La loi argentine sur l'audiovisuel reconnue par la Cour Suprême [Actu]

Publié le 30 octobre 2013 par Jyj9icx6

La Cour Suprême fédérale argentine hier (photo Télam)

Promulguée depuis octobre 2009, la loi sur l'audiovisuel qui avait pour but d'empêcher la création ou le maintien d'un quasi-monopole d'un groupe privé dans le monde des médias nationaux (radio, télévision, presse écrite et fourniture Internet et câble) ne pouvait pas entrer en application parce que le groupe Clarín, dont la domination économique à l'échelle du pays était clairement visée par cette loi, s'y est opposé en tirant une à une toutes les ficelles procédurales et judiciaires et Dieu sait si l'Argentine est championne du monde en lenteur de la Justice.

La plus belle fête, dit la Une de Página/12, sur fond de Congrès


Mais hier, la Cour Suprême s'est enfin prononcée, comme elle l'avait dit (elle ne voulait le faire qu'après la tenue des élections législatives de dimanche dernier), et elle s'est prononcée pour la constitutionnalité de la loi et son inocuité pour la gestion des entreprises du pays à six contre un pour un groupe de réclamations et à quatre contre trois pour les autres demandes (Clarín prétendait en effet que l'application de la loi mettrait en danger sa viabilité économique alors qu'elle ne fera que l'obliger à se défaire d'un certain nombre de ses activités au profit d'investissements dans d'autres secteurs, comme ce fut le cas dans les années 80 en France avec le groupe Hersant).
Quand Página/12 entonne un chant de victoire, bien naturel car l'hégémonie médiatique de Clarín entrave le développement des médias alternatifs, Clarín affiche ses contradictions en gros titre : dans la même phrase, la Une annonce que le groupe respecte l'arrêt de la Cour et pour faire valoir ses droits (que la Cour Suprême dit être respectés par le nouveau cadre réglementaire) songe à attaquer la loi devant les tribunaux internationaux. Rien que ça ! Ceci dit, on voit dans le courrier des lecteurs qui s'affiche à la suite des articles sur le site Internet qu'il y a des commentaires qui invitent Clarín à suivre l'arrêt de la Cour et à abandonner sa lutte trop visiblement procédurière et nettement antidémocratique.

"Loi des médias : la Cour se prononce en faveur du Gouvernement"
Dans les sous-titres juste en dessous à gauche : "une main tendue à la Casa Rosada"
Et bien entendu, juste en dessous, une photo de foot
(mais pas n'importe laquelle : Independiente, un club en pleine déconfiture, a gagné hier)


En fait, le groupe Clarín prétendait que l'intervention de l'Etat dans l'organisation des médias relevait d'une atteinte à la liberté d'expression (en fait, Clarín plaide pour le libéralisme sauvage à la Reagan-Thatcher-Bush qui lui permettrait de multiplier ses profits à l'infini), la Cour Suprême vient de dire que la régulation d'une activité économique faisait bel et bien partie des compétences de l'Etat. Or c'est un grand débat qui traverse toute l'histoire de l'Argentine depuis l'indépendance : l'Etat peut-il ou non intervenir dans la distribution des richesses matérielles pour favoriser la justice sociale et garantir l'exercice effectif de la liberté d'opinion pour tous. Le Groupe Clarín va donc jusqu'à prétendre qu'en rendant son arrêt, la Cour Suprême a voulu tendre la main au Gouvernement (qui serait d'après lui aux abois, après sa cuisante défaite de dimanche, dont on a vu qu'elle n'était cuisante que dans les rêves de l'opposition).
Pour aller plus loin : lire l'article de Clarín (1) lire l'article de Página/12
(1) Force est de constater que malgré ce jeu politico-idéologique très insidieux que développe le groupe Clarín depuis des années, contre les aspects de la démocratie qui gênent la rapacité inouïe des propriétaires du capital social et notamment la famille du fondateur, Roberto Noble, le quotidien phare du groupe, Clarín, a dans sa rédaction de vrais grands journalistes. La difficulté ici est de séparer le groupe dont le comportement politique est particulièrement condamnable, notamment lorsqu'il veut soumettre les institutions du pays à ses intérêts financiers, et les salariés, qui sont loin d'en être systématiquement et servilement les complices.