La manifestation dont c'est une première en France a investi un lieu surprenant puisque c'est un quatre étoiles, l'hôtel A, en bordure des Champs Elysées, ce qui aux USA n'est pas exceptionnel comme démarche.
L'endroit est original y compris dans le registre des hôtels. On croirait une maison parisienne, en retrait de toute agitation, avec sa façade du XIX siècle ornée de bambous et sa verrière d'époque mais on découvre une ambiance ultra contemporaine où le luxe se déploie avec discrétion, ce qui, de ce fait, est tout à fait "raccord" avec le sujet.
L'hôtel entretient une longue histoire avec le domaine de l'art dont il partage d'ailleurs l'initiale. Un A qui signifie aussi Artois, la rue où il se trouve, et Alphabet, ce qui justifie qu'il compte 26 chambres.
Sa bibliothèque renferme plus de 300 ouvrages consacrés à l'art, la mode, le design et l'architecture. Et nombre d'oeuvres ornent habituellement les espaces. Elles ont été retirées le temps de la manifestation. Et pour ceux que cela intéressera je signale que le concept a surgi au détour d'un gribouillis de l'artiste plasticien Fabrice Hyber. Le A qu'il venait de dessiner, avec sa forme élancée de Tour Eiffel, serait le plus beau nom pour un hôtel.
La mise en scène imaginée par Frédéric Mechiche a fait le reste avec des couleurs, des matières, et même une luminosité savamment étudiée. Ainsi les toilettes Femmes sont baignées de rayons roses, et celles des Hommes de rayons bleus. On passe par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pour rejoindre le 6ème étage en ascenseur. Le voyage artistique est commencé, et selon une approche radicalement différente de celle que l'on vit à l'Espace culturel Vuitton où l'ascenseur, noir et silencieux, permet au contraire de se vider l'esprit pour s'ouvrir à autre chose.
J'ai donc commencé la visite par le haut, en choisissant de descendre à pieds, un peu comme on le fait dans l'architecture escargotique du Guggenheim Museum.
Les flots de lumière de l'ascenseur contrastent avec le noir et le blanc qui domine habituellement dans les chambres. Elles sont transfigurées avec la profusion des oeuvres qui y sont accrochées.
Comme à mon habitude je me suis laissée porter par mon ressenti. Si je suis entrée dans toutes les chambres, je ne parlerai pas de tous les artistes ni de tous les galeristes. J'assume le risque. Je ne suis ni critique d'art ni collectionneuse. Mon objectif demeure de témoigner qu'on peut s'intéresser à autre chose que ce que l'on connait, que ce soit dans le domaine de l'art comme en littérature, théâtre ou cinéma ... ou en cuisine.
Quand on sait que cet immense artiste (David Burton) dormait dans un refuge pour sans-abri on réalise tout le paradoxe d'une manifestation comme celle-ci. Les galeristes sont des "sans-abri" plus chanceux puisqu'ils ont été autorisés à passer les nuits sur place ... comme en attestent les chaussures de rechange qui dépassent parfois de dessous le lit, prêtes à servir une fois qu'on aura retiré leurs embauchoirs.
Ce serait sans doute radicalement différent si les oeuvres exposées avaient été réalisées par des artistes "académiques". Cette situation d'intimité est plus sensible s'agissant de ce qu'on appelle l'art brut.
J'ai entendu parler d'argent à chaque étage ... Comment s'en étonner quand on sait qu'un galeriste n'a eu aucun état d'âme à mettre en vente une oeuvre qu'un artiste lui avait offerte dans un geste voulu comme une preuve d'amitié ... Vous me direz que monsieur tout le monde revend bien sur e-bay les cadeaux de Noël dont il n'a pas l'usage ...
Je découvre Janet Sobel chez Gary Snyder (chambre 202) dont j'apprends qu'elle aurait influencé Pollock. Je savais surtout combien Lee Krasner, la femme de l'artiste, avait compté dans son parcours. Fabrice Melquiot leur a consacré un spectacle très intéressant il y a un an. Chacun ses évocations, pour moi ce serait Raoul Dufy.
Tom Di Maria, qui en est le directeur, s'exprime dans un parfait français pour relater la vitalité de ses artistes. Maureen Clay réalise des boules de papier mâché, ultra légères mais évoquant des pierres précieuses.
Les boules de Monica Valentino, une artiste non voyante, se situent elles aussi dans l'univers du bijou.
La galerie turinoise Rizomi Art Brut avait accroché deux petites oeuvres d'un artiste né en 1895 mais dont le travail s'étalait sur plusieurs années comme en atteste le cartel .. qui mentionne aussi le prix, avec une simplicité désarmante.
Du 24 au 27 octobre 2013
Hôtel le A, 4 rue d'Artois - 75008 Paris - tel 01 42 56 99 99