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La fraude fiscale et la bonne conscience

Publié le 30 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Opinion

La fraude fiscale et la bonne conscience

Publié Par Olivier Laurent, le 30 octobre 2013 dans Fiscalité

Les fraudeurs fiscaux sont-ils des voleurs, des profiteurs, des gens dépourvus de civisme ? Une réponse libertarienne.

Par Olivier Laurent.

Frauder c'est volerLe gouffre que sont devenus les budgets des États européens provoquent des nouvelles chasses à l’homme. Les services de répression des fraudes sont appelés à durcir leurs actions. Les journaux se font l’écho d’actions éclatantes. On ne sait pas trop bien s’il s’agit d’informations de la population ou de communications destinées à l’effrayer.

La presse ou des personnes que nous croisons au quotidien se félicitent de ces actions. Elles accusent les fraudeurs d’être des criminels. Le plus surprenant est qu’elles sont sincères.

Quand on débat avec elles, il y a quelques arguments qui reviennent continuellement pour décrire les fraudeurs. Les voici :

    • Ils profitent des services publics.
    • Ils volent l’État, ils nous volent.
    • À cause d’eux, nous devons payer plus.
    • Ce sont des inciviques.

Ils profitent des services publics

Chaque jour ils utilisent les routes que l’État a construit. Ils amènent leurs enfants à l’école publique, ils profitent de la sécurité que leur donnent les hôpitaux… Bref, ils profitent des services publics sans les payer. Ce sont des voleurs.

Ils volent l’État

Les impôts non payés sont l’argent de l’État. Ils le volent et par voie de conséquence, vu que nous sommes l’État, ils nous volent.

À cause d’eux, nous devons payer davantage

L’argent qu’ils n’ont pas versé a bien dû être compensé par quelqu’un. La fraude fiscale nous oblige à tous payer davantage. S’ils payaient leur juste part, nous payerions moins.

Ce sont des inciviques

Payer des impôts fait de nous des citoyens respectables. Des hommes ou des femmes ayant un profond sens civique. Évidemment nous n’aimons pas donner plus de la moitié de notre salaire à l’État. Mais nous savons que cet argent servira le public, ce qui permettra à notre société d’être harmonieuse et garante de justice sociale. S’ils refusent de contribuer, c’est qu’ils sont inciviques…

Examinons d’un peu plus près ces quatre arguments.

Ils profitent des services publics ? C’est faux.

La véritable question est : ont-ils le choix ? Les services publics sont des monopoles. Ils sont obligés de les utiliser, il est interdit de proposer des solutions alternatives. Profiter est évidemment inadapté comme verbe. Ils n’ont pas le choix.

Le fait qu’ils ne paient pas leur impôt (ou des taxes) ne veut pas dire qu’ils n’en paient plus du tout. L’essence que l’on met dans sa voiture pour rouler sur la route publique, c’est 80% de taxes.

L’argument serait donc pertinent si on leur laissait le choix.

Ils volent l’État ? C’est faux.

Voler l’État supposerait que toute somme éludée est sa propriété. Là, on entre dans le cœur du problème pour le libertarien que je suis : le racket, même légal, reste du racket. Ce dont on parle ici, c’est le fruit du labeur de ces hommes. Rejetons l’image d’Épinal du milliardaire qui va placer le fruit de ses obscurs placements financiers dans des paradis off-shore.

La réalité correspond davantage au médecin du village qui va placer une partie de ses honoraires non déclarés, le patron d’une brasserie qui va sauver une partie de sa recette, un entrepreneur qui a vendu sa société dont une partie sera financée sous la table, un jardinier qui a accumulé en 30 ans un petit capital au noir, etc.

Bref la réalité est que c’est le fruit de leur labeur… Le fruit d’un labeur, c’est l’argent qu’ils ont reçu en échange du temps qu’ils ont consacré à quelqu’un… Le temps, c’est-à-dire une parcelle de leur vie. Et cette parcelle de leur vie leur appartient pleinement. Si cette parcelle de vie appartenait à l’État, cela ferait d’eux des serfs. Et c’est précisément ce que sous-entend cet argument.

À cause d’eux, nous payons plus ? C’est faux.

Si l’État français (ou belge) recevait plus d’argent, pourrait-il baisser nos impôts ? C’est touchant de naïveté. Davantage d’argent dans les caisses a toujours signifié davantage de dépenses. Cela s’est confirmé tout au long de notre histoire. Les hommes de l’État trouveront toujours une bonne occasion de créer une nouvelle administration. Car s’ils prétendent ne pas en avoir assez avec 57% du PIB (ou 55% pour la Belgique) comme ils le clament sur tous les toits, comment peut-on croire qu’ils en auraient subitement assez avec 60% ou 61% du PIB ?

Le fait qu’il existe une menace de fraude freine la rapacité de l’État. Sans cette menace du marché noir, de la perte totale des revenus, l’État poursuivrait ses augmentations d’imposition.

En réalité, grâce à la pression implicite exercée par les fraudeurs, il nous reste encore quelques centimes en poche sur notre salaire.

Ce sont des inciviques ? C’est faux.

La social-démocratie européenne, qui a dorénavant contaminé les États-Unis, base la société sur l’impôt. L’impôt permet de développer une politique de répartition des richesses.

Or, l’impôt est levé par la contrainte. In fine, une menace plane. Si les fraudeurs ne payent pas l’impôt, l’État les punira, les humiliera. Il défoncera leur porte et mettra en vente publique leurs biens les plus précieux. S’ils persistent à travailler sans son autorisation, il ira jusqu’à les mettre en prison.

La majorité des échanges dans nos sociétés se fait sous la contrainte, sous la menace d’une violence, d’une humiliation. L’impôt est la base du système.

Faire de l’impôt la base même d’une société la transforme en une société profondément injuste, violente, brutale ; elle n’a plus rien de civique.

Un libéral ou un libertarien minarchiste dira plutôt que l’impôt est un mal nécessaire – cette chose que nous réclamons honteux à nos concitoyens parce que nous n’avons pas pu trouver une alternative qui nous garantit un libre choix. Bref l’impôt reste une exception dans une société d’hommes et de femmes libres mais responsables, une société dans laquelle les gens ont un sens civique. Par exemple, lever un impôt pour défendre les frontières, un impôt pour financer la justice, etc.

Il n’y a rien de civique à menacer les gens pour leur prendre la plupart de leurs revenus. Bastiat le résume admirablement :

Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d’existence d’une agglomération d’hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie.

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