Football, taxe à 75% et effet Laffer : l’économie expliquée aux socialistes
Publié Par K., le 30 octobre 2013 dans Fiscalité, SportLes piètres performances des clubs de foot français s’expliquent par la politique économique qui consiste à effaroucher les investisseurs et à faire la chasse aux gros salaires.
Par K.
Commençons la leçon par préciser que j’écris ce billet non pas en tant que fan de foot mais pour défendre le bon sens élémentaire et les intérêts de ce pays. On a maintes fois parlé du ridicule de la taxe à 75% sur Contrepoints, je vous renvoie donc aux précédents articles pour un traitement plus général de la question. Ici, j’aimerais traiter de son impact sur le milieu du foot en général.
Le Business du Football Professionnel
Le foot professionnel est le sport qui brasse le plus d’argent en Europe. Tout le monde est au courant des sommes gigantesques qui s’échangent à chaque mercato pour acheter tel ou tel joueur, ou encore pour obtenir tel ou tel droit de diffusion.
Figure 1: revenus des clubs par pays (Source: Deloitte).
Malgré les revenus énormes des grands clubs de foot, il est important de savoir que la plupart d’entre eux opèrent à perte. Pour convaincre les sceptiques, voilà un petit tableau issu du rapport annuel de la Commission de Contrôle des Clubs Professionnels :
Comment est-ce donc possible ? Tout simplement par le fait que les propriétaires de clubs de foot sont généralement plus intéressés par le prestige qu’ils peuvent retirer d’un trophée sportif que par les retours en écus sonnants et trébuchants. Prenez par exemple le milliardaire russe Abramovich et Chelsea FC ou encore le PSG et le Qatar, vous pensez vraiment que ces propriétaires injectent des sommes aussi gigantesques dans le foot avec l’espoir d’un retour sur investissement en argent ? En fait, le foot moderne s’apparente un peu aux jeux du cirque dans la Rome antique ou aux grandes célébrations religieuses dans la Grèce antique où il n’était pas rare de voir des gens riches comme Crésus payer des sommes folles afin d’organiser des festivités grandioses afin de gagner un prestige social immense.
En fait, le foot professionnel est un business où le coût de la masse salariale est tel que les capitalistes (propriétaires de club) ne retirent aucun ou peu de bénéfice ; d’ailleurs ceux-ci, loin de s’en émouvoir, sont prêts à faire des pertes tous les ans afin d’avoir la meilleure équipe du championnat. Dit comme ça, on pourrait faire baver d’envie un socialiste au point de lui donner envie d’ériger le football professionnel comme exemple à suivre !
Seulement voilà, la fameuse masse salariale, c’est un joueur de foot qui empoche un énorme chèque et en moyenne 23 emplois moins bien payés. Voyez-vous, pour les égalitaristes de ce monde, c’est une situation complètement injuste ! Non mais voyons, quelqu’un qui tape dans un ballon et empoche des millions ? L’idée que ce salaire soit fixé librement entre le club et le joueur échappe généralement à nos justiciers. D’ailleurs, ils n’en ont que faire. Pour eux le foot, comme tout business, c’est une vache à lait qu’il s’agit de traire par tous les moyens possibles : impôts sur le revenu, cotisations sociales et patronales, TVA sur les billets et autres produits dérivés, etc.
Pourquoi la Ligue 1 est-elle aussi nulle ?
Comme tout business, le foot professionnel prospère là où il y a un marché porteur (c’est-à-dire des amateurs de foot) mais aussi un cadre réglementaire propice. En France, on a indéniablement une culture footballistique bien répandue, d’ailleurs la Fédération Française de Football compte plus de licenciés que n’importe quel autre sport avec plus de 2 millions de licenciés.
Pour ce qui est du cadre réglementaire propice, en France, on est ouvertement anti-entreprise avec un impôt sur les sociétés à 35%, un impôt sur le revenu à 75% et des charges sociales à 63% du salaire brut. Évidemment, nos riches investisseurs n’étant pas idiots, ils privilégient sans se poser de question les pays les plus attractifs fiscalement parlant, c’est-à-dire les championnats anglais, espagnol ou allemand avant de penser investir un kopek en Ligue 1, d’ailleurs, même Piketty et sa bande partagent ce constat amer.
Résultat des courses, nos clubs franchouillards sont en moyenne largement moins bien dotés que leurs homologues européens et se font écraser dans les compétitions internationales. Pas un seul club français dans le top 20 européen (oui, je sais les choses sont en train de changer avec l’arrivée du Qatar au PSG…) :
Pour ceux qui veulent encore se convaincre de l’importance de l’investissement en capital humain dans le foot moderne, je vous invite à regarder attentivement le tableau suivant issu du rapport précédent :
Conclusion : gros budget = grosse équipe = résultats sportifs à la clé
Vous l’aurez compris pour nos clubs gaulois, les piètres performances – une seule coupe de l’UEFA et une seule coupe de Ligue des Champions dans toute l’histoire du football français – s’expliquent par cette politique économique qui consiste à effaroucher les investisseurs et à faire la chasse aux gros salaires.
Conséquence de la taxe à 75%
Les revenus fiscaux générés par les clubs chaque année sous forme d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales sont estimés par des cabinets d’audit. Sur la saison 2011/2012, Ernst & Young estime donc à 622 millions d’euros les sommes générées par l’ensemble des clubs de ligue 1 et de ligue 2. Dès l’année suivante, le gouvernement table sur 44 millions d’euros supplémentaires venant de la mise en place de la taxe à 75%. On s’attend donc l’année prochaine à des retombées fiscales de l’ordre de 666 millions d’euros.
Par curiosité, allons donc voir la situation de l’autre côté de la Manche, chez nos voisins britanniques. Le Royaume-Uni ayant une population similaire et une passion pour le foot identique, il serait intéressant de comparer les choix politiques qui y ont été faits et leurs impacts sur la Premier League.
Pour commencer, la tranche d’imposition la plus forte du Royaume-Uni vient de baisser à 45%, les charges sociales y sont très modérées (moins de 20% du salaire brut) et la paperasserie y est bien moins pesante qu’en France. Tiens, tiens, coïncidence, les équipes anglaises ont les budgets les plus importants d’Europe et sont parmi les plus titrées (12 trophées de Ligue des Champions et 8 coupes de l’UEFA, rien que ça !). Vous vous demandez maintenant combien l’État anglais retire de cette manne avec ces taux d’impositions bien plus faibles… La réponse nous est fournie par Deloitte : d’après leurs calculs sur l’année 2011/2012, pas moins de 1 300 millions de livres sterling sont rentrés dans les caisses du gouvernement anglais, à comparer avec nos malheureux 666 millions d’euros pour la Ligue 1 et 2.
Nos socialistes français doivent en rester pantois ! Comment est-ce donc possible ? Taxer moins pour récolter plus, voilà bien un principe inconnu de nos dirigeants, dommage Arthur Laffer en avait pourtant très clairement expliqué le principe. Bref, encore une fois, le modèle français s’avère être un ratage complet : résultats sportifs pathétiques, opportunités économiques perdues et retombées fiscales maigrichonnes, etc. Il fallait être sacrément inconscient pour en rajouter une couche, mais c’était sans compter sur le nouvel occupant de l’Élysée.