Trail world tour, Via Francigena, étape 14: dans la forêt aux daims...

Ce matin, en ouvrant mes volets, je découvre une aube pâle encore qui éclaire les majestueux bâtiments de l'abbaye de Clairvaux. Quelques détails rappellent que le monument abrite désormais une administration pénitentiaire, enfin même une prison de haute sécurité. C'est assez troublant, tout comme de penser que le père des gamins que je croise plus tard dans l'escalier a du commettre un crime bien grave pour se retrouver de l'autre côté. Qu'importe,  l'esprit gamins en question ont l'air bien élevés.
Je prends le petit déjeuner avec les soeurs, et les salue, en les remerciant pour leur accueil et leur hospitalité (le prix est modique) avant de reprendre ma marche dans ce petit matin.
Je retrouve vite la forêt,  jettant un dernier regard du haut de la prochaine colline au site de Clairvaux. Un petit village plus loin, un panneau m'apprend que je ne suis pas loin de Colombey les deux églises. Décidément, l'histoire de France n'est jamais bien loin de mes pas sur cette Via Francigena. Cependant je n'irai pas saluer le Général aujourd'hui, car je vais vers Chateauvillain. Le parcours est agréable,  longeant souvent l'Aube, qui déborde sur quelques près alentours. Les vaches me regardent passer, d'un air paisible, un peu bovin. Je marche bien et assez vite, dans le vent toujours fort. Ma fatigue des jours précédents s'est bien estompée et j'en suis heureux.
J'arrive assez tôt à Chateauvillain,  une ancienne ville fortifiée dont il subsiste encore quelques vestiges. Comme il se met en plus à pleuvoir, je juge qu'un déjeuner est tout de même le bienvenu. Le gîte/restaurant dans lequel je m'arrête est tenu par Steve et Marget, un couple d écossais plutôt sympathiques qui mexpliquent les quelques possibilités d'hébergements après Chateauvillain et avant Langres, qui est un peu trop loin pour que j'y arrive ce soir.
Après avoir avalé mon déjeuner, et un peu, c'est vrai, hésité à rester là car je n'arrive pas à joindre aucun des deux hébergements possibles, je reprends mon chemin.
De violentes rafales et une averse fournie me font regretter, dans un premier temps, ma décision. Mais le vent chassant vite les nuages, la pluie cesse. Après avoir longer les murs d'un parc abritant des daims en liberté,  qui est malheureusement fermé,  je marche sur une large allée forestière. Des lignes droites encore, mais bien plus belles er distrayantes que celles qui m'ont tant fatigué dans la Somme et la Marne, le long des champs. Ici, les arbres abritent mes pas du vent et mes pensées de la lassitude.
Mes pensées,  comme les lignes droites, s'étirent tout de même. Je pense à mes projets, à la suite à donner à tout ça,  à l'improbable de ma situation,  à pas mal d'autres choses dont je vous reparlerai sans doute.
Mais j'atteins le bout de la route forestière,  et après un bout de macadam puis une autre piste à travers la forêt d'automne, j'aborde à nouveau une zone plus dégagée, sur une départementale qui doit m'emmener pres de  mon étape de ce soir. J'y vois mes premiers arbres nus du voyage. Et l'hiver qui approche donc à grande enjambées.  Je sens que je vais devoir faire la course avec elle au moins jusqu'à mon passage des Alpes.
Après Dolman et L, je me detourne de quelques kilomètres pour trouver l'auberge à Villiez sur Suize, juste à la tombée de la nuit.
Un peu plus tard, je dine agréablement en compagnie de Frans, le premier pèlerin que je rencontre depuis mon départ de Canterbury. Ce psychiatre et professeur des universités en retraite est parti de Canterbury et s'arrête demain à Langres pour rentrer chez lui. Mais cet hollandais,  qui vit en Angleterre depuis longtemps après avoir épousé une sujette britannique, grand amateur d'histoire et du tour de France, n'en est pas à son premier pèlerinage.  Il est déjà allé de Hollande à Saint Jacques  puis Fisrera et de Fistera à Rome. Ces beaux voyages à pied lui donnent l'occasion de découvrir l'Europe et d'apprécier les belles rencontres. Un sentiment que je partage avec lui ce soir.