Mystères cosmiques
Pascal Lapointe - Agence Science-Presse
La Terre n’est plus au centre du cosmos, mais avec Robert Brandenberger, Montréal s’y retrouve. Parce que ce chercheur fait partie de ceux qui travaillent à résoudre le mystère des origines de l’Univers. Rien de moins.
Autour de ce physicien de l’Université McGill, spécialiste de la cosmologie, une poignée d’étudiants aux études supérieures travaillent à détecter «des lignes dans le ciel où la température change». Sous cette description étrange se cache une piste, pas la seule, mais une piste qui semble pour l’instant sérieuse, par laquelle on espère démontrer que la «théorie des cordes» est fondée.
Sans entrer dans les détails de cette théorie, qu’il suffise de dire qu’elle tire sa raison d’être d’un trou béant de la physique: celle-ci n’arrive toujours pas à expliquer le Big Bang. Pour forcer cette porte, plusieurs physiciens ont échafaudé de longues séries d’équations d’où a émergé une image intrigante: toutes les particules élémentaires — photons, quarks, électrons, etc. — seraient des «vibrations» différentes d’une même corde.
Sur papier, cela se tient, mais comment démontrer l’existence de ces cordes que personne n’a évidemment vues, et dont on n’est même pas sûr de la technologie qui pourrait les détecter? C’en est au point où, ces dernières années, plusieurs physiciens ont exprimé un malaise: ne va-t-il pas à l’encontre des principes de base de la science de soutenir une théorie qu’on n’est même pas sûr de pouvoir démontrer un jour? Brandenberger en convient, mais pour lui, l’intérêt est ailleurs: «pour moi, juste le fait de voir si on peut la prouver ou la réfuter est, en soi, intéressant.»
Et c’est là qu’intervient son travail: imaginer des façons par lesquelles la théorie des cordes pourrait être prouvée ou réfutée. La piste suivie par ses étudiants — les «lignes dans le ciel» — fait référence au «bruit de fond cosmique», cette trace résiduelle du Big Bang. «On fait maintenant des expériences à très petite échelle de ce rayonnement micro-ondes. Dans quelques années, on aura de meilleures cartes. Et là, si on voit une ligne dans le ciel où la température change, ce sera la signature d’une corde. Nous avons des étudiants ici qui sont en train d’établir des méthodes statistiques pour détecter ces lignes.»
C’est un travail qui, loin de se faire avec des appareils à la fine pointe de la technologie, nécessite du crayon et du papier. Mais surtout, dit-il, de l’imagination. «Et ensuite, il faut traduire l’imagination. Elle nous apporte les questions qu’on veut résoudre, et il suffit ensuite de traduire ces questions en mathématiques.» Ah oui, c’est si simple…
Dans 10 ans?
Aura-t-on résolu le mystère dans 10 ans? Même Robert Brandenbergber, dont le premier article sur le sujet remonte à 1989 alors qu’il terminait son doctorat à l’Université Harvard, en doute. «Je pense que le modèle standard de la cosmologie aura été en partie réfuté. Peut-être qu’un nouveau paradigme se sera développé, basé sur la théorie des cordes, mais ça, c’est plutôt un espoir qu’une prédiction.»
«Il y aura quelques questions qu’on aura résolues, ajoute-t-il, mais il y aura bien d’autres questions qui auront surgi.» S’agissant de l’étude d’un cosmos s’étendant à des milliards d’années-lumière, qui en douterait ?