C’est vrai. Je l’avoue. J’ai eu peur qu’il tombe.
Il me semblait fragile. Bien trop fin pour résister.
Je le voyais osciller. Gauche, droite, gauche, droite, gauche…
Quelle direction prendre? Vers quel côté tendre? A quoi bon choisir, décider?
De toute évidence, il ne pouvait pas lutter.
Et puis j’ai entendu. Les râleurs près de moi.
Ils avaient mal dormi, étaient tracassés. Et si ça tombait? Et le bus qui avait du retard en plus. Saleté de début de semaine. Ils seraient bien restés au lit.
Ça m’a fait sourire.
Combien? On est combien encore à s’émerveiller? A regarder, observer, aimer?
Je ne sais pas pour vous mais moi j’étais fascinée par ce simple spectacle.
Par cette petite feuille tourbillonnante, s’élevant dans l’air, bien vite rejointe par ses copines. Ce joli tapis de feuilles qui dansait dans un mouvement fluide, glissant au son du vent.
Ce ciel si chargé, ces nuages glissant dans une course folle.
Ce ciel si démuni sans ses oiseaux.
Les oiseaux. Où se cachaient-ils? Dans leur nid? Sous une charpente?
Craignaient-ils pour leurs brindilles comme les râleurs craignaient pour leurs tuiles?
Bien au chaud dans le bus enfin arrivé, leurs corps lourdement avachis sur les dossiers, leurs regards ternes, mornes sur le paysage industriel qui défilait, ils ne voyaient pas.
Ils ne voient plus. La beauté du monde, celle qui réchauffe le coeur autant que l’esprit.
Il suffit pourtant d’un rien, d’un instant, d’un quart de seconde, d’une simple feuille soulevée par le vent.
Aujourd’hui, l’arbre est encore là, il n’est pas tombé.