Titre original : Blood Ties
Note:
Origines : États-Unis/France
Réalisateur : Guillaume Canet
Distribution : Clive Owen, Billy Crudup, Zoe Saldana, Marion Cotillard, Mila Kunis, Matthias Schoenaerts, James Caan, Noah Emmerich, Lili Taylor, Domenick Lombardozzi, John Ventimiglia, Griffin Dunne…
Genre : Drame/Thriller/Remake/Adaptation
Date de sortie : 30 octobre 2013
Le Pitch :
New York 1974 : Chris et son petit frère Frank sont des deux côtés de la loi. Le premier sort à peine de prison après avoir purgé une peine de neuf ans et le second est un policier émérite. Alors que Chris tente sérieusement de mettre de l’ordre dans sa vie, Frank essaye d’oublier les vieilles rancœurs et ainsi favoriser la consolidation d’une famille dévastée. Mais les tentations sont nombreuses pour l’ancien gangster qui ne tarde pas à reprendre le mauvais chemin, mettant son frère dans une position très inconfortable…
La Critique :
Et de quatre pour Guillaume Canet le réalisateur, qui pour l’occasion, a souhaité traverser l’Atlantique pour poser ses caméras dans le New York des années 70. Avant même de voir le film, une question s’impose alors : Canet a-t-il les épaules assez larges pour supporter le poids monumental des classiques auxquels il se confronte en choisissant précisément de situer son film dans cet espace temps et dans cette ville en particulier ? Canet lui-même cite Panique à Needle Park de Jerry Schatzberg et Serpico de Sydney Lumet comme référence, affirmant vouloir renouer avec la crasse des rues mal famées de la Grosse Pomme et son ambiance si particulière. Le truc, c’est que nous ne sommes plus dans les années 70 et que Canet n’a jusque là pas vraiment brillé par l’âpreté de sa mise en scène. Une âpreté nécessaire au genre de récit que conte Blood Ties, entre drame et pur film policier. Une chose est néanmoins sure : à son rythme, Guillaume Canet prend de la bouteille, fait preuve d’une bonne volonté farouche et sait superbement s’entourer.
Pour assurer ses arrières, il a donc fait fonctionner ses connections et rameuté une escouade d’acteurs solides. Même James Gray, le surdoué du cinéma indépendant américain a tenu à épauler Canet dans sa tache en co-signant le scénario et en co-produisant le long-métrage. Des soutiens de choix qui déteignent forcement sur le résultat final.
Remake du film Les Liens du Sang, de Jacques Maillot dans lequel jouait Canet aux côtés de son ami François Cluzet, Blood Ties est avant toute chose, un film de comédiens. Quitte à se répéter, il convient de saluer la bonne tenue d’un casting en béton armé. Des acteurs inspirés, dévoués et totalement dans l’esprit. Pour assurer le rôle central qu’il tenait dans l’original, Canet a embauché le trop rare et excellent Billy Crudup, vu dans Presque Célèbre ou encore Big Fish. Un comédien à fleur de peau, tout en retenu, jamais dans l’excès, parfait pour contenir la rage sourde mais contrôlée de ce flic contraint de composer avec son gangster de frère. Le gangster d’ailleurs, trouve grâce à Clive Owen une illustration complexe. Mi-cabotin (mais dans le bon sens) mi-inquiétant, Owen fait le job avec la classe qui caractérise la majorité de ses performances, tout en ne se privant pas d’imposer à l’écran un charisme fou. À la tête de la fratrie, James Caan veille au grain. Ce genre de rôle il connait par cœur et son expérience et sa sensibilité font beaucoup de bien au film. Idem pour Lili Taylor, dont le talent discret assure brillamment les arrières. Impossible de ne pas s’incliner devant Zoe Saldana qui trouve ici ce qui restera comme l’un de ses rôles les plus marquants. En femme amoureuse, blessée et tiraillée, la sublime comédienne irradie en permanence. Mila Kunis aussi, mais plus modestement, compte tenu d’un personnage accessoire plus effacé.
Matthias Schoenaerts, la révélation de De Rouille et d’os, dont le personnage, tout en fureur, sorte de bouteille pleine de nitro, tient son rôle à la perfection dans le peu de scènes où il apparaît. Reste Marion Cotillard. Sans cesse raillée depuis sa mort polémique dans The Dark Knight Rises, l’actrice reste néanmoins choyée par les grands du monde du cinéma. Avant de la découvrir en pivot du prochain James Gray, The Immigrant, elle compose ici un personnage difficile, sous l’œil bienveillant de son mari. Un personnage de femme bafouée, qui en chie en permanence, et qui assez ironiquement, appelle un certain excès. Coup de bol, quand il s’agit d’en faire des caisses, Marion accourt. Mais ne soyons pas mauvaise langue. Sans chercher à piquer la bouffe de ses collègues, Marion Cotillard fait ce qu’il faut pour assurer et pour servir le film.
Drame familial trop peu tendu compte tenu des enjeux, Blood Ties pêche par une longueur excessive et par un rythme qui stagne trop souvent. Heureusement, le cinéphile trouvera sans peine de quoi se contenter dans la distribution aux petits oignons et dans la reconstitution du New York des 70′s, très convaincante, quoi qu’un peu trop propre. Il est là le principal problème de Canet : il manque d’âpreté. Ce qui répond à notre question initiale. Canet est trop vert, trop admiratif des modèles auxquels il se confronte. Leur ombre plane sur Blood Ties sans que celui-ci ne parvienne à s’en affranchir. Et comme si cela ne suffisait pas, on pense à La Nuit nous appartient, le chef-d’œuvre de James Gray justement, qui partage avec Blood Ties des thématiques familiales puissantes. La comparaison ne joue pas en faveur de Canet qui fait encore office d’élève. Un élève studieux certes. Trop peut-être. Pas assez sauvage c’est sûr. Quand on parle de gangster, il convient d’en être un peu un soi-même. Question d’authenticité.
Après son mélo larmoyant Les Petits Mouchoirs et son thriller facile Ne Le dis à Personne, Guillaume Canet ne livre pas un film parfait, mais démontre d’un certain nombre de progrès notables. À l’arrivée, Blood Ties reste tout à fait recommandable. Œuvre honnête, franche et soignée, le long-métrage est aussi assez immersif et attachant. Avec ses défauts et ses qualités. De plus, la bande originale, composée de superbes standards rock et soul, est magnifique.
@ Gilles Rolland