J'avais laissé Nicholas Payton sur une note pessimiste, déçu par un "Into The Blue" ultra classique et d'une froideur morne, et pas non plus convaincu par son discours portant sur les fondamentaux sociaux-culturels à la dérive dans le mileu du jazz "contemporain" qui, selon lui, causeraient la perte de l'identité singulière propre à cette musique en l'éloignant de ce qui a construit son style et sa marque au fil du temps, des années 40 jusqu'à nos jours.
Avec BAM, enregistré au Bohemian Caverns en 2013 (BAM pour "Black American Music", appellation "déposée" par le trompettiste), je revois mon jugement, au moins pour ce qui est de la qualité de ses propositions artistiques des dernières années, car cet album est d'un tout autre registre, bien plus chaud et ouvert et, disons-le tout de suite, très jouissif du début à la fin. La formule est assez intéressante en soi bien que déjà éprouvée, puisqu'il s'agit d'un trio (à la section rythmique, Vicente Archer à la basse et Lenny White à la batterie, excusez du peu..), auquel Payton superpose un Rhodes par-dessus ses chorus de trompette, cette dernière reposant sur un trépied qui ne nécessite pas d'employer sa main gauche pour la maintenir durant tout le temps de ses prises de parole (je vous laisse imaginer les efforts à fournir sans cette aide matérielle sur 80 minutes de concert), si bien que pour une personne non avertie, l'impression d'avoir à faire à un quartet plutôt qu'à un trio est pleinement justifiée. Car, qu'on ne s'y trompe pas, Payton a de quoi revendiquer son statut "d'homme orchestre" sans avoir à rougir, reprenant toute la palette des effets du clavier électrique en en modulant parfaitement les intentions selon les humeurs à dégager aux moments clés du set, et laissant la place pour de longues improvisations aériennes et respirantes, le tout dans une décontraction partagée (The African Tinge); personnellement j'adore le son de cet instrument, et avec ce disque je suis plus que comblé. Pour vous convaincre, le mieux serait encore de comparer les interprétations de The Backward Step, morceau déjà joué sur l'album Into The Blue qui voit ici sa durée plus que doublée (à l'origine 6 minutes en studio contre 18 minutes en "live"), avec une qualité et une énergie tellement plus proches de la vérité artistique à défendre, dégagée du confort des conventions, vivant bien mieux sur scène et dans cette formation que sorti du studio d'enregistrement.
Bref, si la dénomination de "Black American Music" n'a pas toujours été pertinente au vu des couleurs et des formes de ce que le trompettiste cherchait à faire ressortir dans ses précédents disques, celui-ci s'écoutera sans modération et rassurera les sceptiques comme les novices, libéré du poids des revendications artistiques pour une meilleure approche de l'essentialité des choses de la vie; le plaisir...
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