref, ce reproche est peut-être fondé en tant que tel, mais seulement si on part du principe qu’un État démocratique devrait être dirigé par un monarque, ce qui est un non-sens, hérité il est vrai de la constitution rédigée pour la vieille baderne militaire qui a transformé une démocratie en monarchie élective…

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Conclusion : dans une République, c’est un droit et même un devoir de critiquer le pouvoir et de lui rappeler les devoirs qu’il a envers le peuple, mais encore faut-il savoir pourquoi on le critique, et si la politique du gouvernement est discutable (et pas qu’un peu !) en tant que telle, ça ne justifie pas le « hollande bashing » auquel se livrent aujourd’hui beaucoup de nos compatriotes, souvent plus pour le plaisir de se défouler sur une cible facile à identifier que pour formuler une critique constructive. À leur décharge, je reconnais que je préfère les voir passer leurs nerfs sur Hollande que sur les immigrés… Kenavo, les aminches !


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