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Blouse – Imperium

Publié le 29 octobre 2013 par Hartzine

Il faut bien l’avouer, le XXIème siècle n’a pas encore vu poindre de renouveau musical, cette aspiration à faire table rase d’un passé trop présent afin de réinventer ce que sera la musique du futur. Alors que la scène française sombre au pire dans les vieux plans éculés de ses glorieux aînés, au mieux dans des pompages assez malheureux d’artistes n’ayant à leur époque su faire l’unanimité autour d’eux, force est de constater que par-delà Manche et Atlantique, le constat est sensiblement le même. C’est qu’il en faut du courage (et surtout du talent) pour se lancer dans une telle entreprise avec brio. Ne s’improvise pas Kevin Shields qui veut. De là à affirmer que trop d’influences rendues possibles par cet accès sans limite à la « connaissance » tue la créativité et favorise la fainéantise, il n’y a qu’un pas…que nous n’hésiterons pas à franchir. La prise de risque inhérente à toute surprise musicale digne de ce nom se raréfie de plus en plus ce qui nous amène désormais (malheureusement) à aimer beaucoup de choses mais à n’en adorer quasiment aucune.

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Depuis cinq ans maintenant, nos (derniers ?) espoirs de voir un label porter haut le flambeau de la créativité doublée d’une authentique originalité comme ont pu le faire en leur temps Creation, 4AD et autre Sarah Records pour ne citer qu’un passé pas si lointain que cela, reposent sur les épaules de Captured Tracks, seule institution multipliant les sorties de qualité dans l’éclectisme le plus total avec une facilité si déconcertante qu’elle pourrait presque monopoliser à elle seule l’attention du mélomane lambda souhaitant assouvir sa faim de sensations nouvelles tout en pouvant s’appuyer sur des ingrédients connus et appréciés. En effet, Captured Tracks, ce label fondé à Brooklyn par Mike Sniper, lui-même tête pensante du projet synth-pop Blank Dogs, n’en finit plus de nous ébahir, sortie après sortie : de la fougue maîtrisée de DIIV en passant par le classicisme de Wild Nothing, un détour par la plus pure tradition folk-rock de Widowspeak avant de plonger dans la cold wave de The Soft Moon, du post-punk fédérateur de Holograms aux rythmes endiablés d’Heavenly Beat… Arrêtons-nous là, tant de genres remaniés, triturés afin d’en extraire la quintessence même de ce que peut être la musique d’aujourd’hui, intelligente et respectueuse.

Au beau milieu de ce tableau haut en couleur, Blouse, auteur d’un magistral premier album synth-pop, nous avait littéralement envoûtés, éveillant nos sens tout en rouvrant notre boite à souvenirs. Sonnant le retour du Nouvel Ordre (forcément mancunien) agrémenté d’une bonne Cure de jouvence, son propos était teinté d’une inquiétante noirceur qui n’avait d’égale que sa douceur. À l’orée de retrouver le groupe de Portland mené par la délicieuse Charlie Hilton, nous ne pouvions envisager de connaître une déception musicale, la formation ayant judicieusement pris le temps de confirmer nos espoirs placés en elle par le biais d’une renversante reprise de Pale Spectre de The Wake (amis du bon goût, bonsoir). Et qu’on se le dise, le bien nommé Imperium dépasse nos plus folles espérances.

Car Blouse, au travers de cet essai, ne se contente pas de régner sur un territoire déjà conquis de haute-volée mais ajoute plusieurs cordes à son arc (de triomphe, forcément), osant par la même occasion s’aventurer dans des contrées jusqu’alors inexplorées par le groupe pour mieux nous surprendre. Assumant la prise de pouvoir d’une instrumentation plus classique au détriment des nappes de sons ayant grandement participé au succès du premier album, le propos se fait volontairement plus brut sans jamais se départir de cette voix dreamy et étrange jalonnant ces octueuses compositions « Milky Way », dures à l’extérieur et si tendres à l’intérieur. Blouse prend ainsi le parti de redémarrer la Time Travel direction la décennie nineties après s’être abreuvé la précédente. Dès les premières notes d’Imperium, le décor est planté : basse ronde nous remémorant les plus belles heures de Kim Deal, production au diapason, le combo déroule avec dextérité un morceau éponyme, imparable tube en puissance, conjuguant à merveille énergie et nonchalance ; l’influence des Pixies semble d’ailleurs bien présente, témoin l’intro de Happy Days tout en distorsion maîtrisée. Et c’est tout en variations qu’Imperium révèle ses secrets au gré de ses mélodies entêtantes. Yeysite se joue de Lush, perdu entre Split et Lovelife, In a Glass abat la carte du riff imparable que n’aurait pas renié en son temps Elastica pendant qu’Arrested, ludique et sautillant, s’affiche comme un possible inédit d’Heavenly des temps modernes. Et la conjugaison des temps est toujours juste, tantôt plus contemporaine, témoin ce No Shelter avec ses airs de morceau de Deerhunter au féminin, tantôt plus historique comme au travers de 1 000 Years, somptueuse pop song aux accents psychédéliques qui reprend l’œuvre de vénération des Kinks et des Byrds là où The Coral (qui nous avait déjà gratifiés d’un morceau du même titre, tiens tiens…), l’avait laissée il y a trois ans. L’éblouissant A Feeling Like This, lui, démontre que Blouse n’a rien perdu de ses aspirations originelles tant ce morceau aurait pu figurer sur leur essai inaugural tandis que Trust, dernière pépite offerte, réveille les fantômes de The Cure insufflant un climat étrange et captivant fait de nuances et silences mesurés. « I went away alone with nothing left but faith », définitivement.

Blouse passe ainsi haut la main la terrifiante épreuve du second album allant même au-delà de la confirmation, cette dernière se doublant d’un exercice de style ô combien périlleux et réussi consistant à faire évoluer sa musique de manière audacieuse. La plus grande assurance dont le collectif fait désormais preuve (particulièrement palpable dans le chant plus affirmé de Charlie Hilton) lui donne le statut confirmé d’étoile scintillante dans la constellation Captured Tracks, LE label dénicheur en chef de talents contemporains. On est ravi, on en redemande, vivement la suite (impériale) !

Tracklist

Blouse – Imperium (Captured Tracks, 2013)

1. Imperium
2. Yeysite
3. 1 000 Years
4. In a Glass
5. Capote
6. A Feeling Like This
7. No Shelter
8. Happy Days
9. Arrested
10.Trust


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