« Pour qu’un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent. »(Coluche)
Devezh mat, Metz, mont a ra ?
- Ouais, ça va, professeur… Alors, vous êtes content ?
- Content pour quoi ?
- Ben pour l’écotaxe qui a été suspendue…
- Hein ? Mais non, je ne suis pas content du tout ! Cette mesure était basée sur le principe « pollueur-payeur » et devait servir à financer les chemins de fer et les voies fluviales ! Au nom de quoi me réjouirais-je qu’une mesure écologique soit abandonnée ?
- Heu… Déjà, elle n’est pas abandonnée, elle est juste suspendue…
- C’est du pareil au même : connaissant le courage politique de Jean-Marc Ayrault, il n’osera pas la remettre sur le tapis, d’autant que ça ne lui coûte rien vu que c’était une mesure de l’ancienne majorité…
- Je comprends pas votre attitude, professeur, vous êtes bien breton ?
- Oui, et alors ?
- Ben je croyais que les Bretons étaient contre cette taxe ?
- C’est ce qu’on nous rabâche dans tous les médias ! Je ne sais pas ce que chacun de mes compatriotes pense exactement de l’écotaxe, mais je sais que l’urgence de préserver notre environnement est devenue majeure ! Les glaciers fondent vitesse grand V, le niveau des mers monte et obligent déjà des populations entières à se déplacer, les désert avance, les espèces animales disparaissent les unes après les autres, les abeilles elles-mêmes se raréfient… Bref, l’humanité est menacée par sa propre activité ! L’écotaxe, c’était un petit pas pour l’environnement, mais c’était toujours ça de gagné ! On n’aura donc même pas ça, merci ! Venant d’une région qui est touchée de plein fouet par ces problèmes, c’est quand même un comble ! Si je crève d’un cancer, je saurai à qui m’en prendre !
- Enfin professeur, vous ne pouvez pas reprocher aux gens de se battre pour défendre leur gagne-pain…
- Bien sûr que non ! L’agroalimentaire traverse une crise en Bretagne, je veux bien l’admettre ! Mais à qui la faute ? À cause de cette réforme qui ne devait entrer en application que dans deux mois ? Non ! À cause de la grande distribution qui casse les prix et des gros bonnets de l’industrie qui font faire le boulot dans des pays où ça ne coûte presque rien ! Ces gros bonnets ont dû se pisser dessus de rire : ils n’ont mêmes pas eu besoin d’aller pleurer à la tribune du Medef qu’on allait étouffer leurs entreprises avec de nouvelles charges, leurs employés l’ont fait à leur place gratos ! Et c’est toujours ça de temps pendant lequel ces braves travailleurs n’ont pas luté contre les avanies que leur font subir les gros capitalistes ! Écotaxe ou pas écotaxe, ce n’est pas ça qui retiendra des patrons, dont la seule logique est celle de la loi de l’offre et de la dmande, de délocaliser à qui mieux mieux ! Les gens n’ont pas défendu leur gagne-pain, ils ont défendu les patrons qui les priveront bientôt de leur gagne-pain !
- Mais enfin, professeur, si on appliquait à la lettre les usages de ces écologistes qui ne bougent jamais leurs fesses de leurs bureaux parisiens, tous les emplois dans l’agroalimentaire breton seraient détruits et votre région serait économiquement exsangue… Les solutions pour l’environnement, c’est aux professionnels qui travaillent sur le terrain de les trouver !
- Combien de fois je ne l’ai pas entendue, cette équation « écolos = bobos » ! Eva Joly, Noël Mamère, José Bové et tous les autres militants écologistes qui ont risqué la prison pour fauchage de maïs OGM et crime de lèse-Monsanto apprécieront, de même que les militants de Greenpeace inculpés en Russie ! Vos « professionnels qui travaillent sur le terrain », ils en proposent des solutions ? Non ! Dès qu’ils voient arriver un écolo, ils sortent les fourches ou les bennes à lisier ! La mauvaise foi des éleveurs de porcs sur la question des algues vertes est révoltante ! Maintenant, concernant le danger que l’écologie représenterait pur l’économie et l’emploi en Bretagne, ce n’est peut-être pas une crainte complètement infondée, mais je vous signale que ça fait quarante ans que des cassandres nous alertent constamment sur les menaces que l’industrie fait peser sur notre cadre de vie : si, au lieu de les traiter systématiquement de passéistes et de barbus qui puent, on les avait écoutés dès le début, à une époque où l’industrie agroalimentaire en était encore à un stade de développement assez raisonnable tout en garantissant l’emploi dans la région, la transition écologique aurait pu se faire dans la douceur. Mais non, on a laissé l’agroalimentaire intensif se développer exponentiellement, et maintenant, c’est trop tard ! Ça ne peut plus se faire sans heurts ni remous ! L’histoire est en plein travail, elle va accoucher d’un nouveau modèle de développement…
- Peut-être, mais on ne va pas laisser tomber la Bretagne et les Bretons ?
- Alors déjà, malgré les difficultés rencontrées cette année, la Bretagne reste une des régions de France qui font le mieux face à la crise : le taux de chômage y est largement en-dessous de la moyenne nationale ! C’est encore trop, d’accord, mais d’ici à ce que ma région vive réellement le désastre qu’on nous annonce continuellement, il y a encore une marge ! Et puis qui vous parle de laisser tomber la Bretagne et les Bretons ? Au contraire ! La transition énergétique, il faudra bien des bras pour la mener à bien ! Mettons qu’on abandonne réellement l’élevage porcin intensif : on perd une activité possible, mais du même coup, on en gagne des tas d’autres ! Pourquoi ne pas profiter du savoir-faire des salariés de l’agroalimentaire pour mettre en place un modèle de production enfin respectueux de l’environnement ? Je ne pense pas que les employés de l’industrie porcine soient fiers de contribuer au développement des algues vertes, ni que les ouvriers agricoles soient fiers d’appauvrir la terre en la bourrant de saloperies chimiques ! Pourquoi ne pas saisir l’occasion pour leur offrir une reconversion qui les rendra fiers de leur travail ? D’autant qu’il faudra embaucher en masse pour que ça fonctionne, et tout le monde s’y retrouvera !
- C’est bien joli tout ça, mais déjà que les patrons ne veulent plus garder leurs élevages intensifs, je les vois mal investir là-dedans…
- Qui vous parle de continuer avec ces parasites ? Vous n’avez jamais entendu parler de l’économie sociale et solidaire ? Un peu partout en France se développent des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) : tout le monde s’y retrouve, aussi bien les consommateurs qui ont des produits de qualité à un prix raisonnable que les producteurs qui ont la garantie d’un revenu stable sans que grossistes, transporteurs, supermarchés et autres doryphores ne s’engraissent sur leur dos ! Ce système est viable et mériterait d’être étendu à toute la France !
- Ça risque d’être dur à mettre en place, il faudra bouleverser des années d’habitudes…
- Aaah, j’avais bien dit que la transition ne pourra pas se faire sans heurts ni remous ! De toute façon, le productivisme est condamné à court terme, il faudra donc y penser sérieusement si on veut maintenir l’emploi tout en préservant l’environnement… Maintenant, à nous de voir si on tient à poursuivre une route qui va droit dans le mur ou si on veut changer de cap pendant qu’il est encore temps… Kenavo, les aminches !