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One man show de et avec Albert Meslay
Présentation : Albert Meslay est un cas, et même un cas grave.Du début de l’écriture, « Les premiers écrits ressemblaient à des emails gravés dans la pierre et à consulter sur place » à la fin du monde, « le jour de l’Apocalypse, en un instant, les fortunes des nantis seront anéanties et les dettes des pauvres annulées ; on aura une fin du monde de gauche », cet hurluberlu donne son opinion sur tout et même sur des sujets qu’il ne connaît pas : « le droit de se tromper est un privilège qui ne doit pas être réservé »…
Mon avis : Assister à un récital d’Albert Meslay est un plaisir d’esthète. J’emploie le mot « récital » à bon escient car il y a quelque chose de musical dans son phrasé si particulier avec une utilisation très efficace des silences. Et, avec un don d’ubiquité qui frise la schizofrénésie, il est à la fois soliste et chef d’orchestre. Soliste parce qu’il est un instrumentiste quasi inégalé dans sa discipline (dans ce registre si spécifique, je ne vois guère que Vincent Roca, François Rollin et lui) ; et, sa gestuelle, sa manière très personnelle de bouger les bras et les mains et de nous mener à la baguette lui confère ce côté chef d’orchestre.
Le nouveau spectacle d’Albert Meslay, L’Albertmondialiste, est donc, à sa façon, une symphonie. Une symphonie qui, sous des apparences complètement débridées, est très achevée, elle. Albert Meslay est un a(mot)reux transi. Il place le verbe haut, très haut. Mais comme il a l’esprit tortueux et une déviation quelque peu frankestenienne, il n’aime rien tant que d’oser des associations improbables, des associations contre nature même, mais qu’il réussit à nous faire trouver naturelles.Avec sa moustache de loup-phoque, Albert est un « sang Meslay » car il n’aime rien tant que le métissage des mots. Avec lui, les mots filent tout en subissant une transfusion de sens. Il cultive également le paradoxe des se proclamer « Albertmondialiste » alors qu’il n’est jamais terre à terre.Certaines de ses assertions jaillissent comme des évidences, du genre qui nous fait rager de ne pas y avoir pensé. Il est également un adepte du bon calembour, y compris en phonétique, et un virtuose de l’absurde.
Son récital ne laisse aucune place à l’improvisation. Chaque note a son importance et tout en mettant le verbe haut, il reste toujours à notre portée. Ses divagations se dégustent comme autant de délicieuses pastilles. On aimerait prendre le temps de les suçoter et de les garder en bouche, mais ça va trop vite. Il enchaîne sans cesse, nous présentant un nouveau parfum, passant sans transition du bonbon acidulé à la dragée au poivre. Son spectacle est d’une joyeuse richesse et d’une grande variété. Il y aborde des thèmes aussi divers que le Big Band, l’emploi, la bretonnitude, la cigarette, la retraite, le pétrole, la Révolution, le réchauffement de la planète, les riches, le dopage… Avec un sérieux imperturbable, il déambule sur la scène, faisant étape dans trois endroits privilégiés pour y traiter un sujet plus en profondeur. Car, mine de rien, Albert Meslay témoigne d’une grande culture. Très documenté, il donne des chiffres, cite des références et, toujours sans en avoir l’air, il nous informe et nous apprend moult choses. Mais comme il ne se veut en aucun cas sentencieux, il a toujours une formule pour contrebalancer tout aspect didactique, du genre : « Je ne suis pas toujours d’accord avec ce que je pense » !... Après avoir proféré une telle affirmation, il peut faire ce qu’il veut et nous, on n’a plus qu’à se laisser prendre aux mots.
Gilbert « Critikator » Jouin