Décidément, l’année 2013 aura été, tant pour le gouvernement que pour le chef de l’exécutif, une vraie révélation de ce que « pénible » veut dire. Rien ne s’est réellement passé comme prévu, et le manque général de direction et d’objectifs clairs aura ajouté à la confusion qui règne à tous les étages de l’État… Avec de telles prémisses, tout montre que 2014 sera une année de larmes et de douleurs.
Sans jouer les devins, il suffit en effet de prolonger un peu les tendances (notamment celles qu’on a observées ces derniers mois) pour comprendre que l’année à venir ne pourra pas être marquée du sceau de l’efficacité et des décisions judicieuses.
Pour le chômage, il suffit de se rappeler à la fois les belles promesses hollandaises et les gémissements sapinesques pour comprendre que l’inversion de la courbe n’aura pas lieu. Et entre une augmentation du nombre de chômeurs et une diminution, force est de constater qu’actuellement, la prudence incite à choisir l’augmentation. Nous avons à présent 5.7 millions de chômeurs au minimum, il semble très prudent de tabler sur un bon 6 millions en 2014. Et ce pari est d’autant moins difficile à faire que les défaillances d’entreprises continuent à rythme soutenu.
Devant ces déconfitures, le pouvoir en place, pendant toute l’année, a choisi d’utiliser la méthode de la diversion médiatique. Mais la façon dont furent déconstruites (pour ne pas dire éparpillées façon puzzle) les charmantes historiettes gouvernementales officielles, par exemple dans le cas des affaires Méric ou Leonarda, indiquent là encore une tendance sans pitié pour l’équipe en place. En gros, ou bien les « éléments de langage » et la communication que nos élites ont mis en place se sont avérés particulièrement maladroits, ou bien l’ensemble aura été traité par dessus la jambe comme à l’accoutumée, avec le résultat rigologène qu’on a pu constater.
Et puis, il y a, à l’évidence, d’autres tendances qui laissent penser que 2014 ne pourra pas être moins agité que 2013. Par exemple, les derniers rapports en provenance des préfets montrent tous que les mouvements de grogne tendent plutôt à grossir, et que le ras-le-bol s’étend maintenant bien au-delà d’un simple agacement passager lié à la myriade de ponctions que nos autistes élus se bornent à faire pleuvoir sans comprendre les effets de leurs gesticulations.
Gesticulations qui n’impressionnent d’ailleurs même plus certains journalistes ; le tacle récent par Nicolas Doze, de BFM.TV, de Pierre Moscovici, le prétexte en charge du ministère de l’Économie, montre que le temps de la déférence servile s’estompe peu à peu. Une hirondelle, seule, ne fait pas le printemps, mais là encore, en terme de tendance, elle annonce rarement l’hiver. Serons-nous les témoins de l’arrivée d’un nouveau journalisme, sans concession, qui pose les vraies questions de fond aux politiciens au lieu de s’en tenir, comme actuellement, à l’émotionnel et aux paillettes people qui transforment immanquablement les pisse-copies laborieux en techniciens de surface ?
On peut rêver. En attendant, on pourra se consoler en notant que les différents mouvements de protestations divers et variés ne se calment pas. Les Tondus, par exemple, n’ont toujours rien lâché, de même que les différentes associations professionnelles en lutte contre – notamment – le RSI dont la gestion interne est si catastrophique que plus personne ne sait exactement ce qui s’y passe. Et ce qui était pour le moment surtout des actions virtuelles, avec une grogne organisée essentiellement sur internet, passe maintenant dans le domaine réel ; les agriculteurs bretons, particulièrement remontés de voir s’installer de ridicules portiques écotaxe dans leur région, n’y sont pas allés de main morte lors de leurs dernières protestations.
À ces protestations fiscales s’ajoutent aussi les revendications de plus en plus véhémentes pour qu’enfin le Français puisse choisir sa couverture sociale, comme lui en donne la possibilité la législation européenne, et qu’arrête le harcèlement des différentes caisses, harcèlement aussi stérile qu’illégal. Du reste, l’édifice de mauvaise foi commence à se fissurer de ce côté là : petit-à-petit, les élus un minimum lucides se rendent compte qu’il vaudra mieux ne pas être du mauvais côté lorsqu’enfin sera reconnu politiquement l’abrogation du monopole qui ne tient plus actuellement que sur la détermination d’une caste à conserver sa rente.
On notera que, ces derniers jours, la situation a encore évolué ; d’une part, un récent arrêt de la Cour Européenne de Justice a clairement rappelé que les caisses d’assurance maladie sont bel et bien dans le domaine concurrentiel. Le détail de l’affaire est décrit dans cet article de Contrepoints. Bien sûr, on pourra ergoter à n’en plus finir pour savoir si la décision de justice, portant sur un cas allemand, permet de trancher définitivement pour le cas français, ce qui revient à discuter du sexe des anges alors que – et on le comprend sans mal – si monopole il y a, il ne tient que pour des raisons strictement politiques, raisons parfaitement supérieures à la notion de justice ou d’équité, et pour lesquelles on voit mal des institutions (depuis celles de la République jusqu’à celles de l’Union Européenne) renoncer au risque de se mettre dans une situation économiquement périlleuse. Dès lors, on se doute bien que le combat, aussi technique et juridique soit-il, devra continuer à se porter sur le plan politique.
Or et d’autre part, alors même qu’on a encore du mal à évaluer correctement tout l’impact potentiel de cette décision de justice, le versant politique de l’affaire montre des signes évidents d’évolution ; c’est ainsi que Valérie Boyer, député UMP mais surtout ancien cadre de la Sécurité Sociale, admet dans une série de tweets qu’effectivement, le monopole a bien sauté :
Ça va être la révolution en France la CEJ donne l'autorisation de CHOISIR son assurance santé http://t.co/qnLqolfFx5 LA FIN DU MONOPOLE !
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) October 26, 2013
Là encore, peut importe qu’elle ait raison ou pas ; ce qui importe est que la forteresse politique est en train de céder, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus d’autres solutions. En effet, non seulement l’existence d’un monopole de sécurité sociale est une aberration sur le plan du droit, mais en plus sur le plan économique il a prouvé à quel point il pouvait être néfaste ; si la France peut raisonnablement croire avoir un système de soins très supérieur à la moyenne, il en va tout autrement de son système d’assurance maladie, économiquement ruineux et globalement très inefficace.
Au bilan, la situation est tout de même fort intéressante puisqu’à présent, tout salarié peut maintenant exprimer le désir d’être couvert par une assurance santé autre que le système étatique proposé par défaut ; celui-ci étant incapable de fournir le moindre contrat le liant à l’assuré, ce dernier n’aura pas de mal à prouver qu’il n’est aucunement lié à lui et pourra dès lors choisir l’assurance de son choix.
On comprend que le terme de « révolution » employé par la député Boyer ne soit pas trop fort ; les mouvements de protestations liés à des cotisations toujours en hausse et des prestations de plus en plus médiocres trouvent ici un terreau fertile pour leur combat, et on voit mal comment l’année 2014 pourrait être plus calme que la 2013 à ce sujet compte-tenu de ces derniers développements…
En tout état de cause, nous avons donc d’un côté une série de motifs de grogne qui grossit tous les jours, des fissures dans les édifices (fiscaux, sociaux) qui paraissaient les plus solides ; et de l’autre, nous avons une équipe dirigeante dont les clowneries, aussi drôles soient-elles, ne permettent en rien d’affirmer qu’elles ont un objectif quelconque pour le pays.
En conséquence, alors que le pays n’est ni présidé, ni gouverné, les tendances pour 2014 indiquent clairement une unique chose : ce pays est foutu.