Dans le cadre de mon Master 1 à l’Université de Poitiers, j’ai réalisé une étude, lors de mon stage chez France TV, sur le rôle de la Social TV dans la fidélisation du téléspectateur. En voici les principaux résultats.
La social TV représente l’interaction entre un programme TV et des médias sociaux ou application second écran, nous pouvons penser que les objectifs pour les chaines sont les mêmes que pour les autres marques : fidéliser la clientèle. Cependant la question plus délicate est de savoir si le fait de proposer une interaction sur les médias sociaux entraine réellement une hausse de l’audience télévisuelle.
La social TV permet aux chaines de faire la promotion de leur programme avant sa diffusion. Cette promotion est faite par le biais des applications second écran, d’un hashtag et/ou d’une page facebook officielle. C’est la phase de teasing.
Lors de cette phase de teasing, il est important de donner aux téléspectateurs des clés de lecture pour lui permettre d’orienter son choix avant/après avoir allumé sa TV. Pour cela, il est possible de publier des statuts en lien avec les thématiques/personnes à venir dans les émissions, mettre à jour la photo de couverture sur Facebook, publier des teasers photos/vidéos avec la participation des animateurs.
Il est également possible de faire vivre la préparation de l’émission depuis les coulisses, afin de montrer aux téléspectateurs l’envers du décor. C’est un bon moyen de favoriser l’immersion du téléspectateur en renforçant le lien de proximité avec les créateurs du programme.
La diffusion du programme est bien évidemment le moment crucial, parce qu’il est celui où la communauté se rassemble et où elle prend le plus la parole. C’est un moment clé. Il est donc primordial de privilégier des publications susceptibles de faire réagir la communauté. Pour cela, il faut rebondir sur les moments forts de l’émission et faire participer la communauté en demandant leurs avis.
Selon une étude de Nielsen et Social Guide, réalisée à partir de plus de 140 programmes, Twitter apparaît comme l’une des trois variables significatives susceptibles d’influencer l’audience des émissions TV. Les deux autres variables étant les audiences de l’année précédente et le niveau du budget publicitaire.
En résumé, l’augmentation du nombre de tweets autour d’une émission provoque une hausse de l’audience TV. C’est notamment le cas chez les 18/24 ans puisque une hausse de 8,5% du nombre de tweets entraine une hausse de 1% de l’audience télévisuelle. Chez les 35/49 ans, c’est une hausse de 14% du volume des tweets qui entraîne une augmentation de 1% de l’audience :
Cependant, la social TV joue-t-elle un rôle pour fidéliser le téléspectateur ?
Dans le cadre de mes études, j’ai réalisé un mémoire sur ce sujet. Je me suis basé sur une les résultats d’un questionnaire que j’ai diffusé.
Il y a eu 253 réponses avec une moyenne d’âge de 23,7 ans. Cela s’explique par le fait que beaucoup d’étudiants ont répondus à ce questionnaire compte tenu de mon statut d’étudiant et que la majorité des mes contacts le sont. Il y a 47% de femmes et donc 53% d’hommes.
Nous constatons que 63,6% des répondants ont déclarés être connectés sur un média social lorsqu’ils regardaient un programme TV. Compte tenu du développement du multi-tasking, ce résultat n’est pas étonnant.
Pour les personnes ayant répondu non à cette question, elles ont déclaré, en majorité, préférer se concentrer sur une seule activité à la fois. Cela peut s’expliquer par le fait qu’après une journée de travail chargée, il est difficile de mobiliser les ressources intellectuelles nécessaire pour pouvoir effectuer du multitâche. Pour eux, la télévision est un moyen de détente et de laisser aller. Une source d’informations supplémentaires n’est pas nécessaire.
