Cependant, de mauvais rapports de voisinage peuvent aussi conduire le titulaire du permis et l’architecte maître d’œuvre devant les juridictions civiles.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation juge que la décision de l’administration au terme de la procédure de récolement ne saurait constituer le seul mode de preuve de la conformité d’une construction, dans le cadre d’une action en responsabilité de droit commun devant le juge judiciaire.
En l’espèce, le propriétaire d’une maison en cours construction dans les environs de Saint-Tropez a été assigné par son voisin en démolition de la toiture qui dépassait d’environ cinquante centimètres la hauteur maximale de 6 mètres autorisée par le plan d’occupation des sols de la commune.
Le voisin fondait son action sur l’article 1382 du Code civil selon lequel toute faute causant un dommage oblige à le réparer. A ce titre, il invoquait une perte de vue sur la mer du Golfe de Saint-Tropez, et en conséquence une perte de valeur de sa propriété, du fait d’une interruption de la ligne d’horizon de l’ordre de 10% provoquée par la construction litigieuse, ainsi qu’il résultait des constatations d’un expert judiciaire ayant déposé son rapport courant 2007.
Devant la Cour d’appel, le propriétaire maître d’ouvrage de la construction avait obtenu sa mise hors de cause, en versant un certificat de conformité accordé courant 2004, dont la légalité n’a pas été contestée, sur quoi la Cour d’appel a retenu que le certificat de conformité prévalait sur les constations d’un expert judiciaire et ne saurait être remis en cause par le juge judicaire.
Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui considère que la preuve de la non-conformité d’une construction au permis de construire et aux règles d’urbanisme peut être apportée par tous moyens, y compris, par un rapport d’expertise judiciaire.
En l’espèce, les faits s’inscrivaient dans le cadre du droit antérieur à la réforme des autorisations d’urbanisme instituée par l’ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005, entrée en vigueur au 1er octobre 2007.
Avant le 1er octobre 2007, passé un délai de trois mois sans réaction de l’administration à la suite de la déclaration d’achèvement des travaux, le titulaire de l’autorisation pouvait requérir de celle-ci la délivrance d’un certificat de conformité, et sans réponse de l’administration dans un délai d’un mois suivant cette réquisition, un certificat de conformité tacite était acquis au titulaire.
Depuis le 1er octobre 2007, le régime devient essentiellement déclaratif avec la suppression du certificat de conformité. A la place, le titulaire d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable, transmet à la mairie une déclaration attestant à la fois de l’achèvement et de la conformité des travaux, ce qui ouvre à l’administration un délai de 3 à 5 mois, selon les cas, pour contester cette conformité et enjoindre le récolement des travaux.
Il ne semble pas que le passage au système déclaratif soit susceptible d’avoir un impact sur la solution adoptée ici par la Cour de cassation, qui considère qu’en tout état de cause, le juge judiciaire n’est pas lié par l’appréciation de l’autorité administrative ayant statué sur la conformité d’une construction aux règles d’urbanisme.
Les maîtres d’ouvrage et leur architecte maître d’œuvre (appelé en garantie par le maître d'ouvrage) doivent donc se montrer particulièrement vigilants dans le respect des règles d’urbanisme durant l’acte de construction, sous peine de se voir imposer la démolition des ouvrages non conformes et voir leur responsabilité engagée.
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2012), que M. X..., estimant que la maison en cours d'édification sur le terrain voisin, dépassait la hauteur autorisée par le plan d'occupation des sols et le permis de construire, a obtenu par une ordonnance du 13 novembre 2002, la désignation d'un expert ; qu'après le dépôt du rapport, M. X... a assigné M. Y... en démolition du toit de sa maison et paiement de dommages-intérêts, que ce dernier a appelé en intervention forcée le maître d'oeuvre, la société Techma et Mme Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de cette société ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de dommages intérêts, l'arrêt retient que le 4 octobre 2004, M. Y... s'est vu accorder un certificat de conformité pour les travaux ayant fait l'objet du permis de construire accordé le 12 octobre 2001, que ce certificat, dont la légalité n'est pas contestée, atteste de la conformité des travaux au permis de construire, que cette décision administrative, que le juge de l'ordre judiciaire ne saurait remettre en cause, prévaut sur les constatations effectuées par les experts judiciaires et apporte la preuve qu'aucune violation des règles d'urbanisme ne saurait être reprochée à M. Y... et qu'en l'absence de faute imputable à M. Y... celui-ci ne saurait voir engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la faute de M. Y..., résultant de la violation d'une règle d'urbanisme et recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, pouvait être établie par tous moyens, la cour d ¿ appel a violé le texte susvisé ; »
(Cass. Civ 3ème., 23 octobre 2013, pourvoi n°12-24919)