Dark Palace de Frank Moorhouse, Random House 2000
Ce livre de Frank Moorhouse est le deuxième volume de la Trilogie Edith, qui fait suite à Grand days - Tout un monde d’espoir. Il fait 657 pages et pèse 1.08kg… et comme je n’ai pas été très rapide pour le lire, mon sac a pesé une tonne pendant un certain temps.
Dark Palace s’ouvre donc 5 ans après qu’Edith ait rejoint la Société des Nations à Genève. Malgré toutes ses bonnes intentions, le pouvoir de la Société de Nations s’affaiblit par la crainte du monde d’une nouvelle guerre. Les tentatives de désarmement et de sanctions pour les pays qui ne respectent pas le pacte historique n’ont abouti à rien ; la campagne de Mussolini en Italie et l’invasion de l’Ethiopie marquent un tournant pour l’organisation, car l’Italie se retire de l’organisation et se rapproche de l’Allemagne nazie. La SdN devient rapidement impuissante face à la montée du parti nazi puis face à l’invasion des pays neutres par l’Allemagne. La seconde guerre mondiale a eu raison d’elle, en 1945 ils ne sont plus que 30 et travaillent ensemble dans la bibliothèque. Mais Edith est dédiée corps et âme à la chère SdN et elle restera aux côtés du secrétaire général (d’abord Avenol puis Lester) jusqu’à la fin de la guerre.
Ce volume de la trilogie est passionnant car on entre dans le cadre très privé des négociations de paix et on connaît tout des petites guéguerres entre les états membres. On regarde tout cela par le trou de la serrure dans le style très vivant et ironique de l’auteur. A toute ses discussions politiques se mêlent des épisodes de la vie d’Edith, et c’est ce qui me plaît le plus. Lorsque le livre débute, Edith est heureusement mariée depuis un an. Elle vit avec Robert qui est journaliste et se satisfait de cette vie conventionnelle et de leur mariage qu’elle dit « moderne ». Mais s’en satisfait-elle vraiment ?
Ils restèrent assis en silence. Peut-être n’était-elle pas dévouée comme il fallait ? Et par conséquent pas mariée comme il fallait non plus ?
C’était exactement ça qui l’avait troublée toute la soirée, et qui paraissait maintenant clair que de l’eau de roche, elle n’était peut-être pas une femme comme il fallait.
Mais oui bien sûr.
Elle sentit la panique l’envahir à cette pensée.
Elle avait un métier, et pourtant elle n’avait aucune envie de fonder une famille, elle ne s’occupait pas de la maison en dehors de quelques petites choses, elle gagnait plus que son mari, et elle avait également un revenu secret qui avait survécu à la crise de 1929. Et cependant, sans aucune raison valable, elle continuait de le cacher à son mari.
Et si elle avait été une femme comme il fallait, peut-être lui aurait-elle dit pour les Etats-Unis avant le bouclage du journal.
Avait-elle négligé une grande partie de leur contrat de mariage ?
Étaient-ils alors simplement des amants prétendant d’être mari et femme ?
Ou pire, était-il un mari comme il faut et elle simplement une maîtresse ?
Que se trouvait-il vraiment dans son contrat de mariage ?
Ce genre de monologue, c’est ce que je préfère chez Moorhouse. Plein de vie et des pensées à mille à l’heure. Edith est drôle, sensible et attachante. Elle est également brillante, surprenante et décidée, et c’est une femme moderne, une femme que j’admire. Le livre est semé de détails croustillants sur les expériences d’Edith, à Genève, au fameux Molly Club, mais aussi en Australie. Bien sûr, le bonheur de retrouver Edith pendant les 400 premières pages est intact, mais sur les 260 dernières, on tire un peu la langue. Il me semble que le troisième tome est aussi long, je vais donc attendre quelques mois avant de m’y plonger.
Ce roman a reçu le prix littéraire australien Miles Franklin en 2001, mais malheureusement ce deuxième tome n’a pas été traduit en français.