Il est intéressant ensuite d’identifier les principaux médias sociaux utilisés lors d’un programme TV. Sans surprise, Facebook et Twitter arrivent en tête. En effet, lors du visionnage de la télévision, facebook est utilisé par 38,5% des répondants déclarant être connectés sur un média social lorsqu’ils sont devant la télévision. Twitter est quant à lui utilisé par 48,9% des individus.
Cela signifie donc que lors d’un programme TV, certains médias sociaux sont plus utilisés et d’autres moins. Ou encore, que certains se prête d’avantage à un programme TV que d’autre.
En effet, lors d’une utilisation globale, c’est Facebook qui est le plus utilisé alors que devant un programme TV c’est Twitter :
Ce sont les hashtag Twitter qui sont le plus utilisés. Ils permettent aux utilisateurs de suivre les discussions qu’il y a autour d’une émission et ainsi d’y participer en donnant son avis. Il y a donc une véritable interaction entre le programme TV et les individus, permise par Twitter.
Si l’on s’intéresse maintenant au type de programme regardés avec une interaction social, nous constatons que les divertissements arrivent en tête. Ces résultats ne sont pas étonnant lorsque l’on regarde l’impact de #DALS (Danse Avec les Stars) sur Twitter :
De plus, les divertissements sont les programmes qui nécessitent le moins de concentration. La quantité d’informations données est inférieure à un documentaire par exemple. C’est pour cela qu’il est possible de faire autre chose en même temps et donc être connecté sur un média social. C’est pour cela qu’ils sont privilégiés par les télénautes.
Il est également intéressant de comparer les supports utilisés devant un programme TV :
Nous constatons que le smartphone est plus utilisé lors d’une interaction médias sociaux/ télévision que l’ordinateur, alors que c’est l’inverse lors d’une utilisation unique des médias sociaux.
Cela peut s’expliquer par le fait que le smartphone est plus petit et moins encombrant et donc plus pratique dans un salon, sur un canapé. C’est un support que l’on a toujours sur soi et lorsqu’une émission propose de réagir sur un hashtag, par exemple, le téléspectateur aura le réflexe de sortir son téléphone plutôt que d’aller chercher son ordinateur portable. De plus, Twitter se prête parfaitement à une utilisation sur smartphone de part la caractéristique des 140 caractères. Ecrire un tweet, revient en quelque sorte à écrire un SMS.
Et la fidélité dans tout ça ?
Si nous nous appuyons sur les réponses aux questions
- « Êtes-vous plus fidèle à votre programme TV depuis qu’il propose une interaction sur les médias sociaux ? »
- « Êtes-vous plus fidèle à votre programme TV depuis qu’il propose une interaction sur une application second écran ? »
La réponse à ces questions reflète la perception qu’une personne a sur sa fidélité. Il est intéressant de voir si les individus ont ressenti un changement dans leur fidélité depuis l’apparition de la social TV.
Nous obtenons les résultats suivants :
79,22% des répondants ne se sentent pas plus fidèle à leur programme TV depuis qu’il propose une interaction.
Cela peut s’expliquer d’une manière simple : les interactions sur les médias sociaux comme Twitter ne permettent pas de rassembler un maximum de personnes. De plus, cela n’apporte rien d’innovant et le téléspectateur peut se lasser de se voir offrir toujours la même interaction.
Pour que la social TV puisse engendrer la fidélisation du téléspectateur, il faut que l’offre soit plus complète et surtout qu’elle réponde aux attentes. Ce n’est pas le cas pour le moment. En effet, les téléspectateurs recherchent dans 85,7% des cas à obtenir des informations complémentaires au programme, ce que ne peut pas proposer Twitter avec ses 140 caractères. Seules les applications second écran pourront répondre à cette demande et ainsi pouvoir, à terme, prétendre à fidéliser le téléspectateur.
Ce qui est proposé aujourd’hui, avec les interactions via Twitter, n’est pas suffisant car de plus en plus de programmes propose la même offre.
Cependant, nous avons constaté qu’une hausse de 8,5% du volume de tweets, augmentent l’audience de 1% chez les 18/24 ans. Cela signifie que si le hashtag officiel d’un programme est en TT (Trending Topic), cela va inciter l’internaute à se rendre sur la chaîne. L’intérêt et l’enjeu de Twitter est aussi d’engager les téléspectateurs pour limiter le zapping et accroître la fidélité des communautés.
Comment fidéliser le téléspectateur grâce à la social TV ?
Les médias sociaux sont très utilisés et notamment chez les jeunes de moins de 25 ans, contrairement aux applications second écran encore peu développées. L’utilisation des médias sociaux s’est considérablement développée grâce à l’avènement des smartphones qui permettent de se connecter à tout moment et notamment devant la télévision.
Les programmes TV, qui souhaitent de plus en plus instaurer une interaction avec le téléspectateur, utilisent principalement Twitter avec des hashtag officiels.
Cependant cette interaction devenue classique ne permet pas de fidéliser le téléspectateur car de nombreuses émissions l’utilisent. Elles n’acquièrent donc pas d’avantage concurrentiel, qui est une des raison de la fidélisation. C’est pourquoi il faudrait développer l’offre. Les applications second écran, qui permettent, à mon sens, plus de liberté pour les chaines et plus d’imagination pourraient être une solution. C’est en cela que les perspectives de la social TV sont intéressantes.
Elle pourrait permettre également aux groupes audiovisuels d’élargir leur offre publicitaire sur un autre support grâce aux applications second écran. Il faudrait pour cela prouver aux annonceurs que ces applications entraînent une fidélisation et un taux d’engagement des internautes. Il faudrait pour cela mesurer : (d’après une étude réalisée par NPA)
- L’engagement actif : la puissance multi-univers des émissions ou des chaînes, tous réseaux confondus.
- La résonance numérique : l’impact réel sur les réseaux sociaux en éliminant la duplication et les facteurs limitant la diffusion moyenne des posts des abonnées d’une page Facebook ou d’un compte Twitter.
- Le score d’engagement d’une émission en fonction de son audience. Un étalonnage basé sur les chiffres de la tranche 11-49 ans qui représente 95 % de l’audience. Un score de 74 signifie qu’il y a 74 interactions pour 1000 téléspectateurs de 11-49 ans.
C’est alors que les applications pourront être monétisées et offrir des ressources aux groupes audiovisuels. Ces ressources pourront être réinvesties dans le développement de l’offre Social TV et de ce fait répondre aux attentes des consommateurs. C’est seulement lorsque les attentes des consommateurs seront remplies que la Social TV pourra prétendre à fidéliser le téléspectateur.
Que retenir ?
La Social TV repose aujourd’hui principalement sur l’interaction avec Twitter grâce au hashtag. Compte tenu de l’utilisation massive des smartphones et des tablettes devant la télévision, il faudrait que les chaines et les programmes TV développent des applications second écran, comme c’est le cas aux Etats–Unis.
Les applications second écran donnent également plus de liberté aux chaines pour personnaliser les contenus et l’interface. C’est cette différenciation qui permettra d’obtenir un avantage sur ses concurrents contrairement à l’utilisation banalisée qui est faite de Twitter.
Certains groupes comme Canal + ont commencé à créer ce genre d’applications, qui sont dans les plus téléchargées sur les plateformes Apple store et Android Market. C’est donc la preuve que lorsque l’offre correspond aux attentes des consommateurs, elle est privilégiée.
Le potentiel de la Social TV n’est plus à prouver. Il faut désormais que les groupes audiovisuels identifient les attentes des téléspectateurs afin de proposer une offre en adéquation. Twitter a été la rampe de lancement de la Social TV en France mais il ne faut pas s’en contenter, il faut tenter d’explorer de nouvelles perspectives que peuvent offrir les applications second écran.
Et vous ? Pensez-vous, comme moi, que les applications second écran soient l’avenir de la social TV ?
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