La peau même en offrande
Alicia Kozameh(Auteur)- Format : Format Kindle
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- Editeur : Zinnia Editions; Édition : 1 (6 octobre 2013)
- Compte-rendu de lecture
- La peau même en offrande
- Alicia Kozameh
- Ofrenda de propia piel [La peau même en offrande], Alicia Kozameh,
- Alción Editora, Córdoba, 2004, 128 pages.
- Les huit textes de ce recueil, dont certains ont connu une publication séparée dans des
- revues voire sur la toile, se trouvent ordonnés en deux parties : « Consagraciones » [Consé-
- crations] et « Cárceles complementarias » [Prisons complémentaires], précédés d’une sorte
- de prologue, « Acumulación » [Accumulation]. Deux temps, celui de l’emprisonnement
- sous la dictature dans les années 70 et son après ; celui de l’enfermement aussi dans notre
- propre histoire individuelle. Sachant que l’un ne va pas sans l’autre et que nous ne sommes
- que le résultat d’une accumulation. Récits de témoignage en un sens, toujours amenés par
- une dédicace, mais dont l’écriture suppose une réélaboration qui ancre les textes, sans pour
- autant les enfermer, dans une réalité identifiable tout autant qu’ils renvoient à des situations
- semblables sans qu’aucun ancrage ne devienne nécessaire.
- « Esquisse des hauteurs » (1992) ouvre la première partie. Là, s’y trouvent mises en scène
- les trente femmes qui partagent une cellule dans le sous-sol d’une Préfecture de Police et
- parviennent à échapper à leur enfermement par le jeu, le partage, le rire.
- « El encuentro. Pájaros » [La rencontre. Oiseaux] (1994), voit se retrouver, après leur
- libération, vingt-sept des prisonnières du pavillon 31 de Villa Devoto afin de préparer la
- rencontre qui marquera la réunion des trente femmes qui partagèrent la même cellule et
- sont toujours, bien que théoriquement libres, sous surveillance et menacées.
- Dans « Dos días en la relación de mi cuñada Inés con este mundo perentorio » [Deux
- jours dans la relation de ma belle-sœur Inés avec ce monde péremptoire] (1994-1995) deux
- personnages, dont l’un s’exprime (en italique dans le texte) et l’autre demeure muet ex-L’atelier du tilde - Les éditions à l’heure latine
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- plorent le pourquoi vivre et ne pas rester enfermé dans le chagrin provoqué par la disparition
- violente d’un époux. La nécessité de dire pour vivre, d’écrire pour comprendre et s’approprier une expérience que l’on n’a pas voulue.
- Par l’image du vent tournoyant, de l’entonnoir qui engloutit les ombres, les gens, «
- Vientos de rotación perpendicular » [Vents en rotation perpendiculaire] (1999) vient réaffirmer la volonté de comprendre une situation, une période qui reste humainement incompréhensible.
- « Último mensaje » [Dernier message] (2003-2004), se présente comme une lettre écrite
- par Sara depuis le sous-sol de la Préfecture de police de Rosario, le 25 mars 1976. Adressée à
- « Ma chère Grosse », elle évoque la fin prochaine de toute possibilité de communication des
- détenues avec l’extérieur tout en réitérant les raisons qui invitent à rester debout, à l’exté-
- rieur comme en prison, la liberté mentale n’étant pas tributaire de contingences matérielles.
- Après cette première boucle portant sur l’expérience carcérale et ses prolongements, le
- recueil explore, au long de trois récits, des « Cárceles complementarias » [Prisons complé-
- mentaires].
- « Mungos mungo » (2002), offre une réflexion sur le dehors et le dedans, l’agitation
- extérieure, le bruit, la musique confrontée aux tourbillons de l’âme d’une voix seule, enfermée dans une pièce, accompagnée d’un simple bol de pop-corn.
- Quant à « Alcira en amarillos « [Alcira en jaunes] (1995), il évoque le parcours d’Alcira
- (personnage principal de Patas de avestruz aussi) de l’âge de 5 ans jusqu’à ses 23 ans, en prison. Comment échapper à ses propres origines, en l’espèce comment s’accommoder d’un
- père violent et intolérant et d’une mère juive effacée quand on croit à ce point en la liberté et
- au pouvoir des mots ? D’une forme de prison individuelle, familiale, à l’enfermement pour
- raisons politiques, une forme de continuité s’instaure.
- Avec « La forma » [La forme] (1994), le recueil revient sur l’évocation de toutes ces
- choses qui nous poursuivent, nous hantent, nous interpellent, sur l’impossibilité qu’il y a à
- se défaire de ce que l’on est et à l’impérieuse nécessité qu’il y a à l’exprimer pour chercher
- encore et toujours à comprendre.
- Reste que les textes réunis dans cette offrande, écrits sur une période de plus de dix ans,
- au-delà de la matière dont ils traitent, du travail de mémoire qui le sous-tend, constituent
- aussi un très remarquable travail sur les mots, la phrase, sa construction et son rythme,
- et sont souvent empreints d’une poésie dont les lignes qui précèdent, essentiellement factuelles, ne rendent pas compte.