Un président godiche qui gouverne à la godille

Publié le 30 octobre 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Un article de jean Cochet, extrait du n° 7971 du quotidien présent, du Jeudi 31 octobre 2013

Face à la colère des transporteurs et agriculteurs bretons suscitée par l’écotaxe – cette goutte d’eau faisant déborder un vase plein à ras bord d’impôts, mais aussi de toute l’amertume de ceux qui s’estiment floués par leurs élus – Jean-Marc Ayrault « multiplie les concessions ». Il « suspend » pour un temps indéterminé l’application de cette taxe verte aux effets combustibles.

« Suspendue » comme le fut en son temps la défunte taxe carbone ? « Suspendue », à la grande fureur des écologistes, qui trouve cette interruption « minable ». Des écolos qui, fidèles à leur réputation de jean-foutre, n’avaient même pas voté cette taxe qu’ils jugeaient à l’époque trop étriquée, donc minable. Elle avait surtout le tort, à leurs yeux sectaires, d’avoir été initiée par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Ecologie de Nicolas Sarkozy. Les écolos s’étaient donc « minablement » abstenus.

Le gouvernement suspend son écotaxe mais les Bretons, eux, continuent d’exiger, non pas une simple « suspension » mais sa totale suppression. Ils maintiennent donc leur manifestation de samedi. Et le gouvernement suspend son souffle…

Concession pour concession

Même Le Monde, quotidien du progressisme rose et vert, bible du soir de la « gauche morale », s’interroge : « Hollande peut-il encore agir ? » La réponse manque d’optimisme. « Après les couacs et les polémiques à répétition dans la majorité, l’action du gouvernement semble paralysée. » Autrement dit, la France a un chef d’Etat impotent, contraint à un immobilisme forcé ?

Ce gouvernement d’engourdis devrait peut-être se dépêcher de s’en acheter une, de concession, à perpétuité, au cimetière du Père Lachaise ? Ci-gît le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : mai 2011- novembre 2013. Regrets éternels. Avec quelques pots de chrysanthèmes pieusement déposés par les « amis » du défunt, qui l’auront tant soutenu et entouré de leur affection de son vivant : le PCF, le Front de gauche, les ministres d’EE-LV, le président de l’Assemblée nationale, et même le Premier secrétaire du PS qui lui donna le coup de pied de l’âne lors de l’hystérique affaire Léonarda… Sans oublier, de la part de cette dernière, une petite pensée artificielle à cinquante centimes envoyée du Kosovo.

Marianne fustige cette semaine ce que Présent avait déjà souligné avec ironie à plusieurs reprises. « Parmi les figures politiques répertoriées, on connaissait le soutien sans participation, qui a pour lui une certaine logique. Les Verts ont inventé la participation sans soutien, qui est le comble du cynisme. » C’est ce qu’ils appellent, tout aussi cyniquement, « faire de la politique autrement ».

Du reniement au remaniement ?

Pour retrouver un peu de tonus, même momentanément, le paraplégique de l’Elysée a grand besoin de sang neuf. Besoin en tout cas d’un nouveau Premier ministre plus ingambe que Jean-Marc Ayrault, désormais aussi ankylosé que lui, pour le pousser dans son fauteuil roulant aux armes de la République française.

Ce président qui voulait réenchanter le rêve français a, en quelque mois, désenchanté ses électeurs comme personne avant lui. Pourtant, dans cette Ve République, les désenchanteurs se ramassent à la pelle… « Amateurisme », « incompétence », « cafouillages ». Ce sont les qualificatifs contenus dans l’éditorial du Monde, journal, répétons-le, proche de ce gouvernement dont il partage l’idéologie délétère. Inutile d’en ajouter d’autres : ceux-ci viennent du cœur. Les miens, à côté, seraient suspects de parti pris et d’acharnement.

L’échouage

Depuis dix-huit mois, ce gouvernement de godiches naviguait donc à la godille, se faufilant, non sans dommage, à travers les récifs de la crise et les écueils de sa propre incurie. Le voici maintenant échoué sur un banc de sable après s’être déchiré contre les brisants du pays breton.

Remanier à cinq mois des élections municipales ? C’est inédit et risqué, mais Hollande a-t-il le moyen d’agir autrement ? Même si, dans ce contexte déprimé, un changement de tête risque de laisser beaucoup de Français indifférents à ce nouveau trombinoscope. Et qui à Matignon ? Manuel Valls ? Claude Bartolone ? Stéphane Le Foll ? Laurent Fabius ? Martine Aubry étant exclue de la liste pour cause d’incompatibilité d’humeur, rédhibitoire, avec François Hollande.

Pourquoi pas, alors, une « enchanteresse » comme Ségolène Royal ? Même si celle-ci, depuis 2007, rate tous ses tours de magie… Son exercice du pouvoir ne serait en tout cas pas plus pathétique que celui de Jean-Marc Ayrault. Et au moins, seul petit avantage que la présidente de la région Poitou-Charentes possède encore sur les clowns tristes qui nous gouvernent, elle nous donnerait sûrement l’occasion de rire un peu. Ségolène en Liberté guidant le peuple… Vers quels abysses ? La légende du cliché ne le précise pas. A moins que, délaissant Delacroix pour Géricault, elle ne choisisse de se faire photographier, de manière plus symbolique, en naufragée du Radeau de la Méduse ? Ou mieux encore, pour notre ravissement : en Vérité sortant du puits ?

Mardi, la libération des otages a dû apparaître à François Hollande comme un rayon de soleil au-dessus du lac gelé où lui-même et ses ministres patinent depuis des jours. Mais, avant, il a dû encore subir une petite humiliation de la part du président de la Slovénie, où le chef de l’Etat français excursionnait. Son hôte lui a en effet rappelé que, chez lui, l’écotaxe était en place depuis plus d’un an. Malgré les remous provoqués par cette décision, il avait tenu bon et les mécontents, à la fin, s’étaient calmés. Mais Hollande peut-il mécontenter une région « où les socialistes et leurs alliés écologistes détiennent 22 sièges de députés sur 27 dans les quatre départements bretons et 12 sièges de sénateurs sur 14 ; ils disposent d’une majorité écrasante au conseil régional (63 élus sur 83) et président trois des quatre conseils généraux ». La révolte des Bonnets rouges (1) contre Paris marque, plus que dans n’importe quelle autre région française, la chute fracassante de la maison socialiste. Ajoutons que nos compatriotes bretons, pour avoir fait une telle confiance imbécile à la gauche dont ils ont largement contribué à l’installation au pouvoir, se trouvent aujourd’hui, en quelque sorte, un peu punis par là où ils ont tant péché.

(1) La révolte des Bonnets rouges date de Louis XIV. Les insurgés se rebellaient alors contre une taxe destinée à subventionner, cela ne s’invente pas, une guerre contre la Hollande.

JEAN COCHET