Quand Hollande nous fait son éco-crash

Publié le 30 octobre 2013 par Juan

Xavier Beulin, président de la FNSEA, à Paris le 5 janvier 2011

Mardi 29 octobre, le gouvernement français a décidé de suspendre l'application d'une nouvelle taxe contre les poids lourds votée à l'unanimité en 2009.
Bref.
Bienvenue en Sarkofrance, saison 2.
L'éco-taxe, comme elle fut baptisée, a été victime d'une funeste combinaison: un gouvernement de droite qui tarda à la mettre en oeuvre, jusqu'à choisir un coûteux prestataire (250 millions d'euros de frais de fonctionnement pour un milliard de recettes estimées); une équipe Hollande peu motivée par les enjeux écologiques, et, last but not least, un contexte économique et social qui provoque désormais des crises d'urticaires en série.
Cette taxe, qui n'était pas la plus anodine de la fiscalité écologique tant promise, avait déjà subi tous les retards que la "raison raisonnable" pouvait entendre, des prétextes et/ou obstacles techniques en cascades qui faisaient douter. Elle visait, à compter du 1er janvier prochain, tous les camions français ou étrangers de plus de 3,5 tonnes, roulant sur certaines routes (hors autoroutes payantes).
En Suisse, elle existe depuis 12 ans.
En France, en 2010, on s'interrogeait déjà dans ses colonnes sur les raisons d'un report de son application ... en 2012, juste après la présidentielle. Quelle surprise....
Mardi en France, après la menace d'une énième manifestation à Quimper, des heurts violents la semaine précédentes pour d'autres causes et d'autres sujets en Bretagne, un ras-le-bol fiscal général, une belle hypocrisie à droite (l'idée émane du Grenelle de l'Environnement) et à gauche (la fiscalité plus ou moins carbonée déclenchait de l'urticaire jusque dans les rangs de la gauche morale), Jean-Marc Ayrault a donc cédé, cédé, cédé.
Place à la "concertation".
Si elle dure, cette concertation nous coutera 800 millions d'euros au budget de l'Etat.
"Le contrat qui a été signé par Madame Kosciusko-Morizet, par Monsieur Baroin, par Madame Pécresse à une société qui s'appelle Ecomouv', si on devait le délier, ça coûterait 800 millions d'euros, voilà ce qu'on nous a laissé et voilà pourquoi on ne pas revenir en arrière" Stéphane Le Foll.
C'est un détail que l'ancienne équipe au pouvoir nous avait caché. Le juteux contrat de l'eco-taxe avait été confié ... à une société italienne. On cherche l'appel d'offre. On le cherche, on le trouvera s'il existe. Ecomouv est une société créée spécialement pour la chose - gérer et collecter cette nouvelle eco-taxe, 200 salariés déjà embauchés. Le Figaro, ce mardi 29 octobre, confirme: "la société privée a été créée de toutes pièces pour répondre aux demandes de l'État, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Le groupe est contrôlé majoritairement, à hauteur de 70%, par l'italien Autostrade per l'Italia. Le reste du capital est détenu par des groupes français: Thales dispose de 11% du capital, SNCF en possède 10%, SFR 6% et Steria a 3% du capital d'Ecomouv'. " Casser ce contrat coûterait ... 800 millions d'euros, secs et pleins. Qui nous avait dit que l'ancienne équipe savait gérer l'argent public ? Marine Le Pen s'est sans surprise engouffrée dans la brèche.
Cette "concertation", en langage ayraultiste, cela donne "engager une réflexion et une préparation qui fonctionne et soit équitable, et tenant compte de la spécificité de certaines professions : il faut commencer ce travail tout de suite." Dixit le premier ministre à l'Assemblée nationale, mardi. Et d'ajouter que cette "suspension" n'était donc pas "abandon".
Il fallait douter. Quatre ans que l'on attend cette taxe.

Et les écolos dans tout cela ?
On se demande pourquoi ils sont encore au gouvernement. Après tout, que reste-t-il ? La fermeture de Fessenheim ? Evidemment, quelques "dégagés" de toute "solidarité gouvernementale" pouvaient tacler à souhait. José Bové s'énerve plus que d'habitude: ""c'est une reculade vraiment invraisemblable face à un lobby agro-industriel mené par la FNSEA et le Medef pour casser une logique économique qui aurait été la relocalisation".
Delphine Batho pouvait lâcher qu'"une fois de plus, c'est l'écologie qui trinque". D'une pirouette qui permettait d'évacuer le fond - pour ou contre - le communiste André Chassaigne confiait : "Quand on fait de l'improvisation et du bricolage fiscal, ça dévalorise l'impôt"
L'abandon, la suspension de l'éco-taxe a provoqué quelques réjouissantes chez les agro-industriels bretons. Là-bas, une alliance improbable rassemblait même la grande distribution et les agriculteurs du coin .
A droite, certains avaient déjà cédé, cédé, cédé. On l'avait oublié. Marc Le Fur, député UMP des Côtes d'Amor, qui avait voté l'éco-taxe, répétait encore ce mardi, avant la décision hollandaise, "
Pour Copé, dans la même improbable des situations, ce recul en bonne et due forme était une "marque de sagesse".
On pouvait sourire, ou pleurer.