Manifestations monstres en Bretagne, levée de boucliers des milieux patronaux, retards à répétition dans son application, l'écotaxe poids lourds est mal partie. Les écologistes ont beau minimiser ces résistances, la cruelle réalité finira bien par leur apparaître comme une évidence: la taxation carbone n'est pas une bonne mesure quand elle est mal conçue!
Comment peut-elle l'être quand le quart de la recette de cette nouvelle taxation sert à la faire vivre: cette écotaxe doit rapporter 1,15 milliards par an, mais son application va coûter 230 millions d'euros par an (portiques, GPS, contrôles, ...)
Comment affirmer qu'il s'agit d'une bonne mesure quand, avant même son application, les dérogations, les exonérations, les détaxes se sont multipliées. Le résultat est une belle usine à gaz, illisible, où chaque seuil sera vécu comme une injustice.
Plus de la moitié de l'argent récolté doit permettre à l'Etat d'investir dans des infrastructures ferroviaires et fluviales qui mettront des décennies à produire leurs effets. Les payeurs vont donc subir les effets de cette politique fiscale sans en retirer les bénéfices. Ils vivent cela comme une punition après cinquanteans de politiques publiques qui ont favorisé le transport routier.
Dès septembre 2007, j'avais prévenu : cette taxe sanctionne de mauvaises habitudes sans donner aux personnes les moyens de changer. A quoi cela sert-il de sanctionner celui qui utilise son véhicule automobile si le réseau de transports en commun n'est pas à la hauteur ? A quoi bon sanctionner la surconsommation énergétique de logements mal isolés dont les propriétaires n'ont pas les moyens de financer l'isolation thermique? Pourquoi pénaliser le transporteur routier s'il n'existe pas de système de ferroutage assez conséquent pour encourager les chefs d'entreprises à l'utiliser?
J'ai posé un principe fondamental d'une fiscalité environnementale réussie: le produit d'une taxe environnementale est mis intégralement à la disposition des acteurs qui la payent pour qu'ils puissent investir pour ne plus avoir à la payer.
Que faut-il faire alors pour une fiscalité poids lourd qui soit accepté et efficace à la fois?
Plusieurs principes:
-ne pas inventer de nouvelles taxes mais s'appuyer sur celles qui existent: la taxation du carburant et les péages.
-augmenter ces taxations existantes pour alimenter des fonds spécialisés. Ces fonds seront rendus aux contribuables pour qu'ils puissent financer les transitions.
Par exemple, pour les routiers, l'augmentation du gasoil et des péages doit permettre à la profession d'investir dans des camions hybrides et des plates-formes de ferroutage, de financer la recherche pour le stockage d'énergie (condensateurs électriques, gaz naturel conçu à partir de la méthanisation, ...).
Cette méthode a l'avantage de responsabiliser les acteurs économiques et de les accompagner dans leur transition énergétique et écologique.
Conclusion: les écologistes perpétuent les mêmes erreurs depuis une décennie. Ils cherchent absolument à créer une nouvelle fiscalité punitive. Cette stratégie rend l'écologie profondément impopulaire. Et cela retarde d'autant l'espoir de voir naître des solutions pérennes